Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 24 juin 2017

L'oubli

Alors  que tant veulent oublier, Elle, elle ne veut pas oublier, elle essaie tous les jours, à chaque instant, à chaque minute d'éviter d'oublier.

Elle est épuisée !

L'impossible mémoire, celle qui s'en va, qui fout le camp, qui n'obéit plus, qui ne revient plus
Ces mots qui restent sur le bout de la langue
Ces mots qui restent au fond de la mémoire
Ces souvenirs qui se sont fait la malle
Une malle scellée à tout jamais, jetée aux oubliettes.
Mémoire ?
La mémoire qui n'est plus, ou qui n'est plus que lambeaux, bribes, morceaux tronqués, br
isés, cassés, sinistres oripeaux...

"J'aimerai bien savoir, mais je ne sais plus," Elle ne sait même plus qu'elle ne sait plus
Vouloir réussir à se souvenir !
S'efforcer de ne pas oublier qu'il faut se rappeler.
Au début elle réussissait à se souvenir qu'elle allait oublier, que dans quelques minutes elle ne saurait plus, si elle avait mangé, s'était coiffée, brossé les dents
Alors elle s'arrangeait pour se souvenir à défaut d'oublier...
Pense bête !
Bêtes pensées.
Puis peu à peu, fatiguée de devoir se souvenir qu'il ne fallait pas oublier, elle a laissé tomber.
Elle a arrêter de chercher à emprisonner cette mémoire turbulente
Elle l'a laissé s'échapper, partir, s'envoler.
A ouvert la porte de la cage !
Une mémoire en fuite... Pour toujours à jamais...
Elle a cessée de lancer un avis de recherche
Elle ne sait plus. Elle ne sait plus depuis quand, depuis qui ?

Elle ne cherche même plus à savoir.
Un moment elle a tenté de faire semblant, il me semble que, je crois que...
Et puis elle n'a plus été dupe ! A quoi bon ?
Elle s'est alors laissé glisser, doucement, lentement, presque agréablement, comme si l'oubli devenait confortable, presque.
Ne plus savoir, laisser aller
Elle se souvenait d'avant, de bien avant, dans le temps, ce temps où elle était jeune et belle, où la vie était facile, où elle aimait, était aimée... Dans ce temps là, il était une fois !

Es war e
inmal

Elle pouvait relater toutes ces histoires, décrire le pont des Arts quand il l'a embrassé pour la première fois ce jour là !
Mais elle ne sait plus ce qu'elle a mangé ce matin, ni même si elle a pris son repas
Des gens viennent la voir, ils disent qu'ils sont ses enfants. Mais ils lui paraissent bien grands ! Ses enfants ? Oui, elle en a, mais ils sont petits, ils jouent dans le jardin, salissent leurs vêtements et ne font pas leur devoirs
Comment s'appellent-ils au fait ?
De ça elle ne se souvient plus non plus.....
Possible oubli de l'impossible, et parfois elle pleure, elle verse des larmes de douleur, car elle aimerait bien pouvoir se souvenir, se souvenir encore, encore une fois, avant de partir..


Partir quand il sera l'heure.

Br
igitte Dusch, psychanalyste, historienne. ln "les Nouvelles d'Arsel" bribes.

lundi 12 juin 2017

Violette a enterré sa mère.




Violette a enterré sa mère, elle était presque seule au cimetière, elle était seule pour « vider la maison «.
Violette ne pleure pas sa mère, elle a trop pleuré sur son chagrin à elle, celui de ne pas avoir été aimé par sa mère.
Violette a fait le deuil de sa mère depuis longtemps. Très longtemps.
Violette pensait en avoir fini avec sa peine,  sa douleur,  ce manque d’amour. Là. Elle pensait avoir fait la paix avec sa mère, avec elle-même, avec son enfance, avec sa vie. Etre qu
itte.

Violette s’était même persuadée que sa mère l’aimait, l’avait aimé à sa manière « en ce temps là les parents ne manifestaient ni leur amour, ni leur tendresse ». Cette idée là rendait tenable sa vie, lui permettait de tenter de s’aimer un peu. Elle s’était apaisée, avait pardonné l’abandon, la différence, l’indifférence, l’absence de regard. Le tout. Le rien
ll n’y avait presque personne ce jour là, un jour d’hiver sinistre, froid, pluvieux, pas de famille, quelques femmes de ce village perdu au fond d’une campagne d’un autre âge ;  Dans ce cimetière où reposent depuis des siècles les corps laissés là, au gré du vent et de la neige, oubliés, car plus personne ne vient, ne vient plus. Seules les vieilles nettoient les tombes tout en se racontant les dernières nouvelles, elles mettent des fleurs, époussettent, puis font le tour de ce jardin singulier en égrainant leurs souvenirs et remarques « c’est y pas malheureux de voir ça ! la tombe, y a
pu qu'des éronces, ; les enfants ces manches à rin s'en occupent pas, les manoqueux ». Qui en effet vient perdre son temps pour fleurir un carré de terre aujourd’hui ?



