Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 19 novembre 2013

Les Proches : burn out

Les Proches :
Ceux des malades, ceux à qui personne ne demandent si ça va, si ils vont bien, mais à qui tout le monde dit : "Vous êtes forts, courageux, tenez bon, il ou elle a besoin de vous, soutenez le ...Surtout ne faiblissez pas"
Soyez... ! Tout ça et si possible tout à la fois !

Tout un discours surfait, des injonctions qui les plongent s'il le fallait encore un peu plus dans la détresse, la solitude, le désespoir.
Car qui se soucie des proches ? Qui ?
Ils sont le déversoir des lamentations, de toutes les peines, celles des autres, du malade, des médecins ceux la  même qui sont supposés savoir ce qui guérit, ce qui soulage, mais qui en réalité sont impuissants.

Ils offrent, donnent, mais ne reçoivent rien si ce n'est que cet ordre terrible ! Vous devez !
Devoir : Obligation.

Il faut ! Vous êtes. Pire encore, car cette affirmation ne suppose et n'appelle aucune réponse, aucune défense, aucune explication...
Mais il faut quoi ?
Apprendre à vivre avec la mort prochaine, avec l'absence qui se profile, avec cette peine qu'ils se doivent de cacher sous peine de ne pas être à la hauteur.
Mais à la hauteur de quoi ?
De l'attente impossible de ces mêmes autres, qui n'ont pas même la décence de se soucier de ce qu'ils peuvent endurer, en silence, dans le silence de leur peine et de leur douleur ?

