Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 1 décembre 2013

De l'Etat à la Horde

Ce n'est pas que je veuille paraphraser l'admirable essai d' Eugène Enriquez De la Horde à l'Etat, mais l'actualité nous questionne à ce propos, nous y interpelle violemment.
Ce n'est pas non plus que je veuille donner un avis, porter un jugement, c'est simplement le constat d'un fait, qui se répète, et qui ne peut que convoquer ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes au sein de ce Lien social.

Ainsi Freud nous a montré à partir de son mythe scientifique Totem et Tabou comment l'être humain tente péniblement d'advenir à l'Humanité, essai de devenir un "sujet humain". Et cela ne va pas de soi, car non seulement le crime rode, mais le mal est toujours tapi, endormi au plus profond du coeur de ce même homme et ne demande qu'à se réveiller.
Ainsi l'homme primitif, l'homme de la Horde n'est jamais bien loin et sommeille toujours en chacun de nous.
Alors pourquoi cet article ? Réaction ou plutôt questionnement à partir de ces événements d'auto défense, mais plus encore à propos des soutiens qu'ils ont suscités. "Un commerçant abat celui qui la braqué... "
Auto défense ? Se défendre soi même ? Pourquoi ? Parce que la société, la Loi, l'état ne remplit plus cet office, cet état de droit que l'homme a lui même mis en place, qu'il a lui même substituer au désordre de la Horde  cet état de droit dont il est à l'orgine et qu'il n'est plus en mesure de faire respecter ?

"Tu ne tueras pas" ! Un commandement, un interdit (celui que Levinas plaçait à la première place, avant celui de l'inceste)  mais qui est aussi et surtout un des principes fondateurs du lien social
De ce lien qui permet aux hommes de vivre en paix, du moins dans une illusion de celle ci, car nous savons tous, que cette paix n'est que toute relative... Et l'actualité nous le prouve, chaque jour hélas !
Ainsi tout dernièrement, un homme a tiré sur un autre, pour se défendre, en état de légitime défense". Pour sauver sa vie, parce qu'il avait peur, pour lui, les siens, ses biens, parce qu'il avait déjà été agressé, parce qu'il ne se sentait plus en sécurité....
Sécurité ! Voilà le mot est enfin lâché. Cette sécurité qui permet, qui promet de vivre en paix. Une assurance que le lien social permet et promet, du moins en principe, du moins en théorie.
Qu'en est-il de la réalité ? Que montre le réel ?
Le réel c'est sur quoi on se cogne à chaque instant. Et ce réel là s'il est singulier n'en n'est pas moins terrible et terrifiant.
Qu'adviendra t-il d'une société ou chacun de ses membres se doit de maintenir, d'assurer sa propre sécurité parce que l'état ne peut le lui permettre. Parce que ce lien là est brisé, rompu ?
Parce que l'autre partie contractante se montre défaillante, ou pire à en lire certains commentaires des réseaux sociaux, "complice" ?
Tout cela est grave, c'est une situation d'urgence, ignorée, mais pendant combien de temps encore.
Dans un pays où la peine de mort est abolie, l'autodéfense, la légitime défense permet cette même peine. Donner la mort.
Quid alors de ce "tu ne tueras point", quand il s'agit de lui ou moi ?
Le citoyen rétablit lui même cette peine de mort en instituant la "loi du Talion" ?
Qu'est ce que cet état là ? de cette Cité là ?
Que sont devenues ses/ces Lois, celles qui mettent de l'ordre et assurent la protection des sujets humains qui sont en son sein ? Quid de tout cela ?
Vaste de débat, qui depuis des siècles reste sans réponse, sinon il n'y aurait plus besoin de tribunal, de prison, de sanctions... De Loi ? Peut-être ?
Quid de cette violence ? De ces violences ? De cet effet domino ? Car les citoyens prennent non seulement la parole, mais aussi les armes... Pour poser les actes, qu'ils estiment non remplis par ceux qui sont chargés de les protéger, de leur assurer la tranquillité....Pour répondre.
Jusqu'où ? Comment lire, interpréter ces pages de soutien à ces commerçants qui pour se défendre, blessent ou tuent leur agresseur, voleur ?
Comment ? Que fait l'Etat ? Entend-il ? A t-il au moins pris conscience de la gravité du message ? De la situation ? De ces SOS qui s'ils ne sont pas pris en compte vont précipiter ce qui reste de cette société malade vers le Chaos ?
Quid ?
Quid alors de ce qui fait le fondement, l'assise de notre société, de ce qui en pose la morale et l'éthique ?
Que penser ? Que dire ? Que faire ?
Juger, condamner, réagir de manière violente, émotionnelle, épidermique ?
Réagir sûrement car nous ne sommes pas de simples témoins, spectateurs impassibles des événements qui se déroulent, ils n'arrivent pas qu'aux autres, car tout à l'heure, demain, après demain, ce bijoutier peut-être n'importe lequel d'entre nous.
Chacun s'identifie alors à cette victime innocente du crime qu'il commet pour ne pas être tué, blessé, assassiné, tout le monde et chacun devient un bijoutier, une victime potentielle.
Bouteille à la mer ! SOS que l'Etat ne reçoit pas, n'entend pas, ne veut pas entendre peut-être ?
Mais la révolte gronde ! Toujours, encore et la colère monte, le ton hausse.
Rester sourd ne sert à rien, pas même à reculer pour mieux sauter, car ces cris, ces appels, ces SOS, cette colère il va bien falloir que ceux qui gouvernent et dirigent, ceux qui ont été placés à la tête de ce Etat de droit qui ne l'est plus en tiennent compte. L'affrontent une bonne fois pour toutes afin d'y répondre, d'y apporter un remède avant que le désordre, la folie et la haine ne fasse de cette société un champ de bataille, un champ de ruines que personne ne pourra plus reconstruire. Nous savons qu'une fois la possibilité de dialogue rompue, tout est mort. Définitivement mort !
Est-ce là le projet social de ce début de XXI° siècle ?

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste. Parce que le psychanalyste se doit aussi et surtout d'être au coeur de la Cité

mardi 19 novembre 2013

Les Proches : burn out

Les Proches :
Ceux des malades, ceux à qui personne ne demandent si ça va, si ils vont bien, mais à qui tout le monde dit : "Vous êtes forts, courageux, tenez bon, il ou elle a besoin de vous, soutenez le ...Surtout ne faiblissez pas"
Soyez... ! Tout ça et si possible tout à la fois !

Tout un discours surfait, des injonctions qui les plongent s'il le fallait encore un peu plus dans la détresse, la solitude, le désespoir.
Car qui se soucie des proches ? Qui ?
Ils sont le déversoir des lamentations, de toutes les peines, celles des autres, du malade, des médecins ceux la  même qui sont supposés savoir ce qui guérit, ce qui soulage, mais qui en réalité sont impuissants.

Ils offrent, donnent, mais ne reçoivent rien si ce n'est que cet ordre terrible ! Vous devez !
Devoir : Obligation.

Il faut ! Vous êtes. Pire encore, car cette affirmation ne suppose et n'appelle aucune réponse, aucune défense, aucune explication...
Mais il faut quoi ?
Apprendre à vivre avec la mort prochaine, avec l'absence qui se profile, avec cette peine qu'ils se doivent de cacher sous peine de ne pas être à la hauteur.
Mais à la hauteur de quoi ?
De l'attente impossible de ces mêmes autres, qui n'ont pas même la décence de se soucier de ce qu'ils peuvent endurer, en silence, dans le silence de leur peine et de leur douleur ?

Car qui les écoutent les proches ?
Qui entend leur désespoir, leur peur, leur angoisse, leurs insomnies, leurs doutes, leur envie de fuir, de partir, de se sauver, de se perdre.... Loin très loin, ailleurs.
De fuir, de quitter tout ça, cette mort latente, en sursis, en suspend ?
Une mort tellement présente dans la vie de l'autre, celui dont justement ils sont proches ? Se doivent-ils d'être là, infaillibles, faisant face au vide de cette terrible souffrance, de cette béance que rien ne pourra remplir.
Car les proches sont dans l'attente, de la terrible nouvelle, du départ, de l'absence, de la disparition.
ON leur demande de vivre avec le mort en sursis ; terrible défi
ON leur demande de faire face et de faire semblant, de vivre la mort en différé, au jour le jour, de prendre finalement cet ici et maintenant, et de profiter. De profiter en oubliant le fantôme et la faux qui se profilent et qu'ils ne peuvent, eux, oublier !
ON leur demande de se tenir sur le fil, de tenir et maintenir ce fragile équilibre que le moindre souffle, le moindre silence peut les précipiter dans l'éternelle abime !
Car ces ombres sorties un beau jour des ténèbres, sans que personne ne s'y attende, ou si peu ne disparaissent pas comme ça, par enchantement ; il n'y a pas de tour de passe passe...
Le proche est désenchanté, dépité, découragé, démuni, déprimé, déçu, désemparé, désespéré,
Il n'en peut plus. Mais à qui peut-il le dire ? A qui peut-il se confier, vers qui s'épancher ?
Et il n'ose pas, il n'ose pas mettre les mots, mettre les cris, les larmes, il n'ose le dire et le dit !
Il n'est pas entendu, il est mal entendu,
Ses plaintes sont réprimées, cachées, tuées, refoulées, "tu y arriveras, tu es tellement courageux"
Une réponse qui n'appelle plus rien d'autre que le définitif, une injonction à peine déguisée qui reste sans appel autre que le silence.
Et comment oser après ça, être dans la plainte alors que près de lui quelqu'un souffre, et se meurt peut-être. Pour quel infâme égoïste il passerait s'il osait seulement un soupir ! Alors le mot, il serait de trop, inévitablement, infailliblement, irrespectueusement, immanquablement de trop !
Une sorte d'incongruité dans cet univers qui se veut feutré afin de mieux s'en protéger, s'en distancer. Il est le sas le gardien, le veilleur ! Et la lumière ne doit en aucun cas s'éteindre. Sous peine de...
Veilleur éveillé, qui doit tenir bon, coûte que coûte, il ne l'a pas demandé, choisi, accepté, ça lui est tombé dessus, comme ça et il ne peut se rétracter !
"Il faut être fort, mais vous l'êtes, vous avez au fond de vous la ressource nécessaire"
Oui, il faudrait être fort pour s'en dégager, dégager et déguerpir, sauver sa peau, le temps que c'est encore possible, du moins ce qu'il en reste.
Et puis le summum de la folie : de l'injonction paradoxale "il a besoin de vous, voyons vous n'avez pas le droit de flancher"
Culpabilité, terrible sous entendu ! si vous flanchez ...
Vous tenez sa vie entre vos mains...
Mais comment ? Vous !
Le proche n'en peut plus, n'en veut plus, et il a bien raison. Comment lui en vouloir ?
Il lui faut s'échapper, fuir pour vivre, se reconstruire, être et se retrouver parmi les vivants... La chambre des morts n'est pas pour lui, maintenant ! Il lui faut partir.
Il n'a plus rien à faire, ni de ces autres là ni de cette abnégation demandée, exigée par une société, qui ne sait ni prendre en compte la maladie ni la souffrance psychique.
Elle n'a pas le droit de demander ce sacrifice là, elle n'a pas le droit d'exiger.  Le sujet, le proche à lui, le droit, peut-être le devoir de dire non ! stop, de se protéger, de refuser, de ne plus vouloir, pouvoir, devoir supporter la maladie, la mort proche, la tyrannie parfois de ce mourant/vivant en sursis.
Ce blues, comme ils disent, cette fatigue, physique, mentale, psychique, émotionnelle, ce burn out que vivent ces proches qui sont sans cesse sollicités, à qui il est demandé d'apprendre à faire le deuil de ce parent en partance, pas tout à fait mort, mais pas tout à fait vivant.
C'est l'impossible qui est demandé, et la morale qui est convoquée.. ! Mais quelle morale ?
Le socialement correct qui encore une fois vient s'en mêler. Le "qu'en dira-t-on ?" et nous savons tous à quel point ce regard là, cette désapprobation sociale là est intolérable ! La pire des blessures narcissiques pour quelques uns !
Le proche a t-il besoin, ce besoin social, narcissique exigé par la pression d'une société toujours plus intrusive, inquisitrice de renoncer à lui même, pour accompagner ?
Se mettre entre parenthèses, s'oublier pour ne pas paraitre ingrat ? Mais aux yeux de qui ?
N'a-il pas le droit de craquer ? De pleurer, de hurler ? De dire qu'il n'en peut plus ? Qu'il voudrait que ça finisse peu importe comment, mais que ça finisse, car il ne veut plus de cette boule au ventre, dans la gorge, il n'en peut plus de guetter dans le regard de l'autre de celui qui est malade, le moindre signe qui montre que son état empire.. De ne plus vivre avec cette peur là, cette angoisse là,
Il oublie parfois tout ça, quand la maladie laisse du répit, quand la mort se met en vacances pour quelques jours, quelques heures, alors il oublie tout ça et vit revit un petit peu, mais ça ne dure jamais longtemps...
Sa vieille ennemie n'est jamais bien loin et tout recommencer....................

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.

