Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 30 mars 2008

L'argent et la psychanalyse

Question oh combien de fois posée ? qui fascine ? qui interpelle ? qui fâche aussi...Souvent.

Entreprendre une psychanalyse ou une thérapie n'est pas gratuit. S'il faut payer de sa personne, il faut aussi payer au sens propre du terme.
Ca coûte, et ça coute cher !

Beaucoup de choses s'entendent et se disent à ce sujet! Ainsi, l'affirmation qu'il faut payer, pour que ce soit utile. Et payer cher, un thérapeute qui a de faibles honoraires est considéré comme "pas très compétent" Il faut de la part du sujet un effort financier.. Il faut que ça coûte...De l'argent. Ce qui nous renvoie au prix de l'argent. A la valeur que chacun lui accorde. Lui donne.

Les tarifs sont différents selon le type de thérapie, selon les praticiens. Ils se négocient ou du moins se discutent dés la première séance ou le premier rendez-vous.
Les choses à ce sujet doivent être claires. Cela fait partie du contrat et du travail thérapeutique. On n'y revient plus, ou dans certains cas précis. Mais toujours d'un commun accord.
Les séances ratées, les absences non prévues sont dues.... Et ce n'est pas négociable. Cela s'entend mais se discute souvent

Pour ma part, je considére que l'absence non prévue, le retard, les rendez-vous manqués sont dus.
Ce temps, cet espace accordé à l'analysant ou au sujet en accord avec lui, ce temps qu'il a lui même sollicité, lui est consacré à lui et à lui seul. Par contrat l'analyste s'engage à être disponible pendant ce "créneau", le sujet à être là.
Il ne consacre donc pas ce temps à autre chose, ni à quelqu'un d'autre.

Une absence, une séance ratée ne l'est pas non plus sans raison. Le travail analytique ou thérapeutique est en route. Ce ratage a un sens. Il sera ou non abordé avec le thérapeute. Quoi qu'il en soit il n'est pas le fruit du hasard.
L'absence n'est pas sans objet !
Donc elle se paie, pour certains confréres elle s'inclue même dans la série de séances prévues et négociées dés le départ.

Cette attitude vise aussi à responsabiliser le sujet.
L'analyse n'est pas un jeu.
Une partie de poker.
On vient, on ne vient pas, on ne sait pas si on viendra, cinq minutes avant le début du rendez vous, on téléphone pour dire "on ne viendra pas", ou peut-être...
Certains ne le font pas, d'autres prétextent maladroitement une panne, un travail, un imprévu.. bref....Une bonne raison pour ne pas venir ....Ou ce qu'ils croient être une raison valable, suffisante, aux yeux de leur analyste, mais aussi et surtout, à leurs yeux. Ils essaient aussi de s'en convaincre. En sont-ils dupes ?
Qui est dupe ? Et de qui ?

Cette absence là, est peut-être plus parlante que la séance en elle même...
Elle fait parfois l'objet de la prochaine séance...

Mais que de discussions, de discours, d'articles, de bonne et de mauvaise foi autour du paiement des séances ratées...

Puis vient la séance avec feuille ou sans feuille..
On est remboursé ou non.
En clair, on paie, ou on fait payer la sécu. Donc la collectivité.

Certains praticiens médecins, "font des feuilles" avec ou sans dépassement

En psychanayse on ne fait pas de feuilles, médecin ou non. (du moins on ne devrait pas ). C'est aussi une bonne question qu'il faut poser aux praticiens, qui continuent à établir des feuilles de "maladie" à demander la "carte vitale" pour une séance d'analyse !
Quel sens mettre à cette pratique ?
Surtout de la part du praticien.
Aller voir un analyste : c'est être malade ?

Pour ma part, j'estime qu'entreprendre une thérapie ou une psychanalyse est une démarche personnelle qui relève de l'intime, donc de la sphère privée, ce n'est donc en aucun cas à la société, à la sécurité sociale de prendre cette démarche en compte et de la rembourser.
Ce n'est pas de l'ordre de la solidarité. Ni de l'ordre de quoi que ce soit.

Se pose aussi la question d'une possible convention avec un organisme de sécu ? Mais pourquoi ?
certains praticiens disent ou écrivent qu'ils regrettent que leur honoraires ne soient pas remboursés, "que c'est bien dommage "etc.... et culpabilisent de se faire payer en expliquant tout aussi maladroitement que pour eux aussi "il faut bien vivre" !

Mascarade ? mauvaise foi ? Cupabilité ? Manque de confiance en soi ?
Je n'ai jamais rencontré d'avocats, de conseiller financiers, d'autres professionnels larmoyant, culpabilisant, mal à l'aise... quant il s'agit de faire payer leur service. Ni de clients se le demandant.. Alors pourquoi dans ce cas précis justement ?

Etre thérapeute ou analyste est une profession (une fonction pour l'analyste) et tout travail se fait en échange d'un salaire. C'est la loi de la société dans laquelle nous vivons. La règle. L'Autre.

A l'hopital,au CMP, le psychologue, médecin, psychiatre rencontré est payé par l'institution à chaque fin de mois, selon un barème précis. Il est rémunéré grâce aux impots du citoyen. Il n'y a pas comme certains persistent à le croire et à le clamer d'acte gratuit...
C'est un faux semblant ! Mensonge que de le dire ! Erreur que de le croire !

On paie donc , d'une autre façon, sous une autre forme mais on paie.
Et le professionnel reçoit un salaire.
L'exercice en libéral, exigne les mêmes qualifications, compétences, et souvent davantage.

Il est normal que le patient, le sujet demandeur de la prestation s'acquitte des honoraires
Il est normal que le thérapeute, analyste se fasse rémunérer pour la fonction qu'il occupe et le travail qu'il fait.

C'est aussi, et cela me semble le plus important, le seul, l'unique moyen de se libérer de la dette.
Le réglement de la séance permet de ne pas contracter de dette, envers celui qui a écouté.
C'est aussi le garant, et la garantie, d'un travail thérapeutique.
Il ne s'agit pas d'une conversation au coin du feu, ni autour de la machine à café. Il s'agit d'un travail, d'un espace où la parole est libérée, les maux mis en mots
Il s'agit de s'adresser à un professionnel, non à un ami, un copain, une vague relation ou un écclésiastique
Le travail s'élabore et se construit au fil de la relation qui se met en place. Ni don de soi, ni dette, ni du. Le paiment de ce temps passé permet de ne pas se sentir redevable.
Chacun est à la place qui lui est allouée. Je paie un spécialiste afin qu'il m'aide dans cette situation là. C'est clair, net, sans ambigüité. De part et d'autre
L'analyste ou le thérapeute est libre également. Il est rémunéré pour la prestation proposée. On ne lui doit rien, il ne doit rien.
Ce paramêtre est essentiel. Il permet que la thérapie se fasse dans un respect mutuel
Le travail thérapeutique véritable, l'aide et l'écoute.... Ne se font qu'à ce prix, et à ces conditions.

samedi 29 mars 2008

La nécessité de l'analyse ?

Depuis quelques temps, je me promène sur le net et les forums. Je m'arréte plus longuement sur les discussions, questions, liées aux thérapies et à la psychanalyse.

On vient demander des informations, des conseils, des noms des tarifs sur les différentes possibilités de thérapies, psy, ou corporelles...
On vient parler de son expérience, de son vécu, de sa souffrance, mais aussi de la parole, de la parole dite en analyse. A son analyste ?

Pourquoi ?

On vient raconter son désespoir, faire part de ses interrogations, dire qu'on s'allonge trois fois par semaine, et qu'on ne va pas bien. Que cela dure depuis des années, et que rien ne se passe, que parfois même on n'est encore plus mal....
On ne demande même pas de réponse, on vient déposer sa misère et sa solitude.