Car qui les écoutent les proches ?
Qui entend leur désespoir, leur peur, leur angoisse, leurs insomnies, leurs doutes, leur envie de fuir, de partir, de se sauver, de se perdre.... Loin très loin, ailleurs.
De fuir, de quitter tout ça, cette mort latente, en sursis, en suspend ?
Une mort tellement présente dans la vie de l'autre, celui dont justement ils sont proches ? Se doivent-ils d'être là, infaillibles, faisant face au vide de cette terrible souffrance, de cette béance que rien ne pourra remplir.
Car les proches sont dans l'attente, de la terrible nouvelle, du départ, de l'absence, de la disparition.
ON leur demande de vivre avec le mort en sursis ; terrible défi
ON leur demande de faire face et de faire semblant, de vivre la mort en différé, au jour le jour, de prendre finalement cet ici et maintenant, et de profiter. De profiter en oubliant le fantôme et la faux qui se profilent et qu'ils ne peuvent, eux, oublier !
ON leur demande de se tenir sur le fil, de tenir et maintenir ce fragile équilibre que le moindre souffle, le moindre silence peut les précipiter dans l'éternelle abime !
Car ces ombres sorties un beau jour des ténèbres, sans que personne ne s'y attende, ou si peu ne disparaissent pas comme ça, par enchantement ; il n'y a pas de tour de passe passe...
Le proche est désenchanté, dépité, découragé, démuni, déprimé, déçu, désemparé, désespéré,
Il n'en peut plus. Mais à qui peut-il le dire ? A qui peut-il se confier, vers qui s'épancher ?
Et il n'ose pas, il n'ose pas mettre les mots, mettre les cris, les larmes, il n'ose le dire et le dit !
Il n'est pas entendu, il est mal entendu,
Ses plaintes sont réprimées, cachées, tuées, refoulées, "tu y arriveras, tu es tellement courageux"
Une réponse qui n'appelle plus rien d'autre que le définitif, une injonction à peine déguisée qui reste sans appel autre que le silence.
Et comment oser après ça, être dans la plainte alors que près de lui quelqu'un souffre, et se meurt peut-être. Pour quel infâme égoïste il passerait s'il osait seulement un soupir ! Alors le mot, il serait de trop, inévitablement, infailliblement, irrespectueusement, immanquablement de trop !
Une sorte d'incongruité dans cet univers qui se veut feutré afin de mieux s'en protéger, s'en distancer. Il est le sas le gardien, le veilleur ! Et la lumière ne doit en aucun cas s'éteindre. Sous peine de...
Veilleur éveillé, qui doit tenir bon, coûte que coûte, il ne l'a pas demandé, choisi, accepté, ça lui est tombé dessus, comme ça et il ne peut se rétracter !
"Il faut être fort, mais vous l'êtes, vous avez au fond de vous la ressource nécessaire"
Oui, il faudrait être fort pour s'en dégager, dégager et déguerpir, sauver sa peau, le temps que c'est encore possible, du moins ce qu'il en reste.
Et puis le summum de la folie : de l'injonction paradoxale "il a besoin de vous, voyons vous n'avez pas le droit de flancher"
Culpabilité, terrible sous entendu ! si vous flanchez ...
Vous tenez sa vie entre vos mains...
Mais comment ? Vous !
Le proche n'en peut plus, n'en veut plus, et il a bien raison. Comment lui en vouloir ?
Il lui faut s'échapper, fuir pour vivre, se reconstruire, être et se retrouver parmi les vivants... La chambre des morts n'est pas pour lui, maintenant ! Il lui faut partir.
Il n'a plus rien à faire, ni de ces autres là ni de cette abnégation demandée, exigée par une société, qui ne sait ni prendre en compte la maladie ni la souffrance psychique.
Elle n'a pas le droit de demander ce sacrifice là, elle n'a pas le droit d'exiger.  Le sujet, le proche à lui, le droit, peut-être le devoir de dire non ! stop, de se protéger, de refuser, de ne plus vouloir, pouvoir, devoir supporter la maladie, la mort proche, la tyrannie parfois de ce mourant/vivant en sursis.
Ce blues, comme ils disent, cette fatigue, physique, mentale, psychique, émotionnelle, ce burn out que vivent ces proches qui sont sans cesse sollicités, à qui il est demandé d'apprendre à faire le deuil de ce parent en partance, pas tout à fait mort, mais pas tout à fait vivant.
C'est l'impossible qui est demandé, et la morale qui est convoquée.. ! Mais quelle morale ?
Le socialement correct qui encore une fois vient s'en mêler. Le "qu'en dira-t-on ?" et nous savons tous à quel point ce regard là, cette désapprobation sociale là est intolérable ! La pire des blessures narcissiques pour quelques uns !
Le proche a t-il besoin, ce besoin social, narcissique exigé par la pression d'une société toujours plus intrusive, inquisitrice de renoncer à lui même, pour accompagner ?
Se mettre entre parenthèses, s'oublier pour ne pas paraitre ingrat ? Mais aux yeux de qui ?
N'a-il pas le droit de craquer ? De pleurer, de hurler ? De dire qu'il n'en peut plus ? Qu'il voudrait que ça finisse peu importe comment, mais que ça finisse, car il ne veut plus de cette boule au ventre, dans la gorge, il n'en peut plus de guetter dans le regard de l'autre de celui qui est malade, le moindre signe qui montre que son état empire.. De ne plus vivre avec cette peur là, cette angoisse là,
Il oublie parfois tout ça, quand la maladie laisse du répit, quand la mort se met en vacances pour quelques jours, quelques heures, alors il oublie tout ça et vit revit un petit peu, mais ça ne dure jamais longtemps...
Sa vieille ennemie n'est jamais bien loin et tout recommencer....................

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.

A tous les proches, avec mon amitié, mon soutien
A toi aussi ma Chère, ma Douce, ma Tendre Amie Esther qui entendra ses mots avec la musique qu'il convient.

mardi 12 novembre 2013

La plainte (1)

