Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 30 janvier 2019

Je n'aime plus l'hiver

Je n'aime plus l'hiver
La neige et le froid
A la fin de ma vie
Je n'aime plus l'hiver

Pourtant, il n'est pas une finitude
Mais un recommencement
Un pas vers demain
Vers les beaux jours à venir
L'hiver est une promesse, une attente, un repli
Une méditation sur soi

Et l'intérieur de soi
………………………..
Je n'aime plus l'hiver
Le vent, la pluie, le gel
Ce temps court qui invite au sommeil
Ce long endormissement avant un timide réveil
Je crois que je n'aime plus vraiment l'hiver
Même s'il reste au fond de mon cœur un frêle attachement
Un lien profond peut-être mais qui s'effiloche au fil du temps, l'hiver n'est plus le même au crépuscule de la vie, il siffle la fin du jeu, de la récréation. Le temps semble alors compté, il faut se résoudre à se dire qu'il y aura moins d'étés et de printemps.


………………………….
Attendre fébrilement qu'il s'éloigne,
Scruter le ciel et le jour qui reste un peu plus longtemps
Chaque seconde gagnée l'est sur le temps
Guetter les premières bourgeons, le premières primevères, dans le jardin, dans les buissons, humer l'odeur de la saison nouvelle
Se dire que cette fois encore, pour une fois peut-être le printemps sera au rendez-vous, qu'avec un peu de chance l'été ne nous fera pas faux bond.

Alors pourquoi ne plus aimer l'hiver ?


Brigitte Dusch "des bribes et des mots, mots en vrac" in les Nouvelles d'Arsel
Crédit photo @brigittedusch

samedi 26 janvier 2019

Parler, pour ne rien dire



"Il faut que je vous dise ":
Elle dit :

"En fait je n'ai rien à dire, pas de mot, ça ne vient pas
………….. 
Silence
………………
Il faut que je vous dise
que je n'ai rien à dire mais que je parle tout le temps
je parle pour ne rien dire.
Pour meubler le silence
ce vide terrifiant qui m'entoure !
Pour entendre ma voix peut-être, 
Etre là absente à moi même
et aux autres qui ne m'écoutent pas
qui ne m'entendent pas.
Je parle sans rien dire, pour meubler le silence, je parle au milieu du bruit et des mots des autres pour essayer de dire que je suis là, pour leur dire : je suis là,
malgré tout
C'est ça ma vie
Malgré tout
Je parle tellement, me dit-on, qu'on ne m'écoute plus, un peu comme ces gens qui ont mal tout le temps et partout, à force d'entendre leur plainte on n'y prête plus attention.
…………………..
J'aime bien "prêter attention" on prête, pour un temps seulement, on ne donne pas, on peut la reprendre à chaque instant.
Prêter, donner ?
Moi on ne me prête rien et on ne me donne pas de place
j'ai bien pensé la prendre cette place au milieu de ce brouhaha mêlant ma pauvre voix à ce tintamarre qui ne m'intéresse pas, essayer d'en placer une, capter le regard et l'oreille, mais je n'intéresse personne, on ne retient pas mes mots puisqu'on ne les entend pas, ils se perdent dans l'espace, dans ce vide sidéral qui m'effraie
Je n'ai rien à dire, mais vous savez que c'est faux, j'ai tant et tant à dire que je n'en trouve pas les mots, pas de mots pour dire tout ça, alors je dis des mots faux des faux mots semblant, des faux semblants, des fous semblant terrifiant de folie et défaut de sens".
Voilà ma vie
…………………
Ce que je voudrai dire, vraiment je le garde pour moi, quelque fois, je lâche un peu pour vous….
………………..
J'ai beaucoup parlé cette fois.
Pour ne rien dire ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
crédit photo @brigittedusch

mercredi 9 janvier 2019

Lettre du Front "Ma Dite" 26 décembre 1915


Ma Dite, ma Mie, mon Aimée,

Noël  loin de toi, sans toi, c'est insensé. Pourtant ! Et voilà l'année finie  loin de toi, sans toi encore, tu me manques ma Mie, ma Dite, mon Aimée. Je n'ose penser, penser trop, ça fait mal de penser. Je voudrai tant te rassurer pour me rassurer aussi, nous rassurer tous les deux. Tous les deux. Je pense à toi, à nous peut-être encore un jour, ce Jour. Mais quand ? Et puis ? Comment serons-nous quand tout cela sera fini, si cela finit un jour, si nous sommes encore en vie ? Fini, finir, la guerre, la souffrance, loin de chez nous, de nos maisons, rentrer, vite, en finir vite, rester en vie, être en vie, demain, si nous sommes encore en vie.
Si nous sommes toujours en vie, je ne veux pas mourir ma Dite, je ne peux pas mourir, je veux vivre, je veux vivre pour toi, encore,car nous n'avons pas vraiment vécu tous les deux, nous n'avons pas eu le temps, à peine mariés et me voilà parti. Mes mains tremblent de froid, de peur et d'émotion, il pleut et neige sans répit. Nous avons encore tant, tout à vivre. Nous n'avons pas eu le temps, on nous a pris le temps, la guerre a brisé le temps, notre temps.