A tous les proches, avec mon amitié, mon soutien
A toi aussi ma Chère, ma Douce, ma Tendre Amie Esther qui entendra ses mots avec la musique qu'il convient.

mardi 12 novembre 2013

La plainte (1)

"Tu ne te plaindras pas"... "Jamais tu ne te plaindras"
Injonction ou commandement ? !
La plainte, se plaindre n'est pas vraiment bien toléré dans nos sociétés, la douleur qui en émane, physique ou/et psychologique n'est au mieux pas entendue au pire pas prise en charge.
En effet il n'est pas vraiment de bon ton de se plaindre, de dire la douleur, de mettre des mots sur ces maux du corps, de l'âme ou de l'esprit, de dire ces bleus, ces blessures, ces hématomes là.
Tout juste quelques antalgiques anti quelque chose, pour mettre fin aux maux mais surtout à ces mots qui  sont parfois pour l'autre intolérables.
Entendre la plainte n'est pas simple, pas facile, surtout quand on ne peut ni l'apaiser ni la soulager. Car même l'écoute attentive et bienveillante n'est pas un remède suffisant, parfois l'antalgique le plus puissant n'est pas la solution
Alors que faire ?
Que faire avec la plainte, que faire de la plainte ?
"Il ou Elle se plaint tout le temps, c'est fatiguant à la fin, elle ou il a toujours quelque chose, mal quelque part.."
Douleur, mal, plainte, bouteille à la mer, pour dire à l'autre j'ai mal, pas forcément aide moi, du moins pas directement
Mais que signifie t-elle ? Que veut le sujet de la plainte ? Pourquoi interpelle t-il l'autre, son alter non ego ? Que lui veut-il au juste ? Ou pas.
Qu'est ce que la plainte ? Porter plainte, qui dans son acception juridique signifie porter à la connaissance de l'autorité une infraction à la loi. Ainsi le sujet lui demande de reconnaitre qu'il a été victime de quelque chose qui lui fait offense.
Il y a là, dénonciation et énonciation d'un fait, l'expression d'un mécontentement, la plainte est portée devant l'autre chargé de faire respecter la loi que les hommes ont mises en place. Ainsi le sujet se plaint du traitement dont il a été l'objet, de l'instrumentalisation qui a été faite de sa position de sujet qui a été bafouée, maltraitée. Il dit, déclare, parle...
Il existe donc un discours de la plainte, une sorte d'espace lexical où l'on retrouve pèle mêle des cris, des mots, des gémissements, des larmes, des lamentations, ce plagere latin qui se veut bruyant et démonstratif, qui montre à voir ce chagrin et cette douleur dans des manifestations intempestives, hurlements, vêtements déchirés, coups portés sur et contre soi... Ces cortèges antiques, pleureuses où le corps tout entier est alors convoqué pour dire à l'autre et porter la plainte au dehors, aux yeux de tous, leur dire la mort, la peine et la douleur bruyante qui en résulte. Une douleur qui se montre à voir et à entendre.
Exporter, exalter la plainte, la faire sortir hors du corps pour que l'autre en soit témoin.
Tant de mots et de gestes qui relèvent presque de l'impudeur dans nos sociétés occidentales où souffrances et manifestations de celles ci se doivent d'être silencieuses, on doit avoir mal en silence et surtout ne pas se plaindre. Serrer les dents et ne pas déranger l'autre. La plainte se doit d'être muette et sourde. Elle ne doit avancer que masquer, le sujet se doit de la taire, de la faire taire de la garder silencieuse et l'autre alter non ego ne pas la voir ni l'entendre. Même pas la deviner !
La plainte intolérée devient intolérable. Il faut l'étouffer dans l'oeuf, la réduire au silence. Toute une panoplie de stratagème est déployée, médicaments en tous genres, analgésique, antalgique, anxiolitiques, formules de politesse et gestes de circonstances sont autant de circonvolutions qui porte la plainte loin du regard qui ne peut la soutenir !
Car elle peut être contagieuse, elle peut toucher et blesser, renvoyant à l'alter non ego, autre, témoin assistant mais non assisté son propre "je" ou "moi"insupportable.
Signaler, déposer, mettre en cause, voilà ce qu'est la plainte, voila ce qu'elle dit, ce qu'elle nous dit, son acception juridique en souligne bien l'aspect de monstration et c'est bien là le drama, l'action de la plainte.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

vendredi 1 novembre 2013

Tu meurs

Tumeur un de ces mots maudits dont l'énoncé est une injonction, une condamnation !
Mais peut-on, comment l'entendre autrement ?
"Vous avez une tumeur, c'est une tumeur."
Tu meurs !
Le mot qui fait peur. Encore un. Il y en a tant ! On les entend parfois, souvent, mais sans trop y prêter attention, ils sont dits, lancés, énoncés sans trop y prêter attention non plus, ils font partie du vocabulaire, de cette terminologie médicale qui paradoxalement n'est jamais très claire, très précise, qui comme sa chirurgie est invasive et surtout évasive.
Pourtant !
Tumeur, et tout de suite l'angoisse, l'anxiété, la peur envahissent le sujet qui vient d'apprendre cette nouvelle, bien curieuse et bien mauvaise nouvelle. Grosseur, kyste, boule, autant de terme aussi pour éviter celui qui tue, celui qui évoque le pire, le possible de l'impossible ou l'impossible du possible
Condamnation, sans sursis, sans rémission, sans rédemption
Curieux pouvoir des mots qui sans magie, sans mal gie, sans rien d'autre que la simple perception, le simple son sont reçus et entendus.
Ces mots qui renvoient une image, un son, une représentation, un univers, un espace, un lieu.
Mais de quel lieu s'agit-il ?
Chant de mort et chant de guerre pour ce corps qui devient un champ de bataille. Celui qu'il va livrer contre cet intrus, cet envahisseur, cet hôte bien encombrant, qu'il n'a pas invité et qu'il tente de déloger.
Celui qui est parvenu à se loger, à prendre place, à l'occuper... Il s'est incrusté, là où souvent on ne l'attendait pas.Car qui attendrait cet hôte indésirable ? Indésiré ? Impensable ?
Il ne s'est pas manifesté tout de suite, n'a pas fait de bruit souvent, il resté bien sagement tapi dans l'ombre, le temps de faire, d'y faire son nid.
Crypte ? Sujet aux prises avec les fantômes qui hantent et qui murmurent des maux et des mots sans ombre et sans lumière, des mots nus, des mots perdus qui ne trouvent pas d'adresse. Des mots errants qui tentent de se fixer pour vivre et en même temps détruire.
Qui se fixent comme sur l'image, celle de l'imagerie, qui dicte et qui dit. Tu meurs ou pas... Pas tout de suite !
C'est là toute la question, l'impensable question : "Avant ce diagnostic je n'en savais rien, pourtant ce mot change ma vie, mais ma vie est la même qu'avant ! Pourtant non, je n'y comprends rien, rien ne pourra alors être plus pareil' me confie un patient
Avant et après ! Ce mot, injonction est une rupture, brutale, un avant et un après et au milieu ce mot qui tue, pourtant la vie semble être la même !
Alors que se passe t-il ? Le pouvoir des mots encore, celui qui fait que le mot devient un mal dit, un mot dit maudit. Une représentation qui fait mal et fait que l'idée de la vie bascule, presque mais pas tout à fait de l'autre côté. Que cet autre coté oublié, refait tout à coup surface et devient là, tout de suite une issue possible à la vie.
Car si tout homme se sait mortel, il a heureusement ou non tendance à l'oublier. Tu meurs, tumeur lui rappelle brusquement sa condition de sujet mortel
Non, vous ne vivrez pas comme des dieux, cela impliquerait la vie éternelle, non, vous ne serez pas comme des dieux ! Mais ces dieux si toutefois ils sont, qui sont-ils ?
Nul ne sait sans doute.
A quelle branche, quel espoir peut-on alors se raccrocher ? Car tu meurs, certes mais nul ne te dis quand ni de quoi encore moins pourquoi !
Nul ne connait son destin, sa destinée ni celle de son "prochain" !
Injonction terrible mais qu'il ne faut pourtant pas prendre au pied de la lettre...
Tumeur n'est pas une condamnation à mort, n'est pas une condamnation de la vie !
Pire encore peut-être... ?
Une condamnation au non espoir, un mot qui fait trembler, qui contient une charge explosive et destructrice... Une blessure qui laisse des traces, qui laisse trace dans la psyché de l'homme ou de la femme qui en devient le témoin assisté.
De quel droit condamner l'autre à ce non espoir ? De quel droit user de son pseudo savoir pour assigner l'autre à ne plus croire, à ne plus entendre le chant de la vie, d'user de mots qui deviennent les maux de l'esprit ?
De quel droit user, abuser l'autre et de lui dire sans autre mots, sans autre geste "tu meurs" ?

Brigitte Dusch psychanalyste.

jeudi 24 octobre 2013

Si j'osais !

"J'aimerai bien, si j'osais, si je m'écoutais...
Je ferai, j'irai, je dirai...
Mais...
Mais ?
C'est plus fort que moi, je n'ose pas, je ne peux pas...
C'est trop difficile, il y a comme une boule là, au fond de la gorge, à l'estomac, au ventre
Il y a quelque chose qui me retient, qui m'empêche, qui m'interdit presque !
Alors ?
Je n'ose pas, je ne dis pas, je ne fais pas.
Et pourtant, ce n'est pas l'envie qui manque !
Le désir peut-être ?
Oser, dire ce que je pense, ressens, perçois...
Me dévoiler...
C'est ça peut-être qui m'empêche, qui m'interdit ?
Dire des choses sur moi, faire des révélations sur moi, donner des informations à l'autre ?
L'autre, nous y voila...
Encore lui... Décidément ! Cet autre qui empêche, n'autorise pas, fait que je ne fais pas"

Autre ? autre ?

Dire, donner son avis, parler, communiquer, choisir, renoncer, oser, aller... Autant de verbes simples, d'actions banales mais qui pour certains d'entre nous sont difficiles, compliquées, complexes, parfois même impossibles.
Choisir ? C'est renoncer. Faire un choix c'est prendre l'un et ne pas prendre l'autre, c'est laisser l'un pour l'autre, c'est abandonner. Prendre et laisser.
Dire c'est aussi abandonner, laisser des mots glisser hors de soi ! Communiquer à l'autre, son avis, son choix, sa pensée.
Oser c'est aller de l'avant, c'est avancer, c'est se dire j'y vais, mais je peux peut-être me tromper, c'est prendre ce risque, savoir qu'il existe, décider ! Agir...
Etre acteur ? Seulement être acteur de sa vie n'est pas un rôle de théâtre ou de cinéma... Etre acteur de sa vie, c'est décider de faire ou d'aller, de dire oui ou non. C'est être en capacité de le faire, sans crainte, sans anxiété, en acceptant le risque de se tromper. Un risque qui  remet seulement en question une décision,mais pas son être tout entier.
Se tromper est possible, le sujet humain n'est pas parfait, nul n'est parfait.. Quid d'être parfait ?
Se tromper est un risque qu'il faut décider aussi de prendre ou pas, mais ne pas agir peut aussi se révéler être une décision, celle de ne pas accepter de prendre ce risque... Mais c'est agir ! quand même.
Alors être acteur de sa vie n'est pas si compliqué que ça, c'est un challenge à la portée de chacun nous, être acteur, décider d'agir pour soi, c'est se connaitre et s'aimer au moins un peu, avoir cette estime nécessaire qui fait que l'on se pense aimable.

Pourtant c'est là, que ça coince, que ça bloque, l'estime et l'amour de soi, ce narcissisme nécessaire, indispensable. S'aimer, se trouver des qualités est simplement naturel, savoir quelles sont ses forces et ses faiblesses est essentiel. Savoir qui on est.
Aller à la rencontre de soi, de son être soi... Une aventure qui vaut le coup d'être tentée, un rendez-vous qu'il faut se donner, et qu'il convient de ne pas manquer !

Brigitte Dusch, psychanalyste.

dimanche 13 octobre 2013

Confiance en soi ? 1

Elle n'est jamais vraiment sûre d'elle, la moindre remarque, réflexion, le moindre regard, tout peut tout remettre en question, en une fraction de seconde.
Elle se retrouve alors démunie, pas bien, comme elle dit, avec une boule, au ventre, dans la gorge, ça dépend, mais ça coince quelque part, des suées, froides, chaudes de la tête aux pieds, un mal aise, un mal être...
Il est complétement déstabilisé, le film qu'il a tant aimé a reçu une mauvaise critique, ses collègues en parlent négativement et surtout raillent ceux qui l'ont aimé.
Il se tait, ne dit rien, mais ne se sent pas bien, ses pensées n'arrêtent pas de tourner, tourner en boucle, en disque rayé, il n'arrive pas à arrêter cette machine infernale qui l'abasourdit, il ne s'entend plus, il n'entend plus rien, ça le serre, lui fait mal, il devient rouge, blanc, à l'impression d'avoir des sueurs froides, il  n'ose plus rien dire et dans ces cas là, il quitte la pièce...