"Tu ne te plaindras pas"... "Jamais tu ne te plaindras"
Injonction ou commandement ? !
La plainte, se plaindre n'est pas vraiment bien toléré dans nos sociétés, la douleur qui en émane, physique ou/et psychologique n'est au mieux pas entendue au pire pas prise en charge.
En effet il n'est pas vraiment de bon ton de se plaindre, de dire la douleur, de mettre des mots sur ces maux du corps, de l'âme ou de l'esprit, de dire ces bleus, ces blessures, ces hématomes là.
Tout juste quelques antalgiques anti quelque chose, pour mettre fin aux maux mais surtout à ces mots qui  sont parfois pour l'autre intolérables.
Entendre la plainte n'est pas simple, pas facile, surtout quand on ne peut ni l'apaiser ni la soulager. Car même l'écoute attentive et bienveillante n'est pas un remède suffisant, parfois l'antalgique le plus puissant n'est pas la solution
Alors que faire ?
Que faire avec la plainte, que faire de la plainte ?
"Il ou Elle se plaint tout le temps, c'est fatiguant à la fin, elle ou il a toujours quelque chose, mal quelque part.."
Douleur, mal, plainte, bouteille à la mer, pour dire à l'autre j'ai mal, pas forcément aide moi, du moins pas directement
Mais que signifie t-elle ? Que veut le sujet de la plainte ? Pourquoi interpelle t-il l'autre, son alter non ego ? Que lui veut-il au juste ? Ou pas.
Qu'est ce que la plainte ? Porter plainte, qui dans son acception juridique signifie porter à la connaissance de l'autorité une infraction à la loi. Ainsi le sujet lui demande de reconnaitre qu'il a été victime de quelque chose qui lui fait offense.
Il y a là, dénonciation et énonciation d'un fait, l'expression d'un mécontentement, la plainte est portée devant l'autre chargé de faire respecter la loi que les hommes ont mises en place. Ainsi le sujet se plaint du traitement dont il a été l'objet, de l'instrumentalisation qui a été faite de sa position de sujet qui a été bafouée, maltraitée. Il dit, déclare, parle...
Il existe donc un discours de la plainte, une sorte d'espace lexical où l'on retrouve pèle mêle des cris, des mots, des gémissements, des larmes, des lamentations, ce plagere latin qui se veut bruyant et démonstratif, qui montre à voir ce chagrin et cette douleur dans des manifestations intempestives, hurlements, vêtements déchirés, coups portés sur et contre soi... Ces cortèges antiques, pleureuses où le corps tout entier est alors convoqué pour dire à l'autre et porter la plainte au dehors, aux yeux de tous, leur dire la mort, la peine et la douleur bruyante qui en résulte. Une douleur qui se montre à voir et à entendre.
Exporter, exalter la plainte, la faire sortir hors du corps pour que l'autre en soit témoin.
Tant de mots et de gestes qui relèvent presque de l'impudeur dans nos sociétés occidentales où souffrances et manifestations de celles ci se doivent d'être silencieuses, on doit avoir mal en silence et surtout ne pas se plaindre. Serrer les dents et ne pas déranger l'autre. La plainte se doit d'être muette et sourde. Elle ne doit avancer que masquer, le sujet se doit de la taire, de la faire taire de la garder silencieuse et l'autre alter non ego ne pas la voir ni l'entendre. Même pas la deviner !
La plainte intolérée devient intolérable. Il faut l'étouffer dans l'oeuf, la réduire au silence. Toute une panoplie de stratagème est déployée, médicaments en tous genres, analgésique, antalgique, anxiolitiques, formules de politesse et gestes de circonstances sont autant de circonvolutions qui porte la plainte loin du regard qui ne peut la soutenir !
Car elle peut être contagieuse, elle peut toucher et blesser, renvoyant à l'alter non ego, autre, témoin assistant mais non assisté son propre "je" ou "moi"insupportable.
Signaler, déposer, mettre en cause, voilà ce qu'est la plainte, voila ce qu'elle dit, ce qu'elle nous dit, son acception juridique en souligne bien l'aspect de monstration et c'est bien là le drama, l'action de la plainte.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