Violette n’a pas de peine, elle fait son devoir de fille, dévouée, elle l’a été, aides à domicile, passages réguliers, maintien à la maison comme sa mère le souhaitait ;  Elle rentre à présent dans cette maison qui lui est étrangère pour nettoyer, jeter, emballer, ranger, faire le tri, de ce qu’a été la vie de cette femme, de cette presque inconnue. De sa mère.

Dans un tiroir, elle trouve au milieu d’un fatras, des cahiers, des lettres, des feuilles éparses, des fragments de poèmes, de mots… Elle n’ose regarder, lire. Doit-elle pénétrer cette intimité ? Elle feuillette néanmoins et au fil des lignes voit se dessiner son nom… non ce n’est pas Violette, mais Violaine… lntriguée elle lit…
Violette a ouvert la porte, aurait-elle du ? Là n’est pas la question, elle a ouvert la porte. Il lui faut aller jusqu’au bout. Elle lit, debout. Tremblante.

Sa mère, « cette femme » dit-elle a écrit sa vérité ; la vérité. Elle écrit ne pas aimer cette enfant, cette Violaine pas désirée, pas voulue « elle a brisé ma vie, je n’en voulais pas, je n’en n’ai jamais voulue »…. « Ce fardeau, ce poids qui ne voulait pas partir…. » « Elle était là, je l’ai caché, je ne voulais pas de cette abominable chose»… des mots forts, violents… « Si elle avait pu partir… «  Toute ma vie gâchée fichue, j’aurai pu faire tant de choses… «  « elle sa vie ! la voir est une épreuve…. » «  On me l’a retirée… je l’aurai peut-être tuée qui sait ? » « mais elle ne voulait pas mourir, malgré moi, «  je ne crois plus en dieu il m’a infligé ce fardeau »…  « Elle m’a emprisonnée, cette enfant a été mon tombeau ». Des lignes et des lignes…
Violette n’est pas effondrée ;  Violette est soulagée, confortée, rassurée. Elle sait qu’elle ne s’est pas trompée, qu’elle a toujours su. Enfin : la Vérité.

Puis : «  ce n’est pas Violette, mais Violaine, cette petite fleur c’est trop beau pour elle ; cette vilaine ne mérite rien, je ne l’aurai d’ailleurs pas appelée, je n’avais pas de nom pour elle.. Puisque je ne voulais pas d’elle »
 
……………….. C’est la sage femme qui l’a appelée………………..  Violette… 

C’est joli. Violette a toujours su que quelque chose clochait, que son prénom sonnait faux dans la bouche de « cette femme/mère mais pas de moi » Je suis sa viol haine, elle n’est pas de moi ma mère, et ça me fait du bien. Je vais enfin aller, advenir.
Violette n’a pas d’enfant, n’a pas fait d’enfant.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

vendredi 2 juin 2017

La langue de la mère morte


La langue
ll y a la langue, la langue de la mère morte, celle de sa mère avant elle, et de la mère avant elle : la mère morte.
ll y a cette langue dont les bribes me parviennent et murmurent à mes oreilles, cette langue que je n'ai jamais apprise, puisqu'elle est là.  La langue de la mère morte n'est pas morte, n'est jamais morte. Ne sera jamais morte car elle ne peut pas mourir.
Nous portons en nous la trace de la langue avec le souven
ir de la mère morte et sommes garants de leur immortalité.
Passer et transmettre, la langue et le reste.

Nous portons la trace, immense cicatrice en creux de la vague de la mémoire. Cousue au fil du temps elle traverse les champs du souvenir et se grave au fond de notre âme.
Elle adv
ient au monde en même temps que nous et revit avec notre premier cri, la langue de la mère morte.
Elle peut être enfou
ie au fond d'un inconscient qui nous joue des tours au détour de la langue de tous les jours. Alors elle revient par bribes, notes et sons, nous ne savons pas vraiment de que c'est, mais c'est, c'est là, profond et on baigne dedans, ça s'accroche, ça colle, et nous n'y pouvons rien.
Nous pouvons tenter de lutter, de comprendre, de ra
isonner, mais elle résonne tant et si bien qu'elle s'impose. Elle est là, et tout, ou presque tout revient


ll faut bien en faire quelque chose de la langue qu'on croyait morte comme la mère !  un fantôme ? non .Ombre qui plane, qui nous entoure et nous protège peut-être pour nous rappeler d'où on vient : de la mère morte et de sa mère morte et de toutes les mères mortes que portaient la langue et qui les portait.
Et nous sommes là, abandonnés sur la plage de ces mères mortes, nous sommes là avec cette pet
ite voix qui à tous prix veut se faire entendre.

Même en fa
isant la sourde oreille, nous ne pouvons la faire taire, c'est le bruissement d'un ruisseau qui coule dans nos veines et nous nourrit avant que nous ne devenons la mère morte qui transmettra la langue
.............................................................

Eternelle

Br
igitte Dusch, historienne, psychanalyste.


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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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