Sûr de soi, confiance en soi.. Des expressions à la mode, presque des injonctions, il faut être affirmé, mais attention, pas trop, juste comme il faut, juste... Le juste milieu...
Mais ce n'est pas facile, comment faire, car "à chaque fois qu'un autre n'a pas le même avis, je me dis que je suis une idiote" confie Sophie* et de poursuivre, "j'adore manger ma tarte aux pommes avec une boule de glace, l'autre jour, une collège explique que ce sont les imbéciles, les rustres qui la mangent de cette manière... Vous comprenez j'ai été terriblement blessée, je n'ai rien osé dire, je n'ai pas osé dire que... "
Que quoi ?
Qu'elle, elle aimait la manger de cette manière avec une boule de glace ?
Pourquoi ?
Par crainte de rentrer dans la catégorie mentionnée par cette collègue en apparence bien sûre d'elle ?
Cet exemple banal semble caricatural et pourtant, hélas il ne l'est pas.

C'est une foule de petits détails de petites anecdotes comme celles là qui mettent mal à l'aise qui font que des hommes et des femmes tout comme Sophie se retrouvent brutalement remis en question, déstabilisés. Bien sûr on pourrait analyser le comportement, il y aurait matière, on pourrait noircir des feuilles et en écrire un livre entier. Mais ce n'est pas le but de ce billet. L'objectif étant de souligner la fragilité du sujet humain, une fragilité parfois insoupçonnable, car ces hommes et femmes ne sont  ni timoréees, ni timides, ni... ni...
Seulement, la moindre remarque, réflexion constitue une effraction, elles se sentent remise en cause et en question dans leurs convictions, leurs croyances, leurs pensées, pas une seule fois il leur vient à l'idée que l'autre qui parle avec un tel aplomb n'a pas tout à fait raison, qu'il se trompe ou bien que simplement c'est son avis, à  lui et qu'elles ne sont pas obligées de le partager... Heureusement !
Car nous sommes différents, nous sommes tous des sujets singuliers, et chacun a le droit de manger sa part de tarte comme bon lui semble, avec ou sans glace, son thé avec ou sans lait.

Tolérance ? Respect de l'autre..
Bien sûr ces notions entrent en ligne de compte, mais ne nous intéressent pas et n'interpellent pas nos sujets là immédiatement, dans cette situation, car ce sont elles qui se trompent, qui sont persuadées de faire fausse route, qui sont dans l'erreur. ELLES sont le problème, c'est chez elles que quelque chose ne va pas et les autres :... Eux, ces autres ont forcément raison, ils savent ce qui est bien, bon, ce qui se fait ou non. Ils détiennent forcément cette vérité, la vérité, la seule vérité qui soit. Ils donnent le ton, disent ce qui doit être ou pas. Eux ils savent... !

Alors qu'elles ?

Elles, elles sont nulles ! Forcément. Elles ne savent pas, leur avis est mauvais, elles n'ont rien compris, alors elles n'osent s'exprimer, discuter et encore moins dire ce qu'ils pensent, elles se taisent ou parlent pour acquiescer, même si elles ne sont pas d'accord au fond d'eux mêmes. Mais qu'importe  leur avis puisqu'il est forcément mauvais, puisqu'il n'est pas comme ceux de ces autres qui savent tout.

Alors pourquoi ce regard  ? Ce regard sévère et injuste sur elles mêmes ? Pourquoi ce manque de bienveillance, d'indulgence ? Pourquoi ce manque de confiance ? D'amour, d'estime ?

* le prénom est bien sûr fictif.

samedi 5 octobre 2013

Histoire...Mémoire.

Historienne, on me demande souvent " sur quelle période ?"... Et je réponds : "Je suis dixseptièmiste"...
Un peu le hasard ? Passionnée d'histoire et de lettres classiques, formée au latin grec dés mon plus jeune âge, je me destinais à l'étude de l'histoire ancienne, pourtant j'avais choisi cette mention singulière en licence "paléographie médiévale et moderne".... Hasard ?
Le sujet d'histoire moderne traité cette année là, le sérieux, la rigueur et le talent de mon professeur m'amenèrent à candidater pour une maitrise d'histoire moderne.. Et je me retrouvais embarquée dans une histoire singulière, d'amour et de passion, celle éprouvée pour ce siècle bouillonnant et  tout aussi singulier qu'est le XVII° siècle. Un coup de foudre !
Je ne le quitte plus depuis... tant d'années.


A mon amie Myriam Karsenty je disais"'j'ai longtemps évité l'histoire contemporaine pour ne pas souffrir ?" sûrement, certainement...
Pourtant cette histoire là, ces moments si précis et cruels de cette période là étaient sous mes yeux, sur les étagères de la bibliothèque familiale, sur la table de chevet de mon père, dans la mémoire des mes grands parents, sur leur chair, dans leur coeur, gravée à tout jamais...
Pourtant ! Même si on n'en parlait pas, les silences valaient plus que les mots, il n'y avait pas le poids de ce silence, mais plutôt celui de ces mots, enfouis, qui ne peuvent être dits, mis à nus, parlés....
Alors ?
J'ai longtemps cherché... Le goût de la psychanalyse aussi sûrement ! Chercher à expliquer à défaut de chercher à comprendre, me disant que l'un éclairerait peut-être l'autre !
Pourtant... J'ai regardé, feuilleté ses livres, en cachette parfois, comme si j'avais petite fille conscience de transgresser, de passer outre ce silence tacite, ce voile d'ombre, cette aura mystérieuse et douloureuse qui entourait les miens, mince cellule familiale ! mince, comme ce qui reste, ceux qui restent..Encore...
On n'en parlait pas, pourtant on parlait de la guerre, de la milice, de la France des collabos, des résistants, des Justes, tout cela me semblaient des mots avec une consonance et un contenu terribles, Des mots scellés, tenus dans une crypte cachée que je ne pouvais pas ouvrir car je n'avais pas la clé, mais qui possédait ce sésame ?
Qui pouvait me dire, me conduire, me mener seulement au seuil de cette porte ?
Et serais-je alors entré ? Aurais-je poussé cette ultime barrière qui m'aurait conduit à ?

Entre deux, deux langues, deux guerres, deux valises, deux cartons, deux ?

Je me suis intéressée à l'histoire de la France, à sa littérature, même si enfant j'ai été imprégnée de littérature russe, contes et légendes de Grimm, berceuses yiddish, mélanges et langues, entre deux...
Un mélange tellement familier que je peux parler, penser, rêver avec toutes ces bribes, ces mots qui s'assemblent et forment un joli patchwork.

Puis peu à peu, j'ai cheminé essayé de lire en entier les livres de mon père, sans y parvenir...Prenant et reposant ces volumes.
Il a fallu recomposer l'histoire, la sienne, mais il n'en parlait pas, bribes volées et morceaux assemblées tels les fragments retrouvés sur ces champs de ruines, pour tenter de comprendre !
Archéologie de la mémoire.
Champ de ruines..Eparpillées, en éclats. Au milieu, je suis là, j'écoute, entends, relie, assemble et tricote, prend du recul sur ce curieux ravaudage et essaie de mettre cette histoire au coeur de l'Histoire.
Depuis quelques temps, j'essaie de retracer le parcours de certains des miens, le dossier est là, numéros de matricules, de convois, dates, archives, copies adressées par les mémoriaux.. Le dossier est là.. .mais je n'y parviens pas. Pas encore. Je crois au temps, au moment. J'attends.

Souvent je pleure en lisant comment Albert est mort, fils d'un tailleur d'habits ; Rien ne le prédisposait à mourir sur les rives rouges de sang de la Baltique... Marches de la mort ! Ton nom sur un mémorial, une stèle, tout ce qui reste, une médaille et quelques images qui restent dans la mémoire de ton fils !
Puis Anatol ? Je ne sais ce que tu es devenu toi qui cumulait tous ces terribles handicaps, toutes ces tares ! juif, hongrois et communiste !Où es-tu ? Es-tu retourné à Pertersburg où tu es né ? J'ai lu et compris que tu avais survécu à Mathausen, aux Kommando et puis à quoi encore ?
Puis ce D, qui git en "terre ennemie" enrolé de force par l'armée soviétique tu es venu finir ta vie là, pourquoi ? Tu étais si jeune ! J'ai vu notre nom, en entier et non le nom de l'exil, là sur cette plaque... j'ai déposé une fleur sur ta tombe l'an passé dans ce cimetière, sous les arbres de l'ancienne DDR, et j'ai prié moi qui n'ai jamais appris à le faire.
Kaddish....
Et les autres ...?
Vous êtes là, êtres de papiers, êtres vivants qui attendent que je fasse vivre votre histoire, que je raconte votre courte vie pour certains, bien trop courte..Vous attendez que je fasse mon devoir, mais je n'y parviens pas, je n'y arrive pas à chaque fois je repose ces documents "historiques". Je n'ose vous demander de m'insuffler la force !
Devoir de mémoire, de votre mémoire, de ma mémoire, de notre mémoire.

La première fois que j'écrivis à un mémorial, je le fis en français, refusant d'user de la langue de leurs bourreaux, en réalité je ne pouvais pas, cela m'étaient impossible...Les mots ne venaient pas, ils s'étaient enfuis, enfouis. Puis peu à peu les échanges se firent plus intimes, et je repris alors la langue... Histoire encore ! Entre deux toujours.!

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste

Je dédie cet article à Myriam Karsenty, et  la remercie pour tout le travail de mémoire qu'elle fait, qu'elle a le courage de faire. Nous te sommes tous redevables Myriam.

dimanche 29 septembre 2013

Le Pardon ?

Le pardon, de par le don, au delà du don, du don à soi, à l'autre, un concept simple au demeurant mais tellement complexe
J'écris ces lignes au lendemain de Kippour... "Le Grand Pardon"...
Un moment singulier, un moment de réflexion, de retour sur soi peut-être ? Qui ais-je offensé ? Qui m'a offensé ? Pardon ? Pardonner, aller au delà.. Mais au delà de quoi ?
S s'en amuse, il se dit "en mode Bettoun" ce jour là, paraphrasant la célèbre réplique du Parrain "aujourd'hui tout le monde pardonne sauf moi"... Il rit et nous en rions. Puis le ton de la conversation devient grave :" Tu pardonnes toi ? Peut-on pardonner ça ? Et ça ?"

Non, jamais '"qui est venu demander pardon aux miens ?"
Oui ? Qui ? personne.
Et s'ils me demandaient ce pardon, serais-je en mesure de l'accorder ?


Ces bourreaux ont-ils pris conscience de leur faute ? Ont-ils l'intention de ne pas recommencer ?
Pour pouvoir accorder le pardon ?

Si en France le devoir de mémoire est vif, la parole a longtemps été tenue scellée, interdite. Nous
devons au Président Chirac la libération de cette parole, (et je l'en remercie) ce dit, ces mots, qui s'ils n'ont guère soulagé la douleur, les souffrances enfouies et le silence au fond des survivants et de leurs enfants, est néanmoins une reconnaissance, un témoignage, celui d'une existence. L'existence d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont été rayés du monde de l'Humanité par des fous qui l'avaient décidé.

Des mots qui ont extirpés les fantômes, les ombres de ceux que le silence avait tué encore une fois.
Non, nous ne pouvons pardonner ça... Peut-on pardonner l'impensé, l'impensable ? L'indicible ?
Non, sûrement pas, "essayer d'expliquer ce qu'on ne peut pas comprendre"... Tenter, en effet, sans vraiment de résultat, car quelles explications peut-on proposer, apporter ?
Bien complexe encore une fois
Alors S ne pardonne pas, ne pardonnera jamais, pourtant de "la religion il s'en fout" ça ne le concerne pas "on ne va pas me dire ce que je dois manger ou pas, quand ou pas".
Nous en avons parlé tant et tant de fois !
"Petit fils de survivants, tu te rends compte, j'aurai pu ne jamais être là, et toi non plus... "
"c'est vrai j'y ai souvent pensé."
Enfants de survivants, pouvoir le dire c'est déjà beaucoup. Pouvoir se définir ainsi c'est déjà beaucoup, pouvoir se situer à cette place c'est déjà beaucoup.
Enfants de survivants, n'est pas une malédiction, mais c'est être vivant, au delà de, par dessus.. par, comme le pardon... !
C'est être resté là, malgré tout, car ce tout qui suit le malgré signifie que nous sommes là, n'en déplaise à ceux qui en avaient décidé autrement, à ces exterminateurs fous, à ces monstres sortis de l'Humanité, mais qui ne pourraient peut-être même pas retourner à la Horde !

C'est Kippour mais S. ne pardonne pas, car assène t-il encore il n'y a RIEN à pardonner, c'est trop, tellement trop que c'est ça l'impossible. L'impossible d'imaginer qu'on peut passer au delà de tout ça car ce "tout ça" perdure encore. Et S de citer toutes ces effractions, ces traumatismes, ces humiliations, ces insultes qui finalement n'intéressent personne. Il suffit de se pencher sur l'affaire de la pièce de théâtre de La Rochelle, immonde exemple s'il en fallait de la mise en acte en toute impunité d'une haine quasi atavique.