Le bruit, toujours le bruit et la poussière et le froid, le ciel noir, le noir et la mot, toujours décembre en été, décembre en hiver, un éternel hiver qui n'en finit pas. Je pense à ce mois de juin, de mois de juillet, je pense à nous, c'était hier, c'était il y a une éternité, mais ce sera demain, bientôt demain. Il y aura demain. Dis ma Dite quand nous reverrons nous ? Permission, permettre, attendre de pouvoir traverser la rivière,  pour voir le village envahi, revoir tout détruit. Les voir, là à notre place, à la table de notre café, chez nous. Prendre notre chez nous. Comment est la maison, celle de la Mère et du Père, comment est le jardin ? Et toi, que fais tu ? Je sais que tu vas à la chapelle de la Vierge, je sais que tu pries, moi, je ne sais pas, prie pour moi, pour nous, pauvres malheureux, camarades de misère et de douleur, camarades. Les copains, les cigarettes, le mal du pays, la peur, la peur de les voir mourir, la peur d'aimer. Il ne faut pas penser, que je pense. C'est qu'on ne peux pas trop  s'attarder à penser, il n'est pas bon de penser, on peut mourir de penser.
Attendre, attendre et entendre les autres, parler, ils sont si prés, à quelques mètres, on s'attend, on se jauge, qui va donner l'alerte, le premier bruit, le premier cri, le premier tir, et tout recommence, l'enfer se met en marche, et ça recommence, ça ne finit jamais. Les autres, mais quels autres ?  ils sont comme nous dans la tranchée, pauvres bougres, je n'arrive pas à les haïr tout à fait, tant mieux je suis encore humain, pourtant il faut se battre, tuer pour ne pas être tué. Je n'ai jamais voulu tout ça moi, ni les autres, je crois. Je comprends un peu, des mots, peut-être, je les entends rire, boire et tousser, on se dit qu'ils sont comme nous, les ennemis, mais comme nous, mais faut-il penser ? … Il ne faut pas penser comme ça. Mais penser comment, ce sont des hommes comme moi, même s'ils sont nos ennemis ! L'autre jour nous avons bu de la bière, restée dans la tranchée que les camarades ont pris, nous avons trinqué, nous avons ri. Rire dans l'enfer, dans la boue et le sang, on devient fou. Avancer dans la gadoue, la neige fondue, sale,  voir les barbelés partout, un champ de ruines, des ruines toujours, reculer, puis avancer, puis reculer, être couchés, encore debout, ne pas crever, se cacher derrière le cadavre d'un malheureux déchiqueté par les éclats d'obus, être couvert de sang, et sentir qu'on est encore vivant, que ce sang n'est pas le mien, mais celui de je ne sais pas qui, plus malchanceux que moi ! La mort est partout, ça pue le sang, le cadavre. l'enfer est sûrement plus doux, au milieu de ce chaos il m'arrive d'entendre la musique, j'aimerai te serrer dans mes bras, et t'emmener danser, la place n'est pas loin de chez nous, nous pourrions y aller. Dis moi comment est ma rivière, elle a encore du déborder, y a t-il de l'eau dans la pâture du voisin ? Ca gronde et ça tonne dans tous les coins, pas de trêve, nous sommes tous des hommes devenus pire que les animaux. J'ai froid.
Quand reverrais-je le clocher de l'église, quand irons nous au bord de la rivière, dis moi ma Dite quand reviendra le printemps ? Y aura t-il encore du soleil ?
J'ai sur mon cœur, serré tes petits billets, tes lettres que j'attends, tes lettres que j'embrasse, et l'alliance à mon doigt qui me rappelle que nous sommes unis, je pense à l'église de Boult où nous nous sommes mariés, je pense à tous ceux qui comme nous étaient heureux . Dis moi si tu le sais, pourquoi ceux d'en haut, ces gens qu'on ne connait pas veulent faire de nous des malheureux ?

Je divague, ma Mie, je voudrai dormir, prés de toi, être prés de toi, pourquoi je ne peux pas ? Je n'ai de réponse à rien, je n'ai pas choisi cette vie, c'est avec toi, que je veux la passer, pas au fond d'un trou, dans la poussière et la boue. Je t'aime ma Mie, je te serre dans mes bras, quand irons-nous danser ? Quand reverrons-nous l'été ?
Je te serre si fort. 

Ton Bien Aimé.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne "Gustave,  Lettres, fragments, éclats de Maux"
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 2 janvier 2019

Le temps


Je veux le temps
Je ne veux que le temps
C'est extra ordinaire et  impossible,car le temps ne s'achète pas, ne se donne pas, ne se loue pas, le temps n'existe pas, le temps est. Il est éternel et éphémère
Il est court et long, rapide et lent

Le temps est un torrent, une cascade, un tsunami et un orage
C'est un volcan, une pluie, le vent qui nous emporte loin de tout
De nous, des autres, de la vie
Je veux le temps
Insaisissable et impalpable
robe de Peau d'Ane
Couleur du temps,
D'un temps inexistant
Il court et file dans le ruisseau tragique des vies qui s'épuisent à le regarder s'enfuir
Impuissantes
Je veux le temps
Même si je sais que je ne l'aurai pas, car on n'a jamais le temps, seulement l'instant de comprendre qu'on ne l'a pas, qu'on ne l'aura jamais car il n'est pas
Le temps n'est pas pour nous, il n'est pour personne, il est une légende, un mythe, un roman.
Personne ne peut le saisir, l'arrêter, le mettre en cage, l'emprisonner, le capturer, le kidnapper, le prendre, le gérer, le maitriser, le garder, le dompter, le discipliner. Il file entre les doigts, et passe inexorablement. Il est libre et rebelle. Il n'appartient à Personne.
Le temps n'a pas de racine, pas d'origine, il EST, un point c'est tout.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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