Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 12 août 2023

Le père effet mère

 


Sie Sagt


Il faut que je parle du père, du mien, que j'essaie de LE dire. Elle dit, sa voix tremble.

"Ce père éphémère n'est que le père effet mère, vu, entendu, perçu au prisme de la mère, de son regard et de ce qu'elle a montré à voir, ce qu'elle en a montré à voir, de lui, le voir comme elle veut qu'il soit vu
Consciemment, inconsciemment, volontairement, involontairement
Nul ne saura, la réponse, s'il y a s'en est partie avec elle, et repose dans la terre de ce village où ils se sont rencontrés, aimés sans doute et détestés.
Au delà de la mort peut-être ? 
Ce n'est pas qu'il fut un saint ce père, mal aimant, mal aimé, qui n'a rien reçu et qui n'a rien pu donner
Nourri, élevé à la soupe aux cailloux, et au dur labeur, il a connu la peur, celle de la mort, celle qu'un enfant face à l'horreur n'a jamais pu oublier. Une peur gravée sur sa peau de la trace indélébile désignant  ceux qui n'avaient pas le droit de vivre !
Horreur et tragédie, sauver sa peau, survivre. Ce père était déjà un enfant éphémère et effet mère. La mère ? Qui fût elle ? Nul ne sait vraiment, les enfants n'avaient de mots que pour leur père. Homme de bien, de dur labeur il a nourri, protégé sa famille. Elle l'a peu connu, mais il revenait de loin, si loin lui aussi. Il n'a pas été choisi, mais déposé à l'orphelinat. Le choix de sa mère. Le choix de la mère de sa mère peut-être ou du père éphémère qui fut le sien sur le registre de l'état civil. La vie était dure en ces temps où il fallait prendre la route, être sur les chemins pour vivre ou survivre, ne pas mourir. Ce père, son grand père a survécu à la guerre, la Grande et l'autre, sa mère y a laissé un frère son oncle, mort pour la France, pauvre gosse il n'avait pas 20 ans ; fauché par la connerie des hommes
Tout ça le père ne le savait pas, elle n'a pas eu le temps de lui raconter, elle sa fille qui tente de parler de lui. Cet inconnu, méprisé, délaissé, et montré tel le monstre qui ? Mais qui quoi ?
C'est l'histoire d'un mal entendu, celle d'une rencontre dans la peur, la misère et la survie, celle où la vie surgit au milieu de la mort et qu'il faut vivre. Alors ? Elle est venue. Elle pas vraiment attendue mais venue, advenue.
Elle ne sait pas trop comment elle a survécu. Elle a tenté de savoir qui était ce père ? S'il était le gentil ou le méchant, avant de comprendre que dans ces histoires de Grands il n'y a ni gentil ni méchant, seulement des gens qui s'aiment ou pas, qui se sont aimés et qui n'ont pas le courage de se séparer, par lâcheté ou facilité, qui ont passé une vie à vivre ça, à se torturer tant à en vouloir mourir.
Il fallait choisir, lui ou elle, lui le méchant, celui qui... faisait le mal 
Elle en avait peur, mais très vite elle comprend qu'il n'est pas méchant, mais qu'il ne sait ni parler, ni faire, qu'il ne connait ni la tendresse ni ses mots ni ses gestes Qu'il ne sait rien.
Qu'il vient d'un monde de violence et de peur. Maladroit il tente de nouer quelques dialogues et les deux se découvrent l'amour des fleurs, de la terre, des animaux, du ciel, des arbres, des forêts. Il lui montre les étoiles, la lune et les planètes, lui nomme les plantes et les arbres, lui apprend comment ne jamais se perdre dans ces forêts où chaque pas les fait trébucher sur une souche ou un vestige de guerre. Il lui parle de la férocité des hommes, des soldats, mais pas de sa peur à lui de sa peur de gosse, de la mort qu'il a vu en face, qui pouvait à chaque instant le saisir