Je ne sais quoi te dire S. tu le sais, sauf que nous sommes en comptes, sûrement, toi, moi, et tous les nôtres, avec ceux qui ont trahi ce qui fonde le lien social, cette humanité dont nous n'arrivons pas à préserver la mesure, les limites, que nous n'arrivons pas à contenir, qui se laisse déborder par les pulsions meurtrières qui animent certains qui se disent des hommes !
Le chemin est long, pour certains il me semble impossible, fermé, cadenassé, une sorte de voie impénétrable. Mais qui sait ?
Il faut une force, un détachement, une grande sagesse, être en paix, peut-être pour pardonner, aller au delà de ce qui gît au fond de soi, qui n'est pas forcément de la haine, mais de l'incompréhension peut-être ? Une question qui restera toujours sans réponse : Pourquoi ? ou bien Comment ?
Qui peut le dire ?
Il suffit de lire tous ces noms, ceux de ces enfants, de leurs parents, de prendre les registres impéccablement tenus par les nazis administrant les camps de la mort pour se retrouver devant le gouffre et l'effroi, l'horreur et le vide.
Faut-il comprendre afin de pardonner, même si pardonner ne veut pas dire oublier ?

Brigitte Dusch psychanalyste.
A toi S. et aux autres...
..

mercredi 18 septembre 2013

Les mots assassins

Vos réactions à mon précédent article à propos des violences subies par les femmes, les commentaires et les mails reçus m'amènent à vous proposer cette réflexion.

Il n'y a pas que les coups qui tuent, qui blessent, qui laissent des traces, des cicatrices, sur le corps, dans le coeur, l'esprit, l'âme... Ces marques qui rappellent, qui font se souvenir de ces douleurs, de cette souffrance, qui anéantissent !
Il y a les mots, ceux qui sont à l'origine de bien des maux !
Les mots qui tuent, qui blessent, qui humilient, qui choquent, qui cassent, qui brisent, qui lessivent, qui tordent..
Des mots de trop, toujours en trop et qui vont là où ça fait mal. Ce ça, petit ça qui fait que tout peut basculer d'un moment à l'autre, très vite ! Que la confiance toujours trop faible en soi s'ébranle car ces mots là savent toujours se loger dans la faille, la brêche parfois infime qui laisse passer, filtrer ce qui va arriver au coeur du coeur !
Des mots qui fragilisent, répétés chaque jour, plusieurs fois par jour ils finissent par s'incruster, se lover au creux de l'être et en faire partie, parfois tant que l'être ne se constitue plus que de ces mots, là, devient ce maux là !
Les mots de la violence sont, nous l'avons souligné déjà, humiliants, blessants, dégradants, insultants, méchants, sournois, vicieux, pervers, toxiques bien lancés pour atteindre toujours la cible, leur cible.
Dits innocemment, parfois au simple détour d'une phrase, d'une réponse, d'une conversation entre amis, ils dénigrent la personne, l'essence même de celle çi le coeur de celle ci et c'est pourquoi ils sont si douloureux, assassins. A force d'être martelés !

Il n'y a pas que dans le couple que ces mots sont assassins, pas seulement dans cet espace intime qu'est le foyer, la relation entre deux êtres, relation malade et toxique où l'un agresse l'autre, où l'un se sert de l'autre pour projeter sa haine, régler ses comptes avec lui même la plupart du temps, mais l'autre offre un champ de bataille tellement plus complexe et confortable !
Quelle jouissance de voir cet autre pleurer, trembler, perdre pied, confiance en lui, sombrer dans une sorte de peur qui devient de la folie et  mourir à petit feu, mourir à lui même !
Quelle victoire pour cet agresseur, assassin à demi car il ne peut porter le coup final, asséner le coup qui tue, il lui manque ce courage là, il préfère les chemins de traverse, ceux plus pervers qui lui permettent de voir sa victime souffrir, se délecter de la mettre à mort lentement, d'admirer de de jouir de sa déchéance !
Une relation qui se tord et se tue, un agresseur qui se victimise de devoir supporter une personnalité fragile et malade qui ne comprend rien, qui ne tire leçon de rien car s'il lui dit ces mots, justement ces mots c'est bien pour l'aider, pour qu'elle change ! Elle c'est pour son bien !
Ainsi la vraie victime devient dangereuse et oblige l'autre à se défendre... Cercle pervers, infernal
Mais il n'y a pas que là, il n'y a pas que dans ce lieu, que dans cet espace que se déploie ce jeu là, il y a l'école, de la maternelle à l'université, il y a le monde du travail, ce qu'on nomme pudiquement le harcélement n'est ni plus ni moins que le champ de bataille de cette instrumentalisation de l'autre !

Et l'enfant ? L'enfant qui subit depuis toujours ces mots assassins, ces mots qui le dénigrent et qui en font un bon à rien ? Alors qu'il est un bon à tout ! Comment grandir et comment vivre quand cet abominable refrain, ce leitmotiv ne vous quitte pas, hante vos oreilles tout au long du chemin ?
Assassins, tueurs à gages, qui mettent à mort l'innocence de l'enfance et de l'amour, agresseurs qui usent et abusent de l'autre, en toute impunité, voire davantage, en toute tranquillité ?

Brigitte Dusch, psychanalyste.

dimanche 1 septembre 2013

Femmes et violences

Violences... Il y a plusieurs années, on n'en parlait pas, même les femmes n'en parlaient pas, personne ne parlait de ça. Aujourd'hui, on en parle, tout le monde ou presque, des affiches sont placardées, des spots publicitaires sont diffusés, des clips télévisés programmés. Campagnes chocs, visages tuméfiés, femmes violentées, violées, battues, agressées. Violence domestique, presque un paradoxe, ce foyer qui devrait offrir la sécurité leur offre le malheur et parfois la mort.
On en parle, mais les femmes continuent d'être maltraitées, par leur mari, leur compagnons de fortune ou d'infortune, leur frère, leur père, leurs enfants..
La violence faite aux femmes. Pourquoi ? Qu'a t-elle donc de si spécifique cette violence là ? Est-elle différente de la violence ordinaire ?
La violence peut-elle être ordinaire, banale, légale, tolérée ? De quel droit violente t-on, agresse t-on l'autre et pourquoi ?
Il y a tant et tant de raisons qui n'en sont pas, qui ne sont pas excusables, qui ne sont pas tolérables.
Souvent violence est synonyme de coups, de blessures, d'ailleurs ne demandent-on pas à ces femmes, à ces victimes d'attester, de montrer à voir les preuves de ces violences. Il faut des hématomes, des arcades ouvertes, du sang, des bras cassés et j'en passe pour qu'elles soient prises au sérieux, et encore pas toujours..
"Elle a du sacrément l'énerver pour se prendre une telle raclée" m'a dit une fois un fonctionnaire de police qui rechignait à prendre la plainte d'une malheureuse victime.
Car bien sûr elle l'avait sans doute mérité !
Violence, violences
Il n'y a pas que les coups, il n'y a pas que ce qui se voit ! Il y a pire aussi, ce qui ne se voit pas, mais qui chaque jour fait perdre pied à la victime, lui fait perdre espoir, confiance, et raison
Humiliations, insultes, dénigrements, moqueries, regards méchants, sarcasmes...Sont autant de violences qui ne laissent pas de traces sur le corps mais qui traumatisent l'esprit.
Comment survivre ? Comment le dire ? Que faire ?
Ces violences là, on n'en parle pas, pas toujours. Elles sont ignorées, pas vraiment graves, car qui le sait, qui l'entend, qui ?
C'est qu'elles sont insidieuses, sournoises, toxiques, perverses. Elles attaquent et s'attaquent à la personne, qui ne fait jamais "rien comme il faut"' "rien complétement", "rien parfaitement" ou qui oublie toujours quelque chose, qui est imparfaite, il y a du manque, toujours du manque... Attaques rituelles, quotidiennes, qui piquent et qui font mal... Encore et encore !
Elles attaquent et s'attaquent encore plus sournoisement à la personne, "trop" cette fois, trop grosse, trop maigre, trop bête, trop moche, que sais-encore ?
Ces pervers là ont plus d'un tour dans leur sac et ne manquent jamais d'arguments pour dénigrer, faire mal, blesser, critiquer. Des critiques jamais constructives, car ils sont dans l'emprise et la destruction. Faire de leur victime une proie, puis faire de cette proie l'objet de tous leurs tourments, car s'ils sont méchants, violents, s'ils s'emportent c'est bien à cause d'elle ! Elle !
Sans elle, ils seraient doux, affectueux, calmes, bienveillants !
Bien sûr !
Souvent les victimes le croient, mais que peuvent-elles faire d'autre, car ces actes relèvent de la torture et du harcèlement, ils constituent un véritable conditionnement. Induisant une relation toxique et perverse elle aussi, un mode de fonctionnement tordu. Car rien n'est simple, la complexité de la relation est de mise et la victime en perd son latin !Car elle ne peut que se demander comment elle a pu en arriver là, ce qu'elle a fait, ce qu'elle a dit pour que son compagnon, si doux, si gentil au début de leur rencontre a pu devenir en l'espace de quelques mois cet odieux individu aigri, méchant, malheureux. C'est de leur faute, bien sûr, comment pourrait-il en être autrement ? Elles sont mauvaises, mal intentionnées.. nuisibles ! Que n'ai-je pas entendu ?
Pourtant ? Comment étaient-elles ces jeunes filles, ces femmes ? Avant ?
Pourquoi entendent-elles, croient-elles toutes ces insanités, ces toxicités, ces horreurs telles qu'elles n'ont plus une once de confiance en elle ? Comment ont-elles pu en arriver là ?
Le constat douloureux est toujours terrible ? Car constater, c'est regarder, prendre du recul, se dire : voilà... Puis décider, renoncer, partir, essayer de ne pas revenir, un dur combat, couteux, difficile et complexe, car conditionnement il y a ! Culpabilité et honte il y a ? Qui suis-je alors ?
Se reconstruire, se construire à nouveau, sur un champ de ruine, car du passé personne ne fait table rase ? En sortir plus fort, alors qu'on est à terre ?
Comment faire ?

samedi 10 août 2013

De souche

"Etre français de souche", une expression que je lis beaucoup actuellement, qui parsème les réseaux sociaux, les posts et les fils de ceux qui revendiquent une antériorité et de ce fait une postérité particulière.
Voyons d'un peu plus prés.

Sur ces mêmes réseaux sociaux, je lis hier une discussion sur le fil de la page soutien à un homme qui se révolte contre les propos antisémites d'une pièce qui l'est tout autant. Une pièce qui se dit "de théâtre"  mais se cache derrière ce masque, cette persona tout en revendiquant la liberté d'expression... Je lis une longue diatrible qui fleure bon le discours du Maréchal.. Nous voilà, nous ne sommes pas loin ! Nous sommes même tout prêt, tout prés.
Prêts à bondir sur le juif, l'arabe, le manouche, l'homosexuel, celui qui dérange parce qu'il n'est pas comme nous !

Etre français de souche devient un passeport, l'Aussweiss du bien pensant, de celui qui a le droit, de celui qui peut puisqu'il est de là, d'ici, de souche quoi !
Petite fille je regardais presque avec envie ces enfants qui avaient une maison familiale, qui étaient du village, installés là depuis des siècles, depuis des décennies, nés ici, comme leurs parents, grand' parent, moi qui venait de partout et de nulle part ! Qui avaient des tombes à fleurir au cimetière.
Ces gens qui étaient de souche, sans le savoir !

Je ne comprenais pas vraiment tout, moi qui grandissait baignée de langues où les r se roulent, où les mots chantent, où on parle fort aussi..  Baignée d'histoires de pays, de villes et de régions d'où on part car on n'est plus en sécurité ! Il faut être prêts toujours car on ne sait jamais. Je me revois enfant entendant ces langues qui chantent, ces consonnes qui roulent,  ces femmes qui rient, jouent aux cartes en buvant du thé.... puis je me vois plus grande où ces mêmes langues résonnent aussi  dans ces pays frères où elles ne chantaient pas toujours ! Bonheur, rires, espoirs, larmes, amour, poésies.. histoires toujours, celles de l'Histoire !

Je pense fort à mon père, à son accent si singulier, cet accent d'ailleurs. A ma grand mère qui essayait toujours de trouver le mot juste, celui qu'il faut pour désigner un objet, dire quelque chose le plus justement possible, à ma grand 'tante, qui me grondait : "on n'aime qu'une personne, pas un objet ! " gern c'est vrai, je n'aime pas lire, mais je lis volontiers...Pourtant c'est ainsi que je pensais, pense et rêve toujours. Heimatsprache !
Je revois mon père qui me demandait toujours de relire ses lettres, pour vérifier s'il avait tout bien écrit, sans faire de fautes d'orthographe ou de style, si les accords étaient parfaits. Bien écrit cette langue si difficile. Je pense à ses jeunes années à lui, lui qui ne disait pas, qui gardait le silence, ces années là, sombres, ce temps passé ailleurs qu'à l'école, car à cette époque là, l'enfance de ceux qui n'étaient pas de souche n'avait pas d'importance ! Ceux là d'ailleurs n'avaient pas d'importance, puisqu'il fallait les éliminer jusqu'au dernier. Ce temps rattrapé, cette rage de lire, d'apprendre, de savoir, qu'il m'a transmis, sûrement ? Peut-être ?
Je pense à ceux qui ne sont pas revenus, dénoncés, arrêtés, gazés, dont il ne reste même pas la trace de la trace, aux autres, comme eux, juifs, résistants, communistes, fous, homosexuels, tziganes, tout ceux dont on ne voulait plus. J'ouvre un gros dossier, ce livre pas terminé, ces matricules, ses papiers si bien ordonnés de ceux que des fous ont rayé de l'univers des vivants, les larmes me viennent !