vendredi 1 novembre 2013

Tu meurs

Tumeur un de ces mots maudits dont l'énoncé est une injonction, une condamnation !
Mais peut-on, comment l'entendre autrement ?
"Vous avez une tumeur, c'est une tumeur."
Tu meurs !
Le mot qui fait peur. Encore un. Il y en a tant ! On les entend parfois, souvent, mais sans trop y prêter attention, ils sont dits, lancés, énoncés sans trop y prêter attention non plus, ils font partie du vocabulaire, de cette terminologie médicale qui paradoxalement n'est jamais très claire, très précise, qui comme sa chirurgie est invasive et surtout évasive.
Pourtant !
Tumeur, et tout de suite l'angoisse, l'anxiété, la peur envahissent le sujet qui vient d'apprendre cette nouvelle, bien curieuse et bien mauvaise nouvelle. Grosseur, kyste, boule, autant de terme aussi pour éviter celui qui tue, celui qui évoque le pire, le possible de l'impossible ou l'impossible du possible
Condamnation, sans sursis, sans rémission, sans rédemption
Curieux pouvoir des mots qui sans magie, sans mal gie, sans rien d'autre que la simple perception, le simple son sont reçus et entendus.
Ces mots qui renvoient une image, un son, une représentation, un univers, un espace, un lieu.
Mais de quel lieu s'agit-il ?
Chant de mort et chant de guerre pour ce corps qui devient un champ de bataille. Celui qu'il va livrer contre cet intrus, cet envahisseur, cet hôte bien encombrant, qu'il n'a pas invité et qu'il tente de déloger.
Celui qui est parvenu à se loger, à prendre place, à l'occuper... Il s'est incrusté, là où souvent on ne l'attendait pas.Car qui attendrait cet hôte indésirable ? Indésiré ? Impensable ?
Il ne s'est pas manifesté tout de suite, n'a pas fait de bruit souvent, il resté bien sagement tapi dans l'ombre, le temps de faire, d'y faire son nid.
Crypte ? Sujet aux prises avec les fantômes qui hantent et qui murmurent des maux et des mots sans ombre et sans lumière, des mots nus, des mots perdus qui ne trouvent pas d'adresse. Des mots errants qui tentent de se fixer pour vivre et en même temps détruire.
Qui se fixent comme sur l'image, celle de l'imagerie, qui dicte et qui dit. Tu meurs ou pas... Pas tout de suite !
C'est là toute la question, l'impensable question : "Avant ce diagnostic je n'en savais rien, pourtant ce mot change ma vie, mais ma vie est la même qu'avant ! Pourtant non, je n'y comprends rien, rien ne pourra alors être plus pareil' me confie un patient
Avant et après ! Ce mot, injonction est une rupture, brutale, un avant et un après et au milieu ce mot qui tue, pourtant la vie semble être la même !
Alors que se passe t-il ? Le pouvoir des mots encore, celui qui fait que le mot devient un mal dit, un mot dit maudit. Une représentation qui fait mal et fait que l'idée de la vie bascule, presque mais pas tout à fait de l'autre côté. Que cet autre coté oublié, refait tout à coup surface et devient là, tout de suite une issue possible à la vie.
Car si tout homme se sait mortel, il a heureusement ou non tendance à l'oublier. Tu meurs, tumeur lui rappelle brusquement sa condition de sujet mortel
Non, vous ne vivrez pas comme des dieux, cela impliquerait la vie éternelle, non, vous ne serez pas comme des dieux ! Mais ces dieux si toutefois ils sont, qui sont-ils ?
Nul ne sait sans doute.
A quelle branche, quel espoir peut-on alors se raccrocher ? Car tu meurs, certes mais nul ne te dis quand ni de quoi encore moins pourquoi !
Nul ne connait son destin, sa destinée ni celle de son "prochain" !
Injonction terrible mais qu'il ne faut pourtant pas prendre au pied de la lettre...
Tumeur n'est pas une condamnation à mort, n'est pas une condamnation de la vie !
Pire encore peut-être... ?
Une condamnation au non espoir, un mot qui fait trembler, qui contient une charge explosive et destructrice... Une blessure qui laisse des traces, qui laisse trace dans la psyché de l'homme ou de la femme qui en devient le témoin assisté.
De quel droit condamner l'autre à ce non espoir ? De quel droit user de son pseudo savoir pour assigner l'autre à ne plus croire, à ne plus entendre le chant de la vie, d'user de mots qui deviennent les maux de l'esprit ?
De quel droit user, abuser l'autre et de lui dire sans autre mots, sans autre geste "tu meurs" ?

Brigitte Dusch psychanalyste.
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

Vous étes venus

compteur visite blog

map