Il n'en n'avait peut-être pas peur ? l'enfant a vite compris que quelque chose était mort chez lui était resté là bas, dans les endroits de l'horreur dont il ne parlait jamais mais qui toute sa vie l'ont hanté, et qui hantent encore l'enfant
Car ces fantômes là sont reçus en héritage, malgré soi !
Ce sont ces fantômes qui ont appris à l'adulte qu'elle est devenue de comprendre qui était LE père, sans la mère, sans les yeux ni le discours de la mère
Comprendre le malheur qui a réuni deux êtres blessés par la vie mais qui au lieu des les aider à se reconstruire les a détruits à tout jamais
Requiem !
Il en est ainsi. Ce n'est qu'au delà de leur vie qu'elle a pu entamer le dialogue avec ses parents, qu'elle a pu leur dire leur amour
Peut-être leur pardonner ?
Ce père éphémère mis à distance de l'effet mère lui apparait enfin comme un Homme, un humain, au dessus de lui se détache un enfant, perdu, et qui n'a jamais pu se retrouver. 
Requiem

A R.B in memoriam 
Brigitte Dusch historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 4 août 2023

Blues mauve

 



C'est une sorte d'arc en ciel, de couleurs, de couleurs de l'âme.

Une sorte de blue, de blues et de mauves, des bleus à l'âme et des bleus de l'âme. Profonds hématomes qu'on essaie de masquer du mieux que l'on peut pour se lever le matin et ne pas montrer et laver son chagrin. Ses larmes mouillées ravalées et séchées. Tant bien que mal, tant mal que bien.

La vie est ainsi et l'impermanence nous guette ! Tant mieux, tant pis
Rien n'est jamais gagné, coup de dé, dernier coup de poker, roulette russe, on remet son titre en jeu chaque jour, mais parfois aussi quand on ne s'y attend pas, car ce blues là vous saisit, se saisit du corps, de l' âme sans crier gare, sans prévenir, il survient et surgit du Néant et vous prend.

Mauve et bleu, bleu et mauve, c'est un festival de couleurs, celles des émotions baignées dans les larmes de joies et de chagrin. On ne sait plus très bien.
Chaque fois on remonte sur le ring de sa vie, on se couche, se relève et repart au combat. Mais pourquoi et quel titre au juste remet-on sur la table, quelle mise va t-on remporter, casino ? Rouge, pair, impair et passe.
je passe mon tour, je passe mon chemin, je me couche et je verrai demain
Tapis !

C'est une sorte d'arc en ciel, un dégradé de bleus, mauves, et violets qui nous enveloppent et nous tient froid, puis chaud. On ne sait pas comment, pourquoi ni d'où il vient ; amené là, vent du Nord ou siroco exilé, il entre et se faufile.
On le sent prendre possession de soi, il arrive, lentement, s'installe et nous envahit. Il fait corps, il est soi on est lui. Nous sommes un tout. 

Bleu mauve, reflets du ciel et de la mer, feu d'artifice ?
Je ne veux pas mourir je veux vivre en bleu, en vert, en mauve dans toutes les couleurs de l'arc en ciel
Je veux sortir de cette torpeur et tordre les couleurs, les jeter sur la toile du chemin que je veux prendre, que je vais prendre, portée par tous les vents et les pluies. 

Je veux guérir de la mort, être en rémission de la vie.
 Il est trop tôt pour partir dans ce ciel aux couleurs de merveilles, ce n'est pas l'heure, je demande un joker : le nuage pour balayer tout ça :


Ciel qui explose comme des grenailles, sons de la mitraille, envoi des fusées de détresse de toutes les couleurs, bleues, mauves et violettes. Salves d'honneur pour rendre les armes une dernière fois. Mon dernier coup de dé, mon dernier coup de poker, je ne jouerai plus à la roulette russe, à la roulette tout court, je ne jouerai plus à rien. je me ferai interdire de Kasino, je ne verrai plus qu'un ciel couleur de guimauve bleue, blues et mauve.
Un ciel couleur de ciel.