Et l'analyste ?
Le sujet semble lui faire part de tout ce vécu douloureux, de ces blocages, de ces noeuds qui au lieu de se dénouer, se resserent davantage..
Et il se passe quoi ?
Pas grand chose, car le sujet continue de se rendre à ses rendez-vous.... Tout en se demandant s'il fait bien ? Si cela sert à quelque chose... Mais à quoi ? Qui ne savent pas si elles trouveront le courage pour continuer cette quête .
Il parle, parfois il ne peut pas, la séance n'est qu'un long silence, peuplé de larmes..Et d'encore plus de désarroi, de questions sans réponse. De culpabilité, de honte, de desespoir, de haine de soi.

Donc il se passe bien quelque chose ?
Le sujet se rend bien compte que quelque chose cloche. Non seulement dans son histoire, dans son rapport à la souffrance, dans son désir de voyage puisque psychanalyse il a entrepris...

Mais qu'il y a aussi quelque chose d'autre qui cloche
Dans son analyse : Dans ce voyage entrepris... Qui n'arrive "nulle part" qui laisse un sentiment de profond mal être", de souffrance terrible...

Et je lis, les symptômes énumérés : Une phobie spécifique...Qui fait que depuis des années, le sujet ne sort plus que pour se rendre chez son analyste, et qui se demande combien de temps il pourra encore y aller, vu qu'il ne travaille plus, et qu'il ne pourra plus payer les séances,mais surtout parce qu'au fur et à mesure que les dites séances passent, sa phobie s'aggrave...

Des troubles d'angoisse généralisée...
Des stress post traumatiques....
Des difficultés d'endormissement
Un manque d'estime de soi, de confiance en soi, d'affirmation de soi...
De traumatismes d'enfance, de souffrance au travail..au sein du couple, de violences

Le divan est la seule solution...? Des années durant, trois fois par semaine, la parole va se libérer, libérant le sujet de ses troubles....Libre association, transfert...Et parfois dépendance.
Mais pas de résultat, se plaignent les sujets, "ça ne va pas mieux, au contraire..."
"Dois-je quand même continuer ? Je ne suis pas sûr !" "Je n'en peux plus de vivre."

Le divan est-il la seule solution ?
L'unique solution ?
Le seul remède ?

Une personne explique qu'elle consulte un analyste, suite à des attaques de panique ! Et l'analyste "bienveillant" de lui suggérer qu'il a peur de la mort ! de sa propre mort ! et l'analysant s'allonge et parle de la mort.... de sa mort, future et éventuelle...Il y pense tout le temps, alors qu'avant il faisait simplement des attaques de panique "où il avait l'imminente sensation qu'il allait mourir" (un des critéres du DSM IV pour diagnostiquer ce trouble)
Maintenant il a progressé car il sait pourquoi il a peur.... De mourir.... De sa mort...Il a peur et....

Pour parodier Omer Simpson "on va tous mourir.... et moi le premier....Ptoooo !"

Malheureusement ce n'est pas un gag ! encore moins une fiction ni une caricature... de la psychanalyse...
Elle n'a pas besoin de tout ça pour se ridiculiser davantage !
Ces plaintes et témoignages, je les entends aussi...

Je posais la question dans un mail, à une amie... Pourquoi ?

Pourquoi ? Oui, Pourquoi les thérapeutes continuent en ce sens ? Aveugles ? Bien veillants ?
Continuent, mais persistent.... "Vous verrez... "
Ou persistent dans le silence... En donnant rendez vous au patient à la prochaine séance, sans un autre mot...que "à mardi.. jeudi.."

Une phobie peut-être efficacement prise en charge par une TCC
Un trouble et une attaque de panique aussi.
L'ignorent-ils vraiment ?
Les TCC ne font pas de miracles, mais pour certaines personnes et dans le cas de certains troubles, il y a des résultats.

Dans un premier temps, ce peut être interressant, pour le patient, de recommencer à avoir une vie sociale.. De prendre un bus, travailler, voir des amis....
Y pensent-ils ?
Savent-ils à quels points ces troubles sont invalidants ? Et la souffrance psychique qu'ils provoquent ?
Et l'isolement ? Et la rupture du lien social ?
Que peut-être il faut procéder par ordre... Qu'il faut peut-être rétablir un équilibre, que parfois des médicaments sont nécessaires, peuvent lever une angoisse qui permettra d'engager de façon bénéfique une thérapie.
Et pourquoi pas une analyse...
Pour comprendre, se comprendre....Dans un autre temps.

Les deux ne sont pas incompatibles !
Ce sont deux démarches différentes tout simplement.
Comme les antibiotiques en cas d'infection grave.. Et l'homéopathie en traitement de fond...
On peut combiner et conjuguer les deux..

Personnellement j'adresse des patients vers une art -thérapeute, un relaxologue, sophrologue ou autre confrére qui peut leur venir en aide autrement, en appui quand cela est nécessaire et que le patient est d'accord.
Nous ne travaillons plus seuls, au sein et à l'abri d'un cabinet feutré.
Il faut aussi savoir entrer en relation....Avec les autres, confréres, thérapeutes, mais aussi soignants, travailleurs sociaux, équipes éducatives....
Aller au devant parfois !
Mon objectif est d'aider le sujet qui me demande de l'accompagner dans sa démarche pour aller mieux...
Et si ce que je lui propose, selon mes compétences et mes connaissances ne suffit pas ou n'est pas ce qui est mieux pour lui, mon éthique et ma conscience professionnelle font que je l'oriente ailleurs.
Un thérapeute se doit d'être conscient de ses limites ! C'est un minimun envers lui même et surtout envers la personne qui lui donne sa confiance, qui fait de lui, son thérapeute !

Ce qui me surprend aussi, c'est que ces patients, analysants, sujets en thérapie ne remettent que rarement leur thérapeute en question....

Les cognitivistes parlent "d'alliance thérapeutique"... Cette expression est fort belle et exprime tout à fait ce qui est nécessaire et essentiel pour que le travail analytique ou thérapeutique puisse se faire et avoir lieu.
Une relation de confiance et une démarche active de la part des deux parties (active ne signifiant pas faire pour, conseiller, dire, faire à la place de). Il s'agit pour le thérapeute de donner au patient les moyens de redevenir acteur de sa propre vie et de recouvrer la liberté

mercredi 26 mars 2008

Etranger à soi même

J'évoquais cette sensation douloureuse dans l'article précédent : l'exil de soi.

Comment pouvait-on être ou devenir étranger à soi même ? Etre en exil de soi même ?

Curieusement, dans ce cas, le chemin peut se faire dans les deux sens, à l'aller, au retour, parfois il n'y a pas de retour possible


"J'ai alors vu la lumière, les couleurs, le ciel, la mer...Avant tout était noir, noir, complétement noir, je sors des ténébres" me dit un analysant. Il exprime ainsi ses premiers pas vers un mieux être après des séances de thérapie, une prise de conscience de son état. Celui qui était et celui qui devient.


"J'ai l'impression que tout se voile, lentement je descends, un gigantesque tunnel, puis je suis aspiré par une spirale infernale, un tourbillon, je ne vois plus rien vraiment, ce n'est pas la mort, mais la dépression, oui la dépression un immense tunnel sombre d'où l'on ne voit rien" Ainsi s'exprime un autre, souffrant oh combien les affres de la dépression !

Ainsi, le moi ne se reconnait pas, ne sait plus qui il est "je est un autre" disait Rimbaud.
Etranger à nous même dans le sens d'une étrangeté étrange. Une sorte d'état de soi qu'on ne se connait pas, qu'on ne reconnait pas comme soi, ni qu'on ne maitrise pas.
Une sorte d'autre soi. Mais qui n'est pas soi...

Souvent cette étrangeté là est pensée comme de la folie, de l'aliénation,
La maladie mentale, les troubles de l'humeur, la dépression, la bouffée délirante, donnent un tableau d'étrangeté, de mise "hors de soi".
Se pose aussi, dans certains cas la question de savoir si le sujet "était en pleine possession de ses moyens lors de cet acte posé à ce moment là"..