Qui pour eux a dit le kaddish ?

Le discours de la haine n'est pas mort, non, il est bien vivant et se larve dans les mots, ces beaux mots de France qu'ils pervertissent avec le Mal, ce mal qui ne demande même pas à se réveiller, car il est au coeur de leur coeur, si coeur il y a. Alors ils se revendiquent de souche, pour bien mettre à distance sont qui ne le sont pas.
J'aimerai simplement, mais cela demande intelligence et bon sens, ce dont je pense qu'ils sont pleinement dépourvus, qu'ils se penchent un peu sur l'histoire, sur leur généalogie peut-être aussi ? Qui sait ? Qu'ils s'arrêtent... Pour mettre peut-être un peu de distance avec cette soif stupide de pureté ignoble et impure, de ce désir de singularité malsaine. Qu'ils analysent et comprennent que la multiplication des mêmes ne donne rien, ne produit rien, n'apporte rien, n'enseigne rien. La haine ne conduit à rien d'autres que la haine ! Nulle autre issue.

Alors quid de ce "de souche" ? Nous sommes tous de la même souche, nous venons tous du Chaos, nous tentons tous d'advenir à l'Humanité et ce n'est pas gagné ! Certains n'en sont pas sortis, ne veulent pas en sortir et s'accrochent peut-être désespérement à cette souche pour ne pas avoir à affronter le monde, un monde qui leur fait peur, et qu'ils ne veulent pas voir changer ?

A eux ! Nous sommes de souches, avec des S, plusieurs S, pleins de S...Et c'est tant mieux, je crois.

mardi 30 juillet 2013

Mère aimante ?

La légende bien tenace veut qu'une mère aime son enfant, et réciproquement !
Cela tient du mythe, de la légende, du fantasme mais aussi de la morale, de l'ordre du lien social. Comment pourrait-il en être autrement, car soutient-on parfois même les animaux aiment leurs petits, ce qui est oublier que parfois ils les dévorent ou les mettent à mort.
Chasser l'animalité de l'homme, cet archaïsme, cette bestialité qui est en chacun de nous et qui remonte très vite à la surface, sans grand effort, car elle est là, tapie au fond de chaque sujet qui se dit, se déclare, se veut, se revendique humain
Pulsions inavouables... Inavouées.
Mais qu'en est-il alors de ces mères, de ces pères aussi, mais cela semble moins grave après tout, car on n'est jamais vraiment sûr que le père soit le père ! qu'en est-il de ces parents là, qui n'aiment pas, pire qui rejettent, abandonnent leur progéniture ?
Et la mère : Elle, celle qui ne peut-être que la mère ! mère, maternante, aimante, qui se sacrifie pour son enfant, qu'on sacrifie pour lui, sacrifée sur l'autel de la morale et de la bienséance ?
Une mère se Doit d'être une mère, c'est à dire aimante...
Aimante comment ? Suffisamment aimante ? Ni trop, ni pas assez, car c'est de ça aussi qu'il s'agit, la mère doit savoir trouver cette juste mesure qui la fera parfaite
"On" n'en n'attend pas autrement d'elle.
La perfection, elle doit savoir exactement comment, quand son enfant a besoin d'elle, donner ce qu'il faut quand il faut, juste ce qu'il faut, être là, mais pas trop, juste quand il faut !
Quel travail que celui d'être mère.
Hélas, rien ni personne ne la prépare à devenir et être cette mère parfaite. Pourtant ce ON sociétal, lui lance cette terrible injonction "Une bonne mère tu seras !"
Injonction qui hélas encore ne la rendra ni bonne ni mauvaise, mais simplement folle !
C'est en général l'objectif des injonctions, rendre l'autre fou...
Alors quid de ces mères qui abandonnent, ne veulent pas, laissent leurs enfants ? Je ne parlerai pas de ces abandons réels, mais de ceux qui pire encore laissent l'enfant dans le manque, dans le vide, dans le gouffre de la solitude et du non amour !
Car si l'enfant pour la mère n'est pas aimable, pour qui le sera t-il ?
Et pourquoi celle là même qui le met au monde ne l'aime pas ?
Souvent de ce non amour là, ON ne parle pas, car il n'est pas pensable, donc ne peut être pensé. Ma mère ne m'a pas aimé, dit on parfois, combien de fois l'ais je entendu ?
Mais n'a pas aimé comment ? Sait-on au moins comment on voudrait être aimé, par la mère ? Par sa mère ?
Quelle est la qualité de cet amour là, pour qu'il soit suffisamment bon, suffisamment tenable pour soutenir le sujet et le porter au dehors, pour qu'il puisse s'aimer suffisamment afin d'advenir au lien social ?
La mère qui n'aime pas ses enfants n'est pas comprise n'est pas même l'objet d'une interrogation mais seulement celui de la désapprobation, de la condamnation, c'est une mère dénaturée ! Hors nature. Donc ? Pas une mère ? Mais quoi ? Un monstre alors ?
Toutes les femmes devraient donc être des mères, et des mères aimantes ? Car telle est la vocation, le destin de toute femme. Avoir, mettre au monde, faire des enfants et les aimer, indispensable condition et résultat, cause des femmes !
Cause, à cause de cet amour, de ce trop d'amour, de ce trop peu d'amour, de cet amour qui ne peut émerger, qui ne peut devenir, être et advenir la voilà condamnée ! La voilà monstrueuse et inhumaine, placée en marge d'une Humanité qui se veut alors inhumaine.
Un vaste débat pour une impossible question !

dimanche 14 juillet 2013

La valise de ma grand mère

Elle nous faisait bien rire la valise de ma grand mère !
Elle nous faisait bien rire quand elle disait à qui voulait l'entendre, mais à voix basse, qu'elle avait près d'elle une valise toujours prête "au cas où"
Au cas où il faudrait partir, encore, partir !
Pour aller où ?
Là n'était pas la question, mais partir pour aller ailleurs...
Ailleurs où l'air serait plus respirable
Au moins pour un moment !

Dans l'article précédent, j'évoquais cette pièce de théâtre nauséabonde, cette stupidité ordinaire, cette banalité stupide d'un quotidien trivial où nul ne fait plus guère attention à l'autre. Ignorant aussi qu'il est pour cet autre un autre/
On est toujours l'autre de l'autre, l'autre de quelqu'un...
C'est peut-être ça qui fait peur, terrifie, ne pas se reconnaitre dans un autre, un autre tellement différent, étrange et étranger dans lequel on ne se voit pas, ou qui renvoie une image qui ne résonne pas, qui ne peut-être raisonnée.
C'est peut-être dans cette faille là que se loge la valise de ma grand-mère ?

L'autre ; bouc émissaire pour renforcer la cohésion d'un groupe par ailleurs bien mal en point, incohérent ou presque mais qui se retrouve dans une langue commune autour d'un ennemi commun.
Ennemi commun, qu'il faut désigner comme l'autre étrange et étranger qu'il convient d'abattre, pour rester entre soi, ensemble, dés fois que....
La langue, langage, parler, même, mêmeté, indifférenciation, chaos....
Peur ? Cet autre qui fait peur ?
Qui renvoie de soi, la part de soi dont on ne veut pas, celle qu'on voudrait peut-être cacher, mais qui est là ?
Qu'est ce que tu n'aimes pas alors toi, l'autre qui n'aime pas ce bouc que tu as désigné, que n'aimes tu pas chez cet autre là ?
Le sais tu ?

L'autre ? Celui qu'on désigne, qu'on nomme ou qu'on montre du doigt, celui là même qui comme le père de Freud ramassa sans mot dire son chapeau qu'un passant haineux avait jeté à terre !
Tout comme ma mère qui avançait à petit pas, se faisant toute petite, pour qu'on ne la remarque pas, elle l'étrange étrangère...!
Tout comme l'accent de mon père, cet accent singulier que nous ne comprenions pas parfois, gamin à qui des bien pensants, ces mêmes qui pensent et affirment savoir qui doit vivre ou mourir ont confisqué l'enfance et l'adolescence !

C'est peut-être ça aussi la valise de ma grand-mère ?
Elle qui nous racontait ses départs, qui regardait si la cave ... '"Au cas où "'
Une valise toujours prête !
Elle la nomade qui était de partout et de nulle part, enfant de la Terre, se disant que si les hommes pouvaient être raisonnables ! 

Cette valise là revient à ma mémoire, car cette infamie qui soit disant pour faire rire et rire convoque la haine et la bêtise. Usant de l'art pour montrer à voir la haine de l'autre, mais pas de n'importe quel autre, cet autre désigné d'office depuis tant de siècle, cet autre qu'il faut anéantir
Une haine perverse qui sous des allures bon enfant distille son venin ! Le théâtre est fait pour être dit, joué, mais joue t-on la haine ? C'est bien là la question, la véritable question !
Le théâtre, la pièce, le drame ne prend vie que grâce aux acteurs et au public
Ils étaient tous deux au rendez-vous !
Hélas !
Le monde ne changera donc jamais .
Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
A nous...


jeudi 4 juillet 2013

L'Etoile

Etoile !
Quoi de plus beau qu'une étoile, L'étoile qui brille au firmament, étoile de lumière, étoile du berger, naitre sous une bonne étoile, étoile de David...

Mon étoile, notre étoile.

Etoile Jaune...
Et puis l'étoile jaune
Celle qui désigne, des hommes parmi les hommes.
Que des hommes qui se disent des hommes excluent de leur monde d'hommes ?

Reconnaissable parmi toute, étoile de la honte disaient-ils ?
Mais de quelle honte ? Et de la honte de qui ?
L'étoile qui désigne ceux dont on ne veut pas, dont on ne veut plus, dont on n'a jamais vraiment voulu.
dont ILS ne veulent pas.
Etoile, étrange insigne qu'il faut épingler, coudre au revers de sa veste, de sa chemise, de sa robe, du plus intime de son vêtement.
Tissus jaune qu'il faut acheter avec ses tickets de rationnement...
Etoile pour tatouer un peuple ...
Avant de graver leur chair..
Pour commettre l'impensable et l'impensé
Pourtant....

On pourrait se demander comment ! Comment cette société soit disant aussi civilisée aussi instruite, cultivée à pu en arriver là
Comment l'Homme sorti de la Horde, comment après avoir soit disant parcouru un si long chemin a pu faire ça ?
Je n'en dirai rien, rien de vraiment original, Freud l'a expliqué, démontré. Le mal est au coeur de l'homme prévient-il, le crime rode, l'ombre de la Horde n'est pas loin, la culture n'est qu'un vernis qui ne demande qu'à craquer pour liberer les pulsions les plus sombres, les plus sordides que la civilisation tente tant bien que mal de réprimer.
Il suffit de lire la longue réponse qu'il adresse à Einstein pour comprendre. Hélas !

Et puis Hannah Arendt avec son impardonnable et implacable théorie de la banalité du mal arrivée sûrement trop tôt, effractant ainsi les esprits avec une violence qu'elle n'a pas voulue. Elle qui s'est justement détachée des passions pour livrer une explication rationnelle et raisonnée de ces crimes contre l'Humanité.
Car il faut être sorti du monde des Humains pour poser de tels actes, nul ne peut en être autrement.
Pourtant cette banalité du mal, ce crime commis par l'homme ordinaire me semble tellement d'actualité, encore. Hélas.
Pas un seul jour sans que l'ombre de l'Etoile ne se profile
Cette étoile pour mettre de côtés ceux qu'ils ont désignés;
Désigner les indésirés, les indésirables dont disent-ils, hurlent-ils il faut se débarrasser !
Les voilà ces gens, ce peuple tout entier désigné par ces autres, qui au nom de leur  vérité, seule et unique qui s'impose à tous devient loi pour  condamner et  dire qui a le droit de vivre et qui doit mourir, choisir qui doit vivre ou non !
Quel choix de société !
Ce groupe là, qui autorise le crime, le légitime et l'organise, à l'échelle industrielle.
Ce même groupe qui édicte des normes, raciales, ethniques. Qui est digne d'être ou ne pas être.


Aujourd'hui encore le crime, ce crime rode, ces mots de haine ne se chuchotent même plus, et ne suscitent ni indignation, aucune réaction
C'est en ce sens où cela devient banal, ordinaire.
Presque dans l'ordre des choses.

Juste ces quelques mots pour rappeler la banalité du mal, la banalité des mots qui font sens, qui font mal et le mal
Juste pour rappeler que le mois dernier à La Rochelle, petite ville de province on a mis en scène dans une université, des juifs, sans étoile, mais en avaient-ils besoin ? Le metteur en scène et les scénaristes y avaient déployés tous les stéréotypes des siècles précédents ! La caricature qui amuse soit disant !
Une comédie à la tristesse d'une mascarade et d'une mauvaise farce.