Je verrai le ciel que je vais peindre chaque matin, je verrai le ciel que je vais éteindre chaque soir, allumé de quelques étoiles et d'une lune bleue. 
Blues, bleu, mauve, pair, impair et passe !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo, gouache @brigittedusch

mardi 1 août 2023

Se bien traiter pour bien s'aimer

 



Se bien traiter cesser de se maltraiter et mieux s'aimer


C'est une maltraitance qui bien souvent ne dit pas son nom, ne se voit pas, ne se repère pas, tant elle est insidieuse, quotidienne, et habituelle. 
Elle fait tellement partie de soi, de son être que tout est "normal" "je vais bien" "ça va" mais ?

Elle ne se repère pas vraiment, tout à fait, il faut bien se rassurer, même si on se ment, juste un peu, on minimise la vérité, le réel, le quotidien.


Qu'est ce que se bien traiter ?
 

Tout d'abord prendre conscience que nous sommes : je suis, tu es, il est?
Etre, avoir une existence, vivre cette existence en tant que soi. Et ce n'est pas rien. 
C'est prendre conscience que le JE, l'être que je suis est bien sur cette terre, ici, à cet endroit là. Et qu'il vit, évolue, aime, pleure, rit et agit.

Il est acteur, spectateur, subit, fait subir, il EST.

Je suis, je vis et j'ai envie de vivre bien, ce qui signifie faire en sorte que mon passage sur cette terre, dans cette vie soit le meilleur possible.


Nous savons, mais c'est essentiel de le souligner encore que la vie n'est pas que du bonheur, des moments paisibles ; une vie sans histoire n'existe pas. Il y la pluie, le vent, l'orage, les bourrasques, les lunes et les soleils, le jour, la nuit, ça bouge, vive l'impermanence car l'impermanence est l'essence et le sens même de la vie.


La vie c'est ça. Et c'est bien.
Ainsi se demander chaque matin et ça ne prend guère de temps "bonjour comment tu vas ? "
Cela s'adresse à soi. On le demande aux autres, alors pourquoi on ne se le demande pas à soi même ? N'aurions nous pas ce droit de nous demander dans quel état d'esprit, d'âme ce JE que je suis se trouve ?
Je vous invite à le faire.

Oui, souvent, la plupart du temps on se soucie des autres, de nos proches, on fait attention à leur bien être. C'est bien être que de faire ça, à condition de ne pas s'oublier, de ne pas se soucier de soi, et d'avancer sur le chemin parfois chaotique bon an mal an. Sans se poser la question : "ça me convient ou non ?"

Prendre le temps de répondre à cette simple mais aussi douloureuse question et passer en revue ceci et cela et principalement s'arrêter sur le petit caillou dans la chaussure : ce qu'on s'impose ne nous convient pas, ne nous est pas agréable et pire nous rend malheureux.

Alors s'en vient le petit refrain :


S'oublier pour ne penser aux autres d'abord sans penser à soi, s'éviter, se manquer, ne pas se respecter et par conséquent ne pas s'aimer.

S'aimer ? Apprend on à l' enfant à s'aimer ? à prendre soin de lui ? A lui enseigner la préciosité de son existence ? 

S'aimer rime avec égoïsme, égocentrisme, nombrilisme, narcissisme.
Ce malentendu, mal dit est-il responsable de l'oubli de soi ?
Pas tout à fait même  s'il y participe. 

On rentre alors dans une spirale toxique, on "ne mérite pas" on n'"a pas besoin" "c'est assez bon pour nous", "on peut faire un effort"


Et tout ce discours intérieur devient la norme, notre norme. On vit avec, sans même s'en rendre compte tellement nous nous sommes conditionnés.

Seulement il y a quelque chose  qui cloche. On a beau déployer tous les efforts pour plaire aux autres, être présent pour eux, aller même parfois au devant de leurs besoins ou désirs ça ne va pas. On ne se sent pas bien, pas à l'aise, pas remercié, pas dans l'apaisement, dans l'harmonie. Il reste ce quelque chose résonne, une petite voix qui me dit tout au fond de moi :

Et moi ? Enfin !

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo, @brigittedusch

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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