Mais il ne s'agit pas de cet état là, justement, mais de cet état latent, larvé au fond de notre soi qui fait que parfois, ou qu'à un certain moment on sait plus qui est vraiment ce "moi".

Exil, il y a ce "ex", signifiant "qui vient de"..
Mais ce mot évoque le banissement, l'exil était une peine appliquée dans l'Antiquité, les grecs anciens parlaient aussi d'autarcie
C'était un chatiment, privant le citoyen de son toit, de sa terre, l'expulsant, hors de sa maison, hors de son clan, hors de sa patrie. Hors de son "chez soi".
Le chassant, l'éloignant, lui interdisant de revenir aussi.
Au XII° siècle s'y rajoutait la notion de malheur et de tourment.

Ainsi, sommes nous explusés de nous mêmes, jetés vers un vaste continent noir, inconnu et souvent terrifiant...
Une ile déserte, aride, perdue au fond des océans.
Une ile que personne ne voit, ne distingue, ne remarque,
Une ile qui n'existe pas !

Relégué en nous, au fond de nous ?
La lumière fait place aux ténébres, à un soleil noir, froid, inquiétant.
Cet astre sombre illumine nos jours et nos nuits.

Nous sommes les voyageurs des ténébres, étrangers à la lumière, voyageur bien malgré soi, à travers les méandres de l'esprit et de l'inconscient.
Voyageur en fuite, en fuite de maux, qu'on ne peut mettre en mots, voyageurs maudits...
Fantome errant en quête d'absolu, qui ne se reconnait plus.

dimanche 23 mars 2008

Analyse et spiritualité

La dimension spirituelle de l'analyse ?

Cette question posée par un analysant est interressante sur plusieurs points.

Spiritualité et psychanalyse peuvent-elles cohabiter ? se cotoyer ?
Y a t-il une dimension spirituelle à la psychanalyse ?

J'ai toujours considéré la démarche et le travail analytique comme une quête, un long voyage à la rencontre de soi. Un voyage qui peut aussi ne pas aboutir. La psychanalyse ne promet rien, n'assure de rien, elle permet tout simplement. Et ce n'est pas rien !

Partir à la quête, à la conquête ou à la reconquête de soi, est une décision lourde de conséquences pour soi, déjà, pour ceux qui nous entourent également. Ce désir là, s'il est présent depuis longtemps, ne se concrétise qu'après une mûre réflexion.... Parfois, il faut des jours, des semaines, des mois, des années avant de franchir le pas. Parfois, les tentatives avortées sont nombreuses. Parfois on ne trouve pas la "bonne personne", enfin "sa bonne personne" . Celle que le sujet fera "son analyste"..

Se chercher pour se trouver est-il une quête spirituelle ?
La quête est historiquement principalement spirituelle, ou plutôt "religieuse", ce qui n'est pas la même chose
Ainsi la Reconquista, la quête vers la lumière etc...les pélerinages, les marches vers les lieux saints, pour demander, guérir, obtenir une faveur, quêter de l'espoir, un signe divin ?

Il n'y a rien de divin dans la démarche psychanalytique, dans le sens où pas de "deus ex machina". Pas de miracle non plus, même si Lacan affirme que la guérison "arrive en sus" !

La quête analytique si l'on veut garder ce terme, qui me convient par certains aspects n'a rien de religieux non plus. Bien au contraire, elle m'apparait comme laïque, purement et simplement laïque.
Dieu ou dieu, n'a rien à faire ni affaire la dedans, dans ce rendez vous là ? Il ne s'agit pas non plus d'un diner avec le Commandeur. Il n'est pas convoqué.

Seul notre moi est convoqué ! Et encore, il n'est pas obligé ni d'être à l'heure, ni au rendez-vous...

Mais pourquoi donc alors parler de démarche et de dimension spirituelle ?
Pourquoi dire, affirmer, écrire même comme le fait cet analysant, qu'il a tout d'un coup, "tout" compris, que "fiat lux" ?

Vivait-il alors dans les ténébres ? dans le noir ?
La dépression, c'est le noir, les ténébres de l'esprit, les sous bois de la vie. La lumière et les couleurs ne sont pas au rendez vous du quotidien. On fonctionne à demi, et parfois plus du tout.
L'analyse ne guérit pas instantanément de la dépression. Elle y aide, y contribue c'est certain. Mais le miracle ne vient pas spontanément.

L'analysant est-il un conquistador ? Le conquistador des temps modernes ? Le conquistador de son Moi ?

Il part en effet à la découverte d'une terra incognita. Son inconscient est un vaste continent noir qui lui reserve des surprises. Bonnes, parfois mauvaise..... Si les hommes d'Henri le Navigateur, n'avaient que peu de chances de revenir de cette aventure là, soit qu'ils mouraient en mer ou bien qu'ils brulaient leur vaisseau. Qu'en est-il de l'analysant ?

Y at-il un retour possible ? Oui, mais pas un retour au même possible ? on en revient changé, parfois on en revient un autre. Un autre qu'on ne reconnait pas, un autre dont on ne veut peut-être pas....

Mais qu'y a t-il de spirituel dans cette aventure là ? Que dans cette quête la ?
Dans cette requête ? Dans cette conquête ?

C'est l'esprit qui travaillle, qui est en cause, c'est l'esprit qu'on questionne, qu'on convoque à ce rendez-vous. Certes, mais pas le sprituel, pas cette dimension là ?

Pourtant ce mot "spirituel" est récurent, il tourne dans ma tête et dans mon esprit, il tourne et tourne encore sans que je sache vraiment pourquoi.
Et il me renvoit toujours au religieux, c'est la représentation que j'en ai. Et qui me géne. Pas de place pour la religion dans cette affaire là.


La psychanalyse n'est pas une confession. L'analyste ne donne ni bénédiction ni absolution. Il ne donne rien, il permet.
C'est l'analysant qui "fait tout le boulot" m' a dit un jour un patient. Ce qui est en partie vrai. Puisque le travail ne se fait pas seulement pendant les séances, mais aussi et surtout, entre les rendez vous, la nuit, dans les rêves, les actes du quotidien.


La psychanalyse "éveille" ? pour reprendre les termes des spiritualités orientales ? Certainement, elle éveille, réveille et émerveille aussi.

Ténébres et lumières : Moyen âge/époque moderne : Obscurantisme/connaissance : religion/sciences.......

Le sens de spirituel ne peut être que religieux, du moins il ne peut en être dénué. Même si cette acception (religieuse et théologique) ne vaut que jusqu'au XV° siècle.
Ma formation d'historienne et plus particulièrement de dixseptièmiste me renvoie également au "père spirituel".... Le confesseur, le directeur de conscience.

J'ai longuement réfléchi en son temps, sur l'analogie éventuelle ou le parallélisme plus probable que nous pourrions établir entre l'analyste et ce fameux directeur de conscience.
J'ai utilisé à défaut de paroles, les écrits des "dirigées" "pseudo analysées" (il s'agissait de femmes)...
Freud n'était pas encore né. Parler de psychanalyse avant lui, pourquoi pas après tout. Il déclare lui même qu'il ne l'a pas inventé, qu'elle existait bien avant lui, reconnaissant sa dette immense envers les auteurs de romans..

La clé et la réponse aux questions précédentes restent dans l'interrogation de la subjectivité, celle ci est-elle possible alors ?


Mais "spiritualité" évoque encore ce scientifique et pourtant mystique suédois : Swedenborg qui dialoguait avec les esprits, les anges et Dieu....
L'analysant ne dialogue pas avec ces gens là.
L'analyste n'est ni un esprit, un ange, encore moins un dieu

Dialogue ? ou monologue ?

L'analyse n'est pas une démarche spirituelle du moins avec ces acceptions du terme. C'est une démarche volontaire reposant sur l'association libre, le transfert, la parole, le silence....
Une démarche mais aussi un désir, celui de recouvrer un certaine liberté, la liberté d'être soi.
La spiritualité promet, la psychanalyse permet.
C'est là sûrement toute la différence.

samedi 22 mars 2008

Tout ?

Aujourd'hui on médiatise tout ou presque.

On parle de tout, on expose, on s'expose on sexe pose aussi

Passer dans des emissions de télé realité pour parler de soi, de sa maladie, de ses difficultés diverses : avec son conjoint, ses enfants, ses parents, son patron, ses voisins... On parle sour l'oeil de la caméra et sous celui bienveillant et compatissant (?) de l'animateur, qui pose LES questions, préparées avec les réponses par avance....Avec art, car c'est du live !

Les français aiment ça, ils participent, regardent, se reconnaissent ! En redemandent !


Ainsi on parle de tout librement, on débale tout, sans limite, sans frein, il faut tout dire, c'est libérateur !

Alors on raconte ! on écrit sa vie, narre sa thérapie, sa souffrance, on fait des livres comme on fait des chateaux de sable. Ils durent d'ailleurs aussi longtemps, avant qu'une vague, un autre livre ne les submerge.... Et ça recommence.

Il parait que 'ça" fait du bien, que ça soulage, disent les participants, les "nouveaux biographes". C'est une nouvelle forme de thérapie. Et qui ne coûte rien, elle peut même rapporter, et "cela peut servir à d'autres."

Il parait que ca fait du bien aussi à ceux qui les regardent ou les lisent "on voit comme ça qu'on est pas tout seul, que d'autres sont aussi malheureux, ont les mêmes problèmes que nous"

Ouf ! Il y a plus malheureux que soi...

On se console comme on peut, on se rassure avec ce qu'on a !
Finalement ce n'est pas très compliqué...

On aime les anti héros, les gens ordinaires "comme nous".
On ne cherche plus à grandir, à "se grandir " s'élever, s'édifier, se construire.
la simplicité, l'ordinaire, le "normal" le médiocre aussi... séduisent, plus besoin d'aspirer à devenir.
A s'identifier... A vouloir ressembler !

Les anti héros ont la côte ! ils sont "comme tous le monde". On désacralise tout, on ne se géne plus, on ne se retient plus. On se libére des carcans, on se libére de tout, des interdits, des limites. No limit ! do it !

Ces slogans pullulent, laissant croire que tout est possible, qu'on peut tout faire, franchir toutes les lignes jaunes, sans risque !
Just do it ! Il faut tout essayer ! tout connaitre.. tout raconter ! tout montrer.

On met tout en scène, on livre tout en pature, au public, sa vie, sa mort, son intimité, son intime.

Mais on demande à l'autre, on exige de l'Autre de légiférer, de dire si c'est bien ou pas bien... Car en définitive on ne sait plus très bien. Si c'est bien, mal, si on transgresse, si... et si...
Si ça se fait ou pas, si on peut ou non....

L'Autre doit poser le cadre. Qu'on s'empresse de transgresser ! Mais on l'interroge sur tout, jusqu'au plus intime... La vie, la mort.

S'il faut souffrir beaucoup, plus que beaucoup pour avoir le droit de mourir. On se montre mourant, souffrant, on demande le coup de grâce ! Comme le condamné qui attendait sa grâce..
Grâce de vivre, mais maintenant que la peine de mort est abolie on demande la grâce de mourir !

Loi ! terrible loi .
Paradoxe que tout ça.
L'homme n'a cessé de chercher, de quémander, de mendier, de se battre pour sa liberté ! Il est mort pour elle.

Qu'en a t-il fait ? Qu'en fait-il ? Qu'en sait-il ?

Liberté ? Qu'est ce qu'être libre ? Question cliché des bacs philo...Personne ne sait vraiment y répondre, personne ne sait peut-être vraiment ce que ce mot recouvre. Banal, banalisé, il ne veut plus dire grand chose, n'évoque plus guère de représentation.

Au nom de la liberté, on veut tout dire et tout montrer, on veut faire tomber des murs, abolir toutes les frontières, on ne veut plus de limites.

Peut-on vivre dans un monde sans limite ?
Un monde sans limite est-il un monde libre ?

Des patients anxieux, phobiques demandent lors des thérapies à en être libérés, ne plus souffrir de peur, d'anxiéte... Ne plus jamais avoir peur.
S'il faut leur expliquer que la peur, l'anxiété sont nécessaires, essentielles à la vie et à la survie, est-il nécessaire de rappeler aujourd'hui que la honte et la culpabilité sont essentielles à la vie en société. Sont nécessaire au maintien d'un lien social harmonieux et constructif.

Que tout n'est pas permis, que tout ne peut être fait, acter, assener ?
Qu'un peu de retenue est nécessaire, indispensable et fondamentale dans une société libre.

jeudi 20 mars 2008

Celui qui reste

On en parle plus volontiers
Il en parle aussi, non qu'il en parle volontiers, mais sa souffrance parle, en parle.


Etre quitté, laissé, abandonné, cela peut arriver à chacun de nous, il n'y a pas de profil particulier, personne n'est à l'abri. Je dirai même que dans une vie, nous avons tous été un jour quitté, laissé, abandonné.

Enfant, adolescent, adulte, vieux.... Il n'y a pas d'age pour être laissé !

Mais nous réagissons, réagirons chacun à notre manière, parce que nous sommes tous différents, uniques, mais aussi et surtout parce que nous avons tous une histoire singulière, un rencontre particulière avec la séparation.

J'ai évoqué rapidement dans un article consacré à la solitude à quel point la constitution et l'élaboration de liens et d'une relation sécure permettait de faire face aux événements de la vie.
Traumatismes, trauma, choc, stress, maladie, mais aussi et surtout à la séparation, l'abandon, au fait d'être quitté.

La première séparation est notre venue au monde. Séparé de l'utérus maternel, d'un milieu aquatique, à priori en sécurité, on se retrouve au prix d'immenses souffrances projeté dans un monde froid, éblouissant, au milieu d'inconnus.
On coupe le cordon, celui qui nous reliait au dedans, et nous voici au dehors, brutalement...!

Le bébé pourtant continue d'avoir un lien fusionnel avec sa mère, ou celle qui lui en tiendra lieu. Cette proximité le rassure, il apprend, ou n'apprend pas, que le départ de celle ci, ne coïncide pas avec l'abandon. La mère revient, elle reviendra. Ce temps d'absence est nécessaire et lui permet de se construire. Partir/revenir pour partir et revenir encore. Pour lui permettre à lui aussi de partir, et de revenir.
L'amour reste le lien.... Présent ou absent, l'amour est là. L'absence, source d'angoisse, ne l'est plus "tant que ça" puisque l'être aimé ou investi va revenir. C'est une question de temps.

L'enfant apprend petit à petit qu'il existe d'autres "autres" que ses parents, il se socialise peu à peu, pour devenir autonome. Ce qui ne signifie pas se passer des autres. On ne s'en passe pas, mais on peut vivre en leur absence. Leur absence est parfois nécessaire, nous avons aussi besoin de solitude. Même si on ne le voit pas, ne l'entend pas, celui qui est parti reviendra..

C'est pourquoi la mort, chez l'enfant comme chez l'adulte est particulièrement traumatisante et éprouvante, c'est une effraction ! l'être aimé, ou ce qui est perdu, l'est à jamais, sans aucun espoir de retour.

La rupture est une séparation non désirée, non souhaitée, brutale, innatendue. Le sujet est quitté. On le quitte, il est laissé. Abandonné. L'autre n'est pas mort, il est seulement parti, mais il a décidé qu'il ne reviendra pas.
Ainsi pas de retour possible, perte de l'autre, qui disparait, mais qui n'est pas mort. Cet autre, qui laisse, part parfois pour un autre.
Celui qui reste, doit faire son deuil, son deuil de l'autre, son deuil de la perte. Accepter qu'il n'y aura pas de retour possible... Long et douloureux travail, dont l'objectif est d'apprendre à rester ! et rester seul.

L'abandon d'un enfant est différent. Ce "laisser" là peut prendre de multiples visages, une mère peut accoucher sous X (comme le cas de ma patiente dans mon précédent article), mais des parents peuvent tout en étant là, ne pas s'occuper de leurs enfants. Il ne s'agira pas d'un abandon au sens juridique du terme, mais ils seront laissés.... livrés à eux mêmes ou à d'autres autres... à leur pouvoir.

Abandon et oubli, ces mots reviennent souvent dans la bouche de ceux qui ont vécu ça. "Mes parents m'ont abandonné... J'ai fais des foyers.... Des familles d'accueil..... Mais on me laissait là....On ne s'occupait pas de moi...." Oubliés !
Et l'oubli c'est terrible et terrifiant
Les témoignages sont poignants, des enfants laissés, comme des objets, là, sans attention, sans un mot, sans tendresse, sans amour.
Celui qui reste !
Le reste, le trop, ce dont on ne veut pas, dont on ne veut plus car on n'est rassasié, ce qu'on laisse.

Comment se construire ainsi, avec ce fardeau là ? avec ce bagage là ? Comment donner de l'amour ?
Des femmes me disent n'avoir jamais voulu avoir d'enfant "trop peur de ne pas pouvoir... les aimer, les élever...Non, je n'avais pas envie de reproduire ça, j'ai préféré que ça s'arréte"

Mettre un terme à cette spirale infernale
Ne pas enfanter, ne pas donner la vie ! Celle qu'on leur a infligé est déja tellement pénible !

D'autres au contraire ont tellement envie. En vie de donner la vie, pour prendre une revanche et aimer ! Donner l'amour qu'elles n'ont jamais reçu. Réparer ?

Certaines reproduisent encore et encore le seul scénario possible, n'ayant pas réussi à comprendre et casser ce cercle vicieux qui les enferme parfois depuis des générations...

Pas facile d'être celui qui reste, pas plus que d'être celui qui laisse..
Une rencontre ratée, un rendez vous manqué encore !
Parfois celui qui reste essaie de retrouver et rencontrer celui qui l'a laissé. Chemin oh combien pavé de douleur, d'espérances, de fantasmes, mais de bonheur quelque fois.

Ce désir de savoir, de savoir ce qui s'est passé ? Pourquoi ? Pourquoi n'étais je pas aimable ? Digne de l'amour ? digne d'intéret ? Ce désir là est légitime.
Quête impossible bien souvent !

La thérapie, l'analyse, ne permettent surement pas d'y apporter une réponse, mais parfois elles permettent à certains de vivre avec "ça". Avec ce traumatisme terrible. Elle permettent de vivre, de construire, de se donner la vie une nouvelle fois.
De renaitre à soi même !
D'être en vie, et d'avoir envie !

mercredi 19 mars 2008

Celle qui laisse

Peut-être pour faire suite à mon article sur la solitude et l'abandon.
On laisse peu la parole à celui qui laisse, qui abandonne.

Ce sont les mots d'une de mes patientes qui m'incitent à en parler.

"C'est le plus beau cadeau, la plus belle preuve d'amour que je lui ai faite" me dit-elle en relatant l'abandon de sa fille à sa naissance.
Déjà mère de deux enfants, l'un confié à la grand mère, l'autre élevé tant bien que mal par les compagnons de passage, elle ne pouvait garder cet autre enfant : "trop folle.... pas capable, bonne à rien.... Même pas fichue de m'occuper de moi, j'oublie de leur donner à manger..."disait-elle en larmes..

Il me faut revenir sur le terme "Abandon" et sa signification, le sens et le sens commun qui lui est donné.



Littéralement il veut dire "au pouvoir de"
Abandonner c'est quitter, cesser de s'occuper de...
Dans l'ancien temps on disait "mettre à bandon" c'est à dire, "mettre au pouvoir de"
Puis le français lui confère le sens de" l'action de renoncer à quelque chose, en la laissant au pouvoir de quelqu'un".
Toujours cette notion de laisser au "pouvoir" d'un autre, d'un tiers. (tiers séparateur ?)


L'idée de laisser prévaut.
Mais au XII° siècle, le sens de "laisser en liberté" est à mentionner, abandonner, ainsi employé dans le milieu de la fauconnerie.

On parle de laisser "quelque chose", un objet, un bien, une terre. Il faut attendre la seconde moitié du XVII° pour que l'emploi du terme concerne les personnes. Ainsi on peut alors abandonner quelqu'un : le laisser "au pouvoir de l'autre"

Je reviens aux mots de ma patiente, elle avait en effet laissé son enfant au pouvoir de l'autre, d'une autre mère qui l'espèrait-elle serait "suffisamment bonne", du moins pensait-elle "plus bonne que je pourrai l'être moi même".

Comme si cet acte d'abandon, pouvait laisser une chance à ce nouveau né d'avoir une autre vie, un autre destin. Que sa "mère biologique" pensait meilleure. Un autre départ. Une séparation nécessaire au bonheur ?

Un geste d'amour, ultime ! Un ultime geste d'amour, de cadeau d'amour ! D'amour pour cet enfant, mais aussi d'amour pour cette "autre" à qui elle le laissait.
Elle cessait de s'occuper.
Pourtant elle ne cessait ni d'y penser, ni d'aimer cette petite fille, ni de souffrir.
"J'ai trois enfants "déclarait-elle toujours, ce qui désorientait ses interlocuteurs, qui n'en voyaient que deux sur ses papiers....
Pourtant elle ne "fabulait pas " "ne délirait" aucunement. Elle avait bien trois enfants ! Cette fillette quittée était bien son enfant.

Geste d'amour, geste de désespoir mais d'espoir aussi, sursaut d'amour maternel pour donner une chance à ce bébé, une chance de grandir sans sa mère qui n'aurait su en prendre soin, d'avoir une chance d'accéder au bonheur que sa mère n'avait jamais connu et qui se pensait incapable de lui offrir.
Un cadeau ?
Une offrande ?
Un "don"
Un abandon pour lui permettre de s'épanouir ?
Un abandon pour "laisser en liberté" ?

A quel prix ?


Cette mère a fait ce qu'elle pensait devoir faire à ce moment là, et me dit que malgré sa peine, sa douleur elle "a bien fait, qu'il le fallait, au moins une de sauvée...."

Elle continue à souffrir, à ressasser sa peine, sans cesse, à avoir mal, dans son corps aussi et surtout, partout, tout le temps, et la médecine, malgré toutes les explorations, n'a pas vraiment de diagnostic ni de traitement à proposer... On parle pudiquement de "troubles fonctionnels" et me l'adresse.

Mais elle. Elle sait, elle sait de quoi elle souffre, et me le dit clairement "j'ai une maladie orpheline".

mardi 18 mars 2008

Etre malade sur le net !

Sous ce titre, je souhaite analyser et tenter de comprendre les rapports qui se mettent en place entre le malade et la maladie.

Curieusement, c'est sur le net, en lisant les messages de divers forums où les malades atteints d'une pathologie similaire se regroupent pour en parler, que cette idée m'est venue.

Elle m'est venue, parce que ces forums là, justement m'ont interpellée. Ainsi de longues listes mentionnant toutes les maladies, ou les grandes formes pathologiques dont nous pourrions être amenées à souffrir..
Vous avez un cancer, une parkinson... Venez en parler sur nos forums...

Parler fait du bien. Nous le savons tous. Parler entre patients peut-être thérapeutique, nous le savons aussi, c'est le but des groupes de paroles (animés par des thérapeutes) des groupes organisés par des associations d'anciens malades (qui encadrent et accompagnent). Mais cette parole là, libéréé sur le net, à l'intention et l'attention d'anonymes ou de personnes sensées mieux comprendre parce que souffrant elles aussi ou de personne !
Quid de cette parole ?

Tout est conçu pour que les forumeurs se sentent "chez eux". Ils peuvent établir un profil, mettre des photos, des petites phrases, signatures, avatars... Ils ont même sur certains forums des statuts particuliers selon le nombre de messages postés.

Que se disent-ils ?


Il se racontent, racontent leur maladie, leur souffrance, leur parcours du combattant au quotidien, l'angoisse de l'attente du diagnostic, leur peur de la maladie, de la mort, de celle d'un mari, d'un enfant, l'incompréhension de leurs proches, la nullité de leur médecin, des psys qui ne comprenent rien, l'inhumanité des institutions, ils parlent aussi d'eux mêmes donnent des détails intimes, plaisantent... Bref, il se tisse une véritable communauté sur la toile. Une communauté de pseudos amis qui ne se connaissent pas, mais qui arrivent parfois à se rencontrer.


Ils échangent sur tout, mais principalement sur les informations médicales, partagent les renseignements sur les traitements, leurs effets secondaires, comment ils réagissent à tel ou tel médicaments, demandent des conseils...Transmettent des liens, recommandent des sites parlant encore de leur maladie.
Ils tentent par tous les moyens de capter, de capturer de l'info, du savoir, de la connaissance, ils essaient de comprendre par eux mêmes, de décoder le langage médical obscur, de traduire la dernière consultation médicale. Persuadés souvent à tord ou à raison, qu'on ne leur dit pas tout, qu'il existe d'autres solutions...Peut-être....Qu'ils peuvent guérir ?

Ils attendent de l'autre cette attente là....


Parfois, les discussions sont animées, l'intrus ou l'indésirable est délogé sans grand ménagement.

Il ya le ton forumement correct. On dit tout, mais d'une façon acceptable, les habitués y veillent... Il y a des malades quand même... Et qui esperent !


Cela fonctionne finalement comme au sein d'un groupe. Avec des régles et une dynamique propres.

Ceux qui se connaissent, qui sont là depuis longtemps... Un peu les piliers, qui rassurent, qui répondent, qui ont l'expérience "les experts". Il y a le plaisantin, celui qui vient pour "rire un peu malgré nos souffrances" clown triste essayant d'apporter un "rayon de soleil" dans cet univers effrayant. Il y a celui qui vient "voir" qui visite, qui n'écrit pas, ou peu, qui met quelques smileys pour dire qu'il est bien là, ou un message laconique, car finalement il n'a pas grand chose à dire, ou n'est pas trop sûr, de lui. Refusant de s'engager davantage, mais profitant au passage des infos données par les autres. Il y a celui qui passe et qui ne laisse rien. Parasite du système, ou trop timide pour se lancer ?
Ce n'est pas facile que d'écrire ! Quelques personnes ont l'honnéteté de dire qu'elles viennent là depuis plusieurs jours, ou semaines, lisent.... n'osent pas, et que cette fois, elles osent poster. "Je me jette à l'eau". Et se présentent maladroitement... Attendent une réponse qui tarde parfois à venir, s'impatientent.


La qualité des messages est variable. De pertinentes informations cotoient des posts insignifiants, un langage choisi un charabia SMS...

Tout le monde semble y trouver son compte, puiqu'ils reviennent dans ce lieu virtuel qui semble convivial. Tout semble simple, on se tutoie ! c'est la règle, toutes les barrières tombent. Un monde qui semble sans limite, même si un modérateur est censé réguler et empécher tout éventuel débordement. Un simple clic suffit pour l'avertir !
Simple, facile, le malade n'est plus seul ! il y toujours sur le forum, un autre malade pour lui répondre à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit... Tous les jours. On répond ! Mais pas forcément à la question posée, seulement pour lui dire que quelqu'un "qui sait, qui a la même saloperie" viendra sûrement très vite lui donner la réponse attendue ! Qu'il ne s'inquiéte pas.
Si la solidarité est de mise, les disputes, propos violents et noms d'oiseaux fusent parfois, et on s'étripe sur les bienfaits d'un régime alimentaire, de l'incidence d'un vaccin, d'un traitement altérnatif....

On pourrait en rire ou en sourire.
Si ce n'était point de maladie dont on parlait.

Ma première remarque face à cette profusion de forum, de questions anonymes, face à tant de bouteilles à la mer pourrait être que le système médical et paramédical avait terriblement failli. failli pour ne pas avoir pu, ni su offrir l'écoute, la bienveillance, la compassion, l'empathie, le réassurement. Bref, n'avait pas accompli sa mission

Que le net jouait alors le rôle du tiers. Ce fameux tiers : Nous. Sencés mettre à distance le malade de sa maladie. Censés lui apporter au moins un peu de soutien à défaut d'un espace de parole et d'un peu de chaleur humaine... Censé l'écouter. Censé être là dans ces cas là !

Ainsi, nous sommes absents ! Ou pire sourds et muets ! Nous ne remplissons donc pas ou plus les rôles qui nous sont assignés. Les sujets malades ne trouvent donc pas chez les professionnels l'écoute, le retour qu'ils sont en droit d'attendre. Ou bien nous ne sommes pas à la place qu'ils souhaitent ! Comme si la donne avait changé. Que nous ne connaissions pas les nouvelles règles du jeu. Que celles ci avaient changées à notre insu et qu'on n'aurait pas pris la peine de nous en avertir !

Le malade et la maladie s'en étaient alors allés avec leur solitude sur la toile. Où, désespèrement ils tentent de tisser des liens, avec d'autres "supposés savoir" ce qu'ils ne savent pas au sujet de leur maladie.
Quelle détresse dans tous ces messages, que de SOS !
Quelle cruauté des services ! des personnels !
Quelle vide devant ces chiffres, pourcentages, que sont les examens sanguins, les termes techniques et barbares des résultats d'une imagerie ou d'une biopsie !
Quelle stupeur devant la réthorique déployée à grand frais pour masquer le nom terrible de la maladie !
De la peur, de l'angoisse, de la stupeur, de la frayeur, de la colère, du désespoir ....

Alors on vient, inquiet, apeuré, effrayé, avec ses questions, sa solitude et sa maladie pour tout bagage, on vient timidement frapper à la porte. A une porte virtuelle, où son "même" qui est arrivé avant viendra l'acceuillir et lui dispenser quelques mots d'encouragement, un peu de cette chaleur humaine qu'il ne toruve pas auprès des siens. Un peu comme Saint Pierre à la Porte du Paradis, sauf que la maladie n'est pas ce dont on a rêvé !

C'est effrayant de lire ces posts, ce desespoir étalé là, dans les colonnes anonyme sur un écran. De voir des vies livrées à des anonymes parce que les proches ne peuvent être là, ne peuvent offrir et dire les mots, qu'on aimerait entendre, qu'on espére entendre, qu'on attend en vain....Car ils ne viendront jamais ! Car ils ne savent pas ! Car ils ne peuvent pas !

Mais ce qui est plus effrayant encore c'est de lire les pseudos choisis. Ils s'agit parfois du nom de la maladie associé au numéro de leur département, du nom du médicament, du traitement.
Il parle de "leur cancer", de "leur SEP", ils sont LA maladie. Ils se présentent ainsi, je suis parkinson, ma mère est Alzheimer..
Malade et maladie fusionne, ne font plus qu'un. Ne sont plus qu'un. Cette fusion est leur raison d'être là, sur ce forum, auprès d'autres malades. Elle leur donne l'illusion de ne pas être seul, alors que la réalité leur impose cette solitude à chaque seconde. Cette fusion devient leur raison d'être !

Ils attendent derrière leur clavier, derrière leur écran la réponse, la venue d'un autre, d'un ami virtuel... Seul lien à une réalité irréelle, mais qui pourtant concrétise une chose particulièrement réelle : la maladie
La maladie qui devient alors le seul lien social.

lundi 17 mars 2008

Abandon et solitude.

La solitude apparait soit effrayante, soit salvatrice. Comme une sorte de malediction ou de bénediction. Selon.....

Rarement choisie, (elle l'est cependant, nous y reviendrons dans un autre article) elle est souvent subie. C'est la plupart du temps la representation que nous en avons..

"Etre seul, seule ! se retrouver seul ! "J'entends souvent cette phrase, suivie de 'il ou elle est partie, les enfants sont partis.... il ou elle m'a quitté... Que vais je faire ?"
Abandon, être abandonné, quitté, délaissé avant d'être laissé, oublié ! Etre alors seul, seul dans une solitude forçée, pesante, qui fait souvent mal.

Ainsi être seul est le résultat du départ des autres ou de l'autre. Non seulement il faut faire face à la rupture, mais il faut ensuite faire avec la solitude.
Deux traumatismes violents parfois, avec lesquels il faut apprendre à vivre.

Aujourd'hui le divorce est devenue banal et classique. Les gens se rencontrent, se plaisent, essaient la vie commune, et si ça ne marche pas y mette un terme. C'est malheureusement aussi caricatural que ça.

L'un part parce qu'il ne supporte plus l'autre, qui ne lui convient plus, ou parce qu'il a rencontré un autre "autre" avec lequel la vie semble plus prometteuse....Du moins pour recommencer, essayer.. Une autre vie à nouveau.

L'autre reste seul, ou seul avec des enfants. Mais seul avec ! Sans compagne ou compagnon ! Par choix parfois, mais pas toujours souvent !

Parfois c'est la mort de l'autre qui met un terme à la vie commune. Une longue maladie, un accident brutal. On se retrouve seul !

L'homme, nous l'avons vu déja est un "animal social". Ce qui ne signifie pas qu'il n'est pas fait pour la solitude.

Il y a en effet solitude et solitudes...

La rupture, l'abondon, font que cette solitude, pas choisie est aussi source de questionnements, de remise en cause de soi, de profonds bouleversements. C'est une blessure narcissique profonde, une perte d'amour qui fait de nous un être qui n'est plus "aimable" "consommable" m'a dit une patiente..
S'en suit irremédiablement une baisse de l'estime de soi, de la confiance en soi. De ses compétences, de ses capacités. De soi.

Qui suis-je donc si je ne suis plus aimé ? Si je suis quitté "je suis un ou une bonne à rien". PLus digne d'amour, de tendresse, du regard de l'autre ?

Cette solitude à laquelle personne n'est vraiment préparée est toxique, dans le sens où elle blesse, fait mal, et empêche de vivre, de vivre vraiment, car on essaie tout de même de faire face au quotidien mais pas toujours.

Certains sont mieux préparés que d'autres. Cela dépend de ce que nous avons vécu dans l'enfance. Comment nous avons vécu la et les séparations.
Freud a expliqué dans son ouvrage, Au delà du principe de plaisir, après avoir observé son petit fils comment l'enfant arrivait à maitriser l'absence (de sa mère en l'occurence).

Plus près de nous Winnicott, a démontré que la capacité pour l'enfant d'être seul en présence de sa mère était un signe essentiel de développement. Ce qu'il en raconte du reste se fonde sur le renforcement (n'en déplaise aux psychanalystes ennemis des TCC). Il faut que l'expérience en présence de l'autre soit suffisamment répétées pour qu'elle soit efficace.

Ainsi, il faut que l'enfant expérimente la solitude pour se découvrir et se façonner, il faut qu'il comprenne (Freud l'explique fort bien avec le Fort/Da) que ce qui est loin de son regard ne signifie pas la disparition de l'être aimé. Il est nécessaire qu'il comprenne que le départ de l'adulte n'est pas un abandon.... La mère "suffisamment présente" qui sait aussi ne pas être là. Que l'enfant se dise confiant "maman n'est pas là, elle me manque, mais je sais qu'elle va revenir". Que l'enfant apprenne aussi à être heureux loin de ceux qui l'aiment et qu'il aime. Qu'il construire serainement tout un réseau social, des copains à la créche, à l'école. Qu'il se détache, doucement, confiant...Que la mère, mais le père aussi, le lui apprenne ! Que les parents soient au sens winnicottien "suffisamment bons".

C'est un idéal. Nous savons tous que l'idéal n'est pas la réalité. Etre parents, ne s'apprend pas, éduquer, disait Freud est une tâche impossible et nous sommes, nous mêmes le résultat de notre propre histoire, qui n'a pas été idéale non plus. La plupart des parents essaient ou croient bien faire. (je ne parle pas des liens ni des conduites pathologiques, ni fusionnelles)

C'est souvent ce un lien enfant/adulte, absent ou défectueux qui peut conduire au shéma d'abandon, à cette angoisse de séparation, à ce sentiment d'être suffisammnent mauvais pour être laissé "pour toujours"..

Mais 'pourquoi" ? Ce point est également à développer et constitue l'histoire du sujet. Du moins un des points de départ de son histoire, de sa souffrance parfois. Les histoires se ressemblent souvent. Du moins c'est ce que j'entends au quotidien : Vulnérabilité, insécurité, fragilité de ce lien ou absence tout court..

Autant d'élèments qui font que lors d'une rupture, des années plus tard ce shéma s'active ou se reactive. Le traumatisme se réveille... On observe une succession de traumatismes ("de chocs tout le temps, depuis que je suis née" me confiait une patiente. La répétition se met en place !

Que ce soient les théories analytiques ou cognitivistes, l'explication sous des appelations différentes en arrive à la même conclusion.

Mal préparés, fragilisés dés les premières années, il est alors difficile, voire impossible pour ces sujets de faire face, encore moins de supporter la solitude. Sauf, si des facteurs de résilience suffisamment forts, se sont mis en place. Heureusement ! Et cela existe.

Ainsi, nous sommes inégaux devant la solitude, les solitudes. Nous la vivons différemment selon notre histoire, mais aussi selon le moment, la personne qui nous quitte, la manière dont elle le fait.
Le moment ou l'histoire même de la solitude, qui fait qu'on se retrouve seul.
Seul devant tout ce temps, dont on ne sait subitemment pas quoi faire, alors qu'on se plaint qu'on manque de temps, qu'on a le temps de rien !
Seul devant ce mur de temps, qui se dresse hostile devant nous ! Qui nous nargue et nous rend fou !
Seul devant cette montagne de solitude qu'on ne peut déplacer, qu'on n'a même plus besoin de bouger, devant laquelle on est résigné !
Seul devant cette mer de sable, qui nous enlise doucement, nous étouffe, nous suffoque !
Seul face à ce vide !
Seul face à nous même !

samedi 15 mars 2008

Avoir mal au travail

Le harcélement, le malaise, la souffrance au travail....Pas un seul jour sans qu'on en parle.
A la télé, dans les journaux, des ouvrages en la matière sont devenus des classiques.

A l'hôpital, ma fonction n'était pas de recueillir la parole des soignants, ou des personnels. Pourtant nombre d'entre eux me demandait parfois un rendez-vous : "Ce ne sera pas long, on aurait juste besoin d'un conseil, vous parlez un peu, quand vous aurez cinq minutes..."
Cela durait rarement cinq minutes.

Puis, une fois assis "On souhaiterait, s'il vous plait que ça reste entre nous....qu'on ne sache pas qu'on est venu vous voir"Comme si la parole dite pouvait être dite à d'autres, ailleurs...

D'emblée le décor est planté. Avant même les premiers mots lachés, la souffrance transpire, du regard, des gestes, de l'attitude...

Que de douleur ! Que de souffrance ais-je entendu. Une souffrance identifiée, comprise, supportée par ces personnes jusqu'à l'extrème ! Mais quel extrême !

Dans le meilleur des cas, celui où elles trouvaient encore, où elles pouvaient encore puiser en elle, la force et les ressources nécessaires pour dire enfin ! Mettre en mots, mettre des mots, en sachant que ça ne changerait pas grand chose sur un plan concret.

Car dans le pire des cas, on ne dit rien, on n'ose dire, on culpabilise tant, on a tellement honte ! et on glisse lentement jusqu'à l'autre extrême, celui de mettre un terme à tout ça, car on ne peut rien, et surtout on ne peut plus.

Le nombre de suicides au travail est de plus en plus important. La justice reconnait elle aussi certaines notions, la médecine aussi, en prescrivant non plus de simples arrêts maladies, mais des "accidents de travail" et des "maladies professionnelles". Ce qui n'est pas rien, non seulement dans le versement des prestations, mais aussi et surtout pour les personnes elles mêmes victimes de ces agissements, qui se sentent enfin entendues, reconnues et comprises.

Car ces agissements, on les rencontre partout. Ici pour une fois, pas d'opposition public/privé, l'agissement prevers, la perversité institutionnelle est partout.

Ces agissements prennent toutes les formes possibles et imaginables... La perversité posséde en la matière un registre illimité, qui me surprendra toujours.

Elle va du rejet, au harcelement, à l'abaissement de l'autre. C'est une véritable mise à mort ! une mort psychique !

Il en résulte de véritables blessures narcissiques et de la souffrance. Car l'agresseur (c'est bien de cela qu'il s'agit, et souvent celui ci a un visage d'ange, c'est un bon agent au dessus de tout soupçons) ne s'attaque pas au travail, ne critique pas la prestation, mais la personne "tu es un nul !"
Ce n'est pas rien !
Tout salarié est un sujet qui a au sein de l'entreprise une fonction, des tâches à assumer, un rôle à jouer.... Il le fait, bien ou moins bien... Il peut recevoir des félicitations, encouragements (ce qui malheureusement est rare) et des critiques (les négatives sont faites à foison !) qui portent sur la qualité de son travail. Du rôle de M. x, salarié.

Mais nullement sur ce qu'il est lui. Sur sa qualité de sujet. Sur sa qualité d'homme ou de femme...

Et c'est là que le bât blesse ! L'agresseur, qui ne sait pas que les limites existent, ou que des limites en dehors des siennes existent, mélange tout ! mixe tout ! la personne, le travail, la fonction. Tout cela ne fait qu'un. Un bon/un mauvais. Et l'autre est forcément mauvais.

Et il en retire un plaisir intense. Je n'oserai dire une jouissance.

On peut en analyser les causes, le pourquoi il en arrive là.

On peut penser qu'il fonctionne tout simplement sur un mode pervers, mais qu'il peut le mettre aussi en route pour se protéger. Car contrairement à l'idée reçue l'agresseur, n'est pas un" sur homme". Il a des failles, et de nombreuses !

On peut aussi passer en revue, les nombreuses motivations qui le poussent à "casser sa victime" : la jalousie, la peur de perdre sa place, les peurs diverses....

La peur explique et permet de comprendre beaucoup de choses. Cela se joue souvent sur les registres de la peur, ou plutôt des peur. Peur de soi même. Peur de l'autre, de ce que représente l'autre, de ce qu'il pourrait représenter.. La peur que l'autre soit meilleur. Tout cela se joue aussi dans l'inconscient.
L'agresseur a une faible estime de lui même, peu ou pas de confiance en lui. Il ne peut s'exprimer que sur un mode violent et agressif, blessant l'autre, de peur d'être blessé lui même

Il applique de façon erroné le sage "si vis pacem, pare bellum" !

Il s'en suit une sorte de chasse, un jeu malsain du chat et de la souris, ou l'agresseur se transforme peu à peu en un redoutable tueur !

Mais il y a aussi, pire, je crois que l'agressivité, l'agression directe, les insultes, la violence verbale, les humiliations. Car celles ci se voient, s'entendent. Elles peuvent constituer des preuves. Il peut y avoir des témoins.

Comme je l'ai souligné plus haut, le pervers a plus d'un tour dans son sac...(et quel sac !)

Il y a l'ignorance. Ignorer l'autre, le collègue, faire comme s'il n'existait pas.
L'indifférence ! Ne rien témoigner, de témoigner de rien ! Ne rien manifester. Aucun affect, aucune émotion. L'autre n'est pas ! Il n'a pas d'être ! De substance. Il n'y a rien, l'autre est ce rien. L'autre est rien. Ground zéro !

"Je suis transparent !"
Cette impression (qui est réellement vrai, donc qui n'en n'est pas une) est intolérable pour l'autre, qui est littéralement zappé de l'espace vital de l'autre. Qui ne le voit pas, qui ne l'entend pas, qui ne lui parle pas, qui ne lui répond pas.
Une sorte d'isolement sensoriel... Mais plus pervers encore puisque cela ne se joue pas in vitro, mais in vivo, avec la présence de l'autre ou des autres qui ignorent leur victime. Qui font comme si elle n'était pas là. Alors qu'elle est là, en chair et en os !

Etre transparent ! un fantasme qui devient dans ce cas une terrible et insupportable réalité.

L'être en entier est nié. Sa personne, sa fonction, ses compétences, son savoir, son savoir faire, son expérience. LUI.
Il ne sert à rien, il est inutile, il n'apporte rien, il n'existe pas.

Il n'a pas de place.
On fait en sorte qu'il n'ait pas de place..........................

C'est insoutenable, invivable, les victimes de la "transparence" préféreraient encore être maltraitées comme l'enfant battu par ses parents 'ils m'aiment puisqu'ils me battent".

Ignorer l'autre, le gommer de son environnement est la pire blessure narcissique qu'on puisse infliger à l'autre.
Qui ne peut même pas se défendre. Il n'y a ni faute, ni délit...

vendredi 14 mars 2008

Ecriture et travail analytique 1

Ou comment ce type de "travail" se met en place à travers l'écrit, avec et grâce aux mots.

Ce sont mes patients, une fois encore, qui m'ont amenée à cette pratique et à ces réflexions.
L'écriture a toujours tenu une place privilégiée dans ma vie, que ce soit celle des autres, que je découvrais en les lisant, ou la mienne que j'ai expérimenté très tôt, sous forme de journal, ou de relations épistolaires.
Enfant, puis adolescente, je ne passais pas une seule journée sans écrire, à moi même, à une amie imaginaire, à ma meilleure amie, voisine de classe, à des amies éloignées, à des correspondants du monde entier à mon cousin pensionnaire dans un collège anglais.
Nous échangions, parlions de nous, de nos émotions, de nos sentiments, de nos désirs, de tout et de rien. Nous n'utilisions pas ou peu le téléphone, les mots n'y avaient pas le même sens.
Tous les jours, j'attendais le facteur, puis je m'isolais pour savourer ces écrits de toutes sortes ! Un bonheur que je n'avais nullement envie de partager.
J'en rêvais aussi...



J'ai toujours continué à écrire. Pour le plaisir, mais aussi pour venir à bout de la souffrance, de celle qui ne pouvait pas toujours se dire. Ces mots sur le papier m'ont alors ensuite permis de faire ce long travail, ce long chemin, qui me paraissait indispensable, rapide, et paradoxalement interminable..

Les patients rencontrés dans le cadre d'accompagnements ou de thérapies m'écrivaient parfois, pour "me donner des nouvelles", m'envoyaient une carte postale, de vacances, pour Noël. Je recevais aussi des cartes m'annonçant un décés.
On ne téléphone pas ces informations là.

L'écrit encore une fois. Le lien, avec le support, l'envoi d'une lettre, extension de nous même.

Mon travail d'alors reposait surtout et principalement sur la parole, dite ou non dite pendant les séances. Libres associations, associations libres. Mise en mots de souffrances, relations d'histoires, d'histoire, de traumatismes.... Mise en mots de maux de toutes sortes, mise en maux de mots tus, de mots tués pendant des années.

L'écrit dans ma relation à l'autre, sujet, ne jouait pas de rôle essentiellement thérapeutique, du moins comme il le joue aujourd'hui dans le travail que je mêne avec mes patients. Je le considérai surtout comme "maintien du lien" "objet de réassurement".

L'envoi d'une lettre ou d'une carte a toujours un sens pour celui qui l'adresse, et il souhaite qu'il ait aussi un sens pour celui qui le reçoit. Ce n'est pas seulement pour "donner des nouvelles" mais aussi et surtout se rappeler à moi. Dire