Le théâtre en sort-il grandi ?

Juste pour dire que des gens de théâtre du moins se disent-ils ainsi ont désigné un groupe pour faire  rire et divertir ! Qu'ils relisent Boileau et son Art de plaire, si toutefois ils l'ont lu un jour !

Désigner l'autre, encore une fois, et pas n'importe lequel, car cet autre là est bien le "bouc émissaire" d'un monde malade de la haine, de sa haine, d'un monde qui se gangrène et se délite !
Instrumentaliser l'art, le théâtre et la parole redevient une arme à la mode, un slogan publicitaire pour servir une idéologie violente et perverse !
Une déclaration de guerre !
Un déni et une projection qualifiant la victime de paranoäique, bien sûr quel autre moyen de défense les criminel avancent-ils ?
La pièce de la honte ! Applaudie par des gens qui au final ne savent peut-être même pas ce qu'ils cautionnent ; car la bêtise est comme la haine, elle n'a ni frontières ni limites.

La ville n'en sort pas grandi !

Et puis juste aussi pour rappeler que le mois dernier dans une autre petite ville de province à quelques kilomètres de là, lors d'une conversation banale dans une file de cinéma, quelqu'un m'a dit "il s'appelait ... Mais même sans ce nom on savait d'où il venait... Rien qu'a le regarder !"*

Juste pour rappeler ça, banalité du mal, banalité des mots qui font mal
Tellement banal, que celui qui les prononce, les mets en scène ne réalise pas ce qu'il dit, la portée de ce dire et des actes posés.. Banalité du Mal
Le mal est devenu ordinaire... Et c'est de cette banalité, de cet ordinaire là qu'il faut s'inquiéter.... !

Je dédie cet article tout spécialement à mes amis, Emile, Elisabeth, Rachel, qui sont à mes côtés pour dénoncer cette infamie
Une pensée pour Michel Goldberg qui a tout mon soutien.

dimanche 16 juin 2013

Lise Marie, histoire d'une petite fille

Lise Marie... Une petite fille

Lorsque mon amie Anne a évoqué en quelques mots de l'histoire de Lise Marie, j'ai été bouleversée,  je lui ai alors demandé de nous la raconter, de nous l'écrire ce qu'elle a accepté bien volontiers. Qu'elle en soit remerciée. Voici donc le récit de cette rencontre singulière et émouvante, Anne a su mettre les mots pour dire, pour transmettre  la détresse, le questionnement et la recherche de cette enfant.
Un très beau texte !



Lise-Marie
Il y a quelques années j’ai travaillé beaucoup en centre de loisirs maternel avec des enfants de 2 à 6 ans, et c’est là que j’ai rencontré Lise-Marie.
A l’époque elle avait 4 ans. C’était une petite fille, toute gentille, mignonne, polie, respectueuse, sage… Bref « bien élevée » comme on dit. Elle n’a jamais posé aucun souci à toutes les équipes d’animateurs qui l’ont connue. Mais-Lise Marie était particulière…
Lise Marie ressemblait à un garçon. Son papa était un vieux monsieur, adorable, gentil, poli qui tentait d’élever sa fille et son fils seul du mieux qu’il pouvait. Le frère le Lise-Marie était aussi adorable, gentil et attentionné avec sa soeur,il avait 12 ans et il était vraiment touchant. Le papa était un peu « rococo » et s’habillait comme un vieux monsieur, il portait une petite casquette, des pulls en jersey, avait les cheveux blancs et une petite moustache toute blanche également… Tout le monde pensait que ce monsieur était le grand père de Lise-Marie. Et il habillait ses enfants de la même façon… Son frère entrant dans la préadolescence, choisissait ses vêtements mais tous ses anciens vêtements servaient à habiller Lise-Marie. Il n’y avait aucune figure féminine forte dans l’entourage de Lise Marie.
Elle était donc constamment habillée avec un pantalon (genre de velours) et souvent un pull en jersey… Pour les cheveux c’était la même chose, elle avait une coupe au bol à la garçonne. Ne côtoyant au quotidien que son père et son frère elle avait pris une voix grave, parlait comme un garçon et jouait aux jeux de garçons (voitures, guerre… pas de poupée, ni de cuisine même si un enfant a le droit de jouer à ce qu’il veut et que sur le lieu du centre on ne forçait aucun enfant à jouer de telle ou telle manière). Pour les autres enfants, aucun doute, Lise Marie était un garçon. On passait notre temps à leur expliquer que non mais rien à faire. Elle était un garçon.
Tous les animateurs qui arrivaient dans l’équipe aussi le pensaient ; moi-même la première fois que je l’avais vue, je lui avais demandé « comment ça va bonhomme ? » et le malaise qui a suivi je m’en souviendrai toujours lorsqu’une collègue est venue me dire qu’elle était une fille. Lise Marie, elle, était habituée et ne réagissait pas. A l’arrivée ensuite de tout nouvel animateur je m’empressais de lui spécifier doucement que cet enfant était bien une petite fille qui s’appelait Lise-Marie.
Mais voilà à part en la voyant aux toilettes, nous n’avions aucun moyen de savoir qu’elle était bien une petite fille et les autres enfants n’arrivaient pas à nous croire. Ce qu’ils voyaient ne correspondait pas avec ce qu’on leur disait. Ils savaient bien qu’un garçon s’habille comme ça, a les cheveux courts, une voix de garçon et joue à des jeux de garçon. Lise-Marie était donc un garçon.
Mais si Lise-Marie était si particulière c’est que son histoire l’était aussi… Elle n’était pas une petite fille comme les autres. Elle était donc élevée par son papa et n’avait que très peu connu sa maman qu’elle n’avait pas vue depuis plusieurs années. Cette dernière était internée en hôpital psychiatrique depuis longtemps car elle avait notamment essayé de noyer le grand frère de Lise Marie et bien d’autres choses que nous ne savions pas évidemment. Et le pauvre papa se retrouvait avec ses deux enfants à élever seul. Il était assez âgé, et vivait comme nos grands parents. La psychologie enfantine il ne connaissait pas ou peu. Remettre les vêtements de l’ainé à la petite, ça se pratiquait avant, il n’y avait pas de mal… Sauf qu’à 6 ans Lise Marie était toujours un garçon… Lise Marie participait très bien aux ateliers que nous pouvions proposer durant la journée, qu’ils soient sportifs ou d’arts plastiques ou autres. Mais Lise Marie faisait tout, tout le temps en noir. Uniquement et systématiquement en noir. S’il n’y avait pas de noir disponible ou s’il fallait choisir plusieurs couleurs, elles prenaient toujours les plus foncées : gris, bleu marine… Toujours. Nous savions bien que les couleurs choisies n’étaient qu’une façon d’exprimer un vide et un manque en elle. Jamais on ne l’a brimée à ce niveau là en la forçant à prendre des couleurs qu’elle ne voulait pas, au fond le problème n’était pas la couleur…
Et puis un jour, en fin de session de vacances, juste avant qu’elle entre au CP et donc passe dans le centre de loisirs pour les enfants en primaire ; un lundi matin, Lise-Marie est arrivée comme d’habitude… Elle était mignonne et gentille comme d’habitude. Elle a décidé de faire un dessin et s’est donc assise à la table où
nous faisions les dessins et c’est moi qui était là cette fois-ci (en effet tous les matins en attendant que tous les enfants arrivent, et de proposer des ateliers plus dirigés, nous laissions les enfants libres de faire ce qu’ils voulaient, dessins, mais aussi jeux de société, jeu d’imitation, de construction avec dans chaque coin un animateur pour jouer, avec eux, les aider, les soutenir, les surveiller). Lise Marie choisit donc les dessins ce matin là.
Et là…. Elle prend des feutres de couleurs… plein de couleurs, du jaune, du rouge, du vert, du bleu, du violet, du rose… Et elle dessine sa famille, son papa, son frère, elle-même et…. Sa maman. Elle n’avait jamais ni dessiné ni même évoqué sa maman à aucune reprise depuis 3 ans que je la connaissais. Elle dessine un poste de radio qui semblait faire de la musique et des serpentins et des confettis. C’était clairement la fête. Le dessin fait le tour du centre, avec évidemment des bravos à Lise-Marie. Et on commence gentiment à lui demander d’expliquer son dessin. Après quelques minutes, on comprend que le samedi précédent, elle a vu sa maman. Première fois en au moins 3 ans depuis que je la suivais, qu’elle voyait sa maman. Et subitement dans la foulée le noir s’est transformé en couleur. Ce bouleversement tellement énorme et soudain nous a tous cloué sur place. Personne ne pouvait croire que juste le simple fait d’avoir passé un moment avec sa famille au complet et donc sa maman avait pu provoquer tout ça. On avait jamais vu ça.
Evidemment nous avons gardé le précieux dessin comme un trésor jusqu’au soir et nous l’avons remis au papa, fiers pour la première fois en 3 ans de lui remettre un dessin en couleurs de sa fille.
Lise-Marie est passée ensuite dans le centre de loisirs pour les grands et je ne l’ai qu’aperçue par la suite. J’ai appris que le papa s’était retrouvé une compagne et me suis dit qu’enfin une femme dans la vie de Lise-Marie allait lui faire beaucoup de bien. Et peut-être l’aider à se rendre compte qu’elle était une fille. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue, elle doit être adolescente aujourd’hui, je ne sais pas si cette différence, lui a couté ou pas dans sa vie, je ne sais pas si elle a revu sa maman, je ne sais pas si elle a développé une relation de complicité avec la nouvelle compagne de son papa. Je ne sais pas comment elle a évolué. Mais son histoire restera toujours gravée au fond de ma mémoire. Cette petite fille qui ressemblait à un garçon, tellement triste de ne pas voir sa maman, qui l’avait finalement connue et le choc que ça a provoqué, ce revirement total dans l’esprit de la petite fille. Et ce papa probablement perdu avec tout ça qui a fait son maximum pour inculquer les valeurs qui lui semblait importantes à sa fille, la politesse et le respect, face à une situation que manifestement devait le dépasser. Il essayait de rester droit, et d’être là du mieux qu’il pouvait pour ses enfants.

Anne Petitrésors.

mardi 21 mai 2013

Entendre...

Il y a l'écoute, celle du psychanalyste, neutre et bienveillante...
Entendre, attention flottante, paroles et mots qui coulent, se répandent et se diluent...
Les mots et les maux qui filent qui tissent et qui tricotent après avoir détricotés les souvenirs, dénoués et renoués les souffrances, les peines, chagrins, bonheurs, ces pensées qui adviennent..
Ces mots qui assemblent, font des liens qui amènent à comprendre, à expliquer peut-être, cu moins à tenter de voir un peu plus clair.
Et puis il y l'écoute, l'autre, celle hors cadre, hors champ de la psychanalyse, mais pas tout à fait quand même.
Car être psychanalsyte est une fonction, mais un état aussi... Une écoute neutre et bienveillante, qui ne s'arrête pas non plus à la porte du cabinet de l'analyste
Une porte fermée, qui s'ouvre, puis se referme
L'entrouvert ?
Peut-être ?
Une écoute alors qui se situerait là, peut-être ?
Une écoute qui s'entend, des mots qui sont dits, posés, pour être transmis, écrits, traduits. Des mots qui ont un sens et qui prennent au fur et à mesure du sens. Des mots à qui la parole donne ce sens là. Des mots qui s'animent au fil de la parole, au fil des rencontres.
Des rencontres ! Car les mots sont aussi le fruit de ces rendez vous où l'un et l'autre sont à l'heure, présent, là dans l'écoute et l'entente.
Entre cet espace intime et infime, cet entre deux, cet entrouvert
Cette possibilité d'ouvrir à demi, peut-être pour recueillir les mots, les maux, ce qui advient de la parole de l'autre. Ce qu'il dit, mais pas seulement, car le dire et le dit ne sont que la résonance de ce qui gît au plus profond de l'autre, de l'âme aussi sûrement
Entendre l'âme ?
Il n'y a rien de religieux ni même de spirituel, il n'y a que de l'humanité, de cet once de progrès qui a conduit l'individu de la Horde au sujet humain, qui a fait de lui ce qu'il doit chaque jour remettre en jeu
car dans cette histoire là rien n'est jamais vraiment acquis
Si le crime rôde la pulsion n'est jamais bien loin, contenue et réprimée afin de mieux se fondre, se couler, s'écouler dans le moule du lien social
Entendre quoi ? Etre à l'écoute de quoi ? De qui ?
Entendre ce bruissement sourd, qui reste muet, juste des bribes, des soupirs et des silences
Une petite musique qui sort de l'oubli, des replis sombres de l'esprit
Entendre cette possibilité là, cette esquisse là, cet embryon, cette promesse de vie et d'envie
Le désir ? Peut-être ? mais qui est-il ? Qu'est-il ?
Et qu'en savons nous ?
Entendre alors seulement et simplement la possibilité de ça... De ce désir là
Ce n'est pas rien : Déjà.

mercredi 15 mai 2013

Changer

Changer, vouloir changer, modifier, être autrement
Mais être comment
Devenir autre ? Quel autre
Je est un autre ; déjà.
Nous vivons l'impermanence et l'impermanent, le changement est ancré dans le temps, l'espace, nul seconde ne ressemble à la précédente, pour qui sait y voir, y prêter attention
Changer, tout, ou simplement un détail, le détail, celui dont on ne veut plus, aujourd'hui, mais qu'en sera t-il demain ?
Car demain est un autre jour, aussi, autre, changé, différent, pas le même.
Alors changer quoi ?
J'entends souvent, "je fais des efforts, pour changer"
Sous entendu, "ce que je suis ne va pas, ne convient pas, je vais y remédier, le changer, le transformer, devenir autre, mieux peut-être, plus acceptable, pour les autres, ceux qui me le demandent, pour moi aussi peut-être un peu ?"
Ce changement là ?
Renoncer alors à une part de soi même, celle qui ne plait pas, qui ne va pas, qui ne va plus, la jeter en pâture, à la poubelle comme ces vieux vêtements dont on ne veut plus, car ils sont trop courts, trop vieux, pas assez à la mode, encombrants...
Mais est-ce aussi simple ?
Changer tout ça ! se relooker, changer de maquillage, de garde robe, de coupe de cheveux de couleurs, de teinte, édulcorer, éclaircir, foncer, rendre plus présentable, plus convenable, plus adapté.
Nous y voilà, il faut du temps souvent, mais adapté, revient souvent aussi, faire fi alors de sa singularité pour mieux se fondre et se conformer, ne plus être vu, ou être moins vu, disparaitre peut-être derrière un masque, se fondre dans la masse jusqu'à la transparence, jusqu'à l'oubli
Oubli de soi : Qu'il en soit ainsi
Les cognitivistes et les sciences cognitives parlent de conditionnement, de comportements appris, et qui donc se désapprennent, il suffit de vouloir, de s'entrainer et de s'exposer pour changer, tordre le cou d'un seul coup à ses sales et mauvaises habitudes qui empoisonnent la vie du sujet.
Conditionnement, oh combien le mot est juste, combien le "maux" est précis !
Examinons un peu le mot conditionnement, condition : si. Si cette situation se présente, arrive cette réponse, ainsi en va t-il concisément du schéma pavlovien. Donc on peut à force d'exercice changer la réponse, en trouver une autre : Changer, déconditionner.
Mais c'est omettre la question essentielle : pourquoi justement cette réponse là face à cette situation là ? Car c'est ce qui est intéressant et qui interpelle vraiment. Les cognitivistes se heurtent au roc du conditionnement/déconditionnement et se gardent bien de se demander pourquoi. Se rendre à l'origine, à la racine.
Changer ! Quelques séances de thérapies soit disant transforment le sujet, lui suppriment parait-il sa phobie, son sympôme
Le symptôme qu'on assassine, qu'on tue ! Le crime presque parfait ! Presque car la trace subsiste, celle justement qui  nous conduit si on sait suivre le fil, creuser plus profondément nous mène au pourquoi...Peut-être. Ce que la psychanalyse qui ne vous promet pas de transformer, de changer le sujet, permet....
Et c'est là toute la différence. C'est là que tout se joue ! Ou pas

mercredi 8 mai 2013

Anne Lise Stern

Elle nous a quitté le 6 mai, date anniversaire de la naissance de Freud
Une des grandes figures de la psychanalyse disparait. Encore ! Elle nous laisse son témoignage, son Savoir-Déporté. Ce "Naître, c'est naître après, c'est-à-dire après Auschwitz."

Je vous invite à suivre ce lien
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/05/07/anne-lise-stern-psychanalyste-du-savoir-deporte_3173011_3382.html

Je vous invite aussi et surtout à lire son livre.

Kaddish

lundi 6 mai 2013

Déchirer

Déchirer le voile, la trame qui voile, le voile qui trame et qui se trame, qui tisse, tricote la camisole, la chemise qui masque, qui cache
Déchirer pour mettre à jour, pour mettre à nu, enfin l'histoire
Déchirer le livre, le cahier, la photo
Déchirer pour se raccommoder, se réparer, retisser, réecrire...
Déchirer !
Pour quoi, pourquoi ? Faire ? Etre ?
Un voile qui se tire, un rideau qui se lève, qui s'étire et qui se tire
Qui tend et s'étend vers un ciel flamboyant
Un ciel qui embrase l'avenir tant il a obscurci le présent...
Tordre le cou d'un seul coup a ce passé qui glace, qui bloque, à ces nuages chappes de plomb qui plombent et cadenasse toute possibilité d'avancer, de faire un pas, pas même à demi
Alors que reste t-il ? Rester bloquer ? Emprisonné dans la forteresse pleine d'angoisses, de peur et de fantasmes
Car quand on ne sait pas on s'imagine le pire, jamais le meilleur
On imagine, reprsente l'hydre rampante, parques vieillissantes reprisant et coupant le fil de la vie pour en finir une fois pour toute. Mais quand ?
On regarde peut-être, assister impuissant au spectacle de sa décadence, ballet infecte et danse infâme qui mène à la mort ou à la dissidence.
Quelle différence ?
Ou bien, on déchire ce voile, on dénude le fil tenu qui ne tient qu'à un fil, fil de fer et brin d'acier, qui ne se rompt pas à la première déchirure, qui résiste car tout s'écroule
Mais résistance et résister ne sert plus à rien car la souffrance et là, s'autorise d'elle même à torturer, empêcher!
Peut-être alors est-il temps de déchirer, déchirer toute cette mascarade, laisser tomber le masque de la bienséance qui ne sied plus, qui s'éffrite car elle ne tient plus, pas même lieu de l'imposture car mal postée, de guingois, de travers
Plus rien ne tient, ni droit ni debout !
C'est comme un voile, un rideau qui se déchire, écrivait-elle déjà il y a plus de 300 ans, et elle  vit apparaitre le ciel plus clair, l'air plus léger, la vie peut-être ?

ADB duchesse de L...
Et à tous mes analysants qui franchissent le pas, et s'aventurent par là ...

vendredi 26 avril 2013

Ecrire

Ecrire, écriture... Elle est au centre de ma pratique professionnelle, depuis de nombreuses années, presque depuis toujours... Ecrire, lire cet écrire.
Ecrire c'est dire, c'est vivre, c'est être et c'est faire
C'est prendre la distance, le recul de l'événement, de l'histoire, de l'action.
Ecrire, mettre, poser, déposer les mots, c'est offrir, c'est donner, c'est se débarrasser, c'est laisser, abandonner, se délester, se rendre plus léger..
C'est tout ça et ce n'est pas encore tout à fait ça.
Distance et recul, la parole laisse, casse, crée la rupture..
L'écriture laisse la trace, le passage, la cicatrice pour mieux peut-être dire, puis partir, car il restera témoignage du dit.
Dédit, se dédit et dédie cette écriture à soi, ou à l'autre, l'adresse, destinataire connu ou inconnu, étrange ou étranger, les mots sont lancés, c'est un coup de dés, parfois comme une bouteille à la mer, donner, faire croire, s'illusionner de l'insolitude, pour ne pas se perdre, se perdre dans les maux, se perdre alors dans les mots !
Peut-être ?
Aventure singulière que de coucher sur le papier, taper sur le clavier ces/ses mots qui s'inscrivent sur la page ou l'écran blanc.
Qui le déchirent, le recouvrent, l'imprègnent de la saveur, de l'odeur, du parfum de cette solitude, de ce désir du partage ?
Cri, SOS, j'é cris, le cri qui tue, tu ne l'entends pas, et tu le tues !
Cri encore, inscrit et décrit les maux par les mots qui se mettent ensemble alors que plus rien ne s'assemble, puzzle détruit, champ de ruines déconstruit encore ! Ravagé ! Ravages.
L'écrit
C'est tout ça et ce n'est pas ça, vraiment, parfois, peut-être ? L'écrit qu'on laisse derrière soi, avant de partir, pour peut-être ne pas revenir.
Partir sans laisser d'adresse, ni à l'un ni à soi, ni à l'autre...
Partir sans rien dire........
Dernières volontés, reconnaissances, explications, je te dis, je dédis ce message à ceux qui resteront peut-être pour ne pas qu'ils oublient ?
Qu'ils gardent peut-être dans les replis de la mémoire l'écrit chiffonné car il n'ont pas su entendre les cris.
Cris du vivant, écrit du survivant qui veut graver les mots et transmettre ses maux.
Ecriture, écris-tu ?
Ecris vain ?
C'est aussi sûrement le laisser passer cet ausweiss de l'au delà qui transcende les mots dits car ceux là ne sont pas assez forts pour marteler la pensée ?
Ce billet qu'on glisse au gardien des Enfers ?

"Je te glisse ce billet sur lequel je crie mes maux, car les mots que j'aurai pu te dire ne veulent pas sortir".
"Comme ça quand tu seras partie, tu me liras et tu penseras à moi, en lisant tout ça"
"C'est tellement dur et sale à dire, que de l'écrire je ne crie pas pour rien"
"Ecris, écris moi de temps en temps, moi je te donne ces mots, mais tu n'es pas obligée.....
.."

A Dora.

lundi 22 avril 2013

Vieillir

Vieillir ?
Ne pas vieillir surtout, comment masquer les marques de ce vieillissement terrible ?
Tout le monde s'y met, surtout à l'approche des beaux jours. Se montrer sous son meilleur jour. Montrer à voir un visage lisse, un corps svelte, une allure sans reproche
Un peu comme le bonheur !
Beaux, jeunes, bronzés et heureux
Les injonctions incontournables
Pourtant, vieillir c'est comme mourir, nous n'y pouvons rien
Alors bien sûr nous pouvons faire un effort, s'entretenir, faire de l'exercice, marcher, nager, garder un esprit sain dans un corps sain
Que le vieux ou la vieille soit acceptable, présentable
Beau et belle à voir !
Quand même !
Vieillir....
Vieillir sinon serait une insulte, une violence faite à cette société de jeunisme poussé à l'extrême, ou le vieux est encombrant, objet délabré dont il faut se débarrasser au plus vite, remisé dans les maisons de retraites perdues au fond des campagnes, loin de la cité, mais affichant des tarifs indécents.
Car vieillir a un prix, il faut avoir les moyens d'entretenir cette fin de vie, cette vieillerie qui non seulement dépouille le sujet de sa jeunesse, de sa beauté, de sa santé, mais aussi de ses économies : s'il en a.

Il y a quelques jours une de mes amies parlaient de la vieillesse, elle illustrait son message avec les propos de Marie de Henezel, qui proposait une certaine vision de la vieillesse, cette douceur peut-être de la vie vécue, l'assurance de l'expérience, la sagesse...!
Une vision idéaliste, irréelle de la vieillesse, souvent!
Une vieillesse comme la vie, réussie...

Mais l'épreuve du réel me semble tout autre, la rencontre avec le devenir vieux n'a rien d'idéal, de sublime, de magnifique, de magique, ni de serein
Du moins pas toujours, pas pour tout le monde ! Hélas
Ce qui est montré à voir de la vieillesse, antichambre de la mort n'a rien de magnifique.
Vieillir est un naufrage, inéluctable fin du voyage, sans aucune chance de retour en arrière
Tout comme la mort, nous le savons, mais n'y pouvons rien, rien n'efface les marques du temps, les ravages des ans.
Si certains vieux résistent à l'épreuve du temps, du chômage, de la maladie, de la souffrance, ils occupent alors un espace qui n'est plus fait pour eux !
Quelle place alors pour ces vieux, ces séniors, comme on dit pour ne pas choquer.. Comme les non voyants, mal entendants... On n'ose plus poser les véritables mots. Dire !
Comme on n'ose plus regarder le visage que le miroir renvoie ! Celui de l'âge, du temps qui passe !
Vieillir devient l'obsession de ne pas vieillir à tous prix, malgré tout.
C'est le début d'une lutte, d'un combat contre les rides, les kilos superflux... Ce qui est montré à voir, puis vient ce qui ne se voit pas, du moins tout de suite, la mémoire qui flanche, les mots qui passent et se perdent dans les oubliettes ! les gestes moins sûrs, les pas difficiles... Comme si avancer ne pouvait plus se faire qu'à reculons.
Avancer... Oui, mais pourquoi ?

mardi 16 avril 2013

L'impuissance thérapeutique 1

Corps et esprit ; accepter l'impuissance thérapeutique 1

C'est en ce sens, être appelé pour pallier cette impuissance, ce manque. L'appel au tiers, quand la tâche pour le soignant devient impossible, qu'il n'y a pas ou plus grand-chose à faire pour le patient et qu'on ne sait pas trop comment lui dire, le dire à ses proches. Il m'est arrivé d'assister à des scènes surréalistes, où le médecin expliquait à la femme d'un patient à grand renfort de schémas et de termes techniques l'évolution du cancer de son mari. Elle n'avait pour seule réponse "mais je ne peux pas, j'ai rendez-vous chez le dentiste..." Qu'elle répétait inlassablement ! Défense, déni, identification projective.
Accompagner, être là, ce qui est demandé à ce tiers qui est le clinicien ou/et le psychanalyste. Celui à qui on adresse car le soignant, le médecin n'a ni le temps ni les mots, ne peut, ne veut ou ne sait s'embarrasser de ce discours qui le bouscule, qui peut le renverser, le bouleverser. Il préfère souvent se cacher derrière le masque, celui de la dureté, de l'indifférence... Ne pas voir, ne pas écouter, ne pas se laisser aller à l'ouvert.
Fermé, fermer la porte, fermer les sens, ne pas donner de sens aux SOS aux mots, au désespoir.
Etre à l'écoute, du présent, mais aussi du passé et de l'avenir aussi terrifiant soit-il ! Peut-être ! Souvent.
Au lit du malade, tout près, très près, dans cet espace intime où le cabinet et le divan du psychanalyste sembleraient peut-être une injure ?
Mots chuchotés, saccadés, ponctués de larmes et de sanglots ! des questions n'appelant aucune réponse "pourquoi moi ? pourquoi maintenant ?"
Entendre l'ultime injustice, le combat qu'on sait le patient et moi perdu d'avance.. Mais pas toujours, car que sait-on vraiment ! Mais ........
Parfois on joue, on joue à se le cacher, tout en sachant que l'autre sait qu'on sait. Puis le masque (encore) tombe !
Nous nous retrouvons alors devant la nudité triviale et sordide de la vérité, celle qu'on ne veut entendre qu'on s'efforce de travestir, toujours !
C'est aussi être là lors de cette annonce là, celle de la maladie incurable, de ce mots meurtriers, assassins, meurtres presque parfaits !
Diagnostic fatal, qui ne laisse que l'issue d'un temps toujours trop court, d'un temps pas suffisant pour faire, être, avoir, devenir.. Il faut déjà se préparer à partir !
Rester encore dans le monde des vivants, mais un pas seulement, l'autre déjà dans celui de la souffrance et de la mort. Vivre ?
Entendre alors la colère, la douleur, la violence, les mots crus et durs à propos d'un corps qui trahit, entendre le découragement, le non espoir, la peur, la terreur.
Entendre le désir de mort, d'en finir au plus vite, une mort qui soulage, qui met fin à tout ça enfin !
Entendre, mais aussi et surtout écouter... Accompagner, disent les soignants, un mot qui mérite qu'on s'y arrête, si je puis dire, faire quelques pas, un bout de chemin avec... Et puis ?
Seul le patient ira au bout de ce chemin pavé de misère, de souffrance, de douleur et de solitude. Seul il franchira le pas, ira de l'autre côté.
Seul ! C'est sûrement cette solitude là qui est terrible, terrifiante pour celui qui reste, qui fait ces quelques pas, qui tient la main mais qui ne peut rien faire d'autre !
Impuissance...........

mercredi 3 avril 2013

Le mal dit

Mon dernier article a suscité des commentaires sur certains réseaux sociaux et c'est tant mieux ! Je ne peux y répondre en 140 signes cela me semble un exercice un peu difficile, alors je vais tenter en quelques lignes quand même, d'apporter quelques éléments, non de réponse, mais peut-être de réflexions prolongeant les interrogations.
En effet l'annonce d'un diagnostic se révèle toujours une épreuve, parfois un soulagement : Enfin un mot pour mettre sur tous ces maux. Une explication qui rassure car  "je ne suis pas fou"..
Comprendre, faire des liens, associer. Savoir, car il faut bien quand même savoir !
C'est de soi, de sa peau dont il est question...
C'est essentiel, mais ça ne suffit pas, car il faut à présent faire avec, avec ce mot, inconnu, absent de la pensée il y a quelques instants.
Ce mot qui bouleverse, qui transforme et qui tue parfois ! Aussi !
Tumeur... Tu meurs !
Injonction infernale !
Un seul mot qui suffit non seulement à envahir l'être mais à le bousculer, le renverser, le déséquilibrer, car après une telle annonce, plus rien ne pourra désormais être comme avant.
Tous les cliniciens ont décrits les différentes étapes, de cet accueil singulier et extra ordinaire qu'est celui de la maladie, des émotions, états d'âme, ce que je nomme une "crise"
Car c'est bien de crise qu'il s'agit, une crise qui se constitue dans le quotidien du sujet qui se sachant mal, se sait à présent malade !
Un pas est donc franchi... Brusquement, parfois ! Mais ce pas ne donne pas forcément accès au pire, même si c'est ce pire qui arrive aussi brutalement à l'esprit.
Comme je l'ai écrit, cancer, malgré toutes les avancées de la médecine signifie encore dans bien des esprits (grand public mais aussi médecins hélas) une condamnation à une mort certaine, lente, douloureuse, pénible.. Un parcours du combattant, au mieux, car le soldat s'il combat, ne se rend pas forcément sans avoir épuisé ses ressources ni tiré sa dernière cartouche !
Et c'est là que se situe la différence, je crois.
Nul n'est forcé de se rendre... D'obéir à l'injonction qu'est cette condamnation mal nommée encore, mais pire sous entendue
Etre positif n'est pas possible m'écrit-on ! J'en conviens c'est difficile, voire impossible ! Comment être positif en sachant que le couperet peut tomber !  Va tomber, penser ça à chaque instant... Mais nul besoin d'être malade pour mourir ! Et qui sait quand ? Comme me disait un patient "voilà, je sais que la mort est au bout, mais je n'ai rien appris de nouveau, car ça je le savais déjà.. "
C'est peut-être ça le plus difficile, être brutalement confronté à sa propre mort, sa propre finitude, qui est le lot de chacun, mais comme l'écrit Freud, l'inconscient ne connait ni le temps ni la mort, et l'homme se pense immortel ! Alors l'annonce fait figure de rappel, nous place face à l'épreuve du Réel qui est sans appel !
L'homme est mortel ! La mort, sa mort impensée et impensable... Comment faire avec ça ?
Pourquoi penser la mort alors qu'on est en vie ? Pourquoi ne pas se penser en vie, avoir cette envie... ?
Etre positif semble en effet bien dérisoire face à ce danger, face à cette menace, brandir cette étincelle d'espoir, cette injonction aussi peut-être indécente, ridicule et grotesque, pourtant ! Conserver une lueur d'espérance ne peut qu'aider, soutenir le désir.
Se battre ! Souvent le langage guerrier est de mise, une lutte s'engage entre soi et l'intrus, celui qui squatte le corps, pour en déposséder le sujet, faire son lit, son nid dans ce lieu pour mieux y déployer la mort ! Trahison, le corps lâche, accueille cet ennemi, collabore et ne résiste pas ! Engager un dialogue, faire des compromis ? Mais lesquels ? L'un veut la peau de l'autre ! L'un l'aura, l'autre pas !
Une sorte d'histoire dont certains affirment connaître la fin, une histoire qu'il convient pourtant d'écrire, en laissant chacun d'y inscrire sa fin, comme il la souhaite, comme il le désire.
Car qui connait la fin ? Qui sait quand l'histoire s'arrête ? Qui peut décider de ça et dire ça ?
Résister n'est pas seulement se battre les armes à la main, il y a les combattants de l'ombre eux aussi, tout aussi efficaces.. Ceux qui usent d'autres armes, d'autres outils, car tout est bon dans ce combat là, dans cet affrontement là. On fait feu de tout bois car c'est de sa peau qu'il s'agit, et qui mieux que soi peut savoir comment la sauver.. ? Laisser à l'autre, celui soit disant supposé tout savoir décider que ceci ou cela doit se faire, doit être... ? Lui laisser, lui donner se pouvoir là ? Démissionner alors de sa propre vie et en confier les rennes à un parfait inconnu qui hormis le nom de votre maladie ne sait rien ou si peu de vous ?
Que faire : Résister, combattre, se battre avec, apprivoiser l'intrus, s'en faire un ami, comprendre ce qu'il fait là, pourquoi soi, se laisser aller, laisser faire, attendre, avoir mal, culpabiliser, se fâcher, être en colère, démissionner, se taire... ?
Oui que faire ? Ce faire là est tout aussi singulier car qui va dire quoi faire ? Qui sait mieux ce qu'il faut faire, ce faut qui est la faux qui se profile au loin pour rappeler que le jour approche, ce dernier instant tant redouté mais qui disent certains malades viendra enfin mettre un terme à tout ça ?
Espoir ! Lequel ? Qui donne, transmet cet essentiel, fondamental sans lequel toute vie n'est pas possible, cet espoir là qui permet de vivre avec, d'être soi, simplement soi...

dimanche 24 mars 2013

Krabe

Pour ne pas le nommer ! L'annonce de son diagnostic est une lettre de cachet, un arrêt de mort !
Vous avez un cancer ! Quand le mot est prononcé ! Car souvent la périphrase est de mise, on parle de tumeur, maligne ou pas, de masse suspecte ou pas..
On avance doucement ou parfois brutalement, l'annonce est un couperet qui décapite tout espoir de guérison, de rémission !
"Vous êtes foutu "
Je l'ai entendu aussi, souvent... Très souvent... Trop souvent ! Hélas
Condamnation, damnation et mal édiction !
Mal aise toujours, mais comment pourrait-il en être autrement, le messager de la mort est rarement glorieux, n'aime pas vraiment faire ce genre d'annonce, s'en débarrasse comme il peut, lâchant ou non les mots, le mot qui tue !
Dire ou ne pas dire, savoir ou ne pas savoir, pour quoi faire ? Pour qu'en faire ?
Aujourd'hui encore malgré tout le mot fait peur, on n'ose le prononcer, de peur qu'il porte malheur
Cette foutue maladie ne s'attrape pas, mais c'est pire, elle rappelle à chacun de nous que la mort est là, tout près, qu'elle frappe, sournoisement !
Elle terrifie cet autre, qui ne l'a pas, pas encore, mais qui pourrait l'avoir lui aussi, car qui finalement est protégé, vacciné.. Qui ?
Ca n'arrive pas qu'aux autres !
Alors il faut annoncer le pire, pas la mort immédiate, mais la mort future, et ces médecins tout puissants affirmer qu'il vous reste 2 ou 6 mois encore à vivre ! J'ignorai la Science aussi précise !
Car c'est justement là que tout blesse, que tout cloche, car la Science toute puissance, celle qui promet tout ne résout rien, ne peut rien !
Depuis toutes ces années, malgré ses soit disant efforts, ses appels aux dons, ses recherches qu'à fait la Science ? Quel remède propose t-elle hormis sa panoplie mortifère qui retarde de quelques mois, années au mieux l'issue qu'elle nous a promis fatale...
Car l'homme est mortel et mourra un jour, de cela elle peut être sûre ! Le seul diagnostic qu'on ne peut lui réfuter.
Seulement voilà : Que sait-elle du sujet humain ? Si elle sait quelque chose du corps ou seulement un tout petit peu du fonctionnement de ce morceau de chair humaine qu'elle nomme par organe afin de se protéger, elle ne sait rien de l'esprit, de la psyché, de la capacité de résilience de chaque sujet humain, qui peut !
Ce n'est pas affirmer que l'esprit guérit, Qu'il guérit tout et que les traitements médicaux et chirurgicaux ne sont pas nécessaires, certains le disent et je ne suis pas d'accord. La Science a permis de soigner, de guérir, de comprendre ! Et il serait absurde de le nier, et de rejeter ses acquis et ses découvertes. Mais le sujet n'est pas seulement un corps, il est aussi un esprit, il pense ! Le sujet pense et il est ! Alors ignorer cette donnée essentielle est aussi absurde, c'est se priver d'un allié de choix, essentiel car l'un sans l'autre ne peuvent.. ni faire.. Ni être !
L'esprit contribue à attaquer le crabe, il aide à potentialiser l'effet et apaiser les effets secondaires des traitements les plus invasifs, les plus destructeurs aussi. Il y contribue pour s'accrocher à la vie et non à la mort !
Un de mes anciens Patrons, professeur éminent de médecine avait coutume de me dire "voilà moi j'essaie de réparer le corps, à vous de soutenir l'esprit, quand au reste, Lui là haut va nous donner un coup de main"... Quand un patient lui demandait "combien de temps" il répondait humblement qu'il ne savait pas, qu'il y avait bien des statistiques, mais que c'étaient des chiffres, et que les patients n'étaient pas des chiffres, mais des individus qui réagissaient différemment !
Certains de ses détracteurs disaient qu'il se "défilait" ! Je sais bien que non, il disait la vérité. Chaque être est singulier ! Chacun fait comme il peut ..Et je le remercie de son humanité si rare en ces lieux de violence et de mort !
C'est  donc bien en cela qu'il faut soutenir ce combat inégal mais qui doit être mené... L'espoir, le désir.. La Science ne peut pas tout, c'est mentir que de le laisser croire ! Elle ne peut et ne doit rien promettre. Nul n'a le droit de condamner à mort, nul n'a le droit de tuer l'espoir qui maintient l'en vie !
Cet espoir qui fait que nous ne sortons malade ou pas de l'Humanité, du monde des vivants.
A tous ceux qui luttent !
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

Vous étes venus

compteur visite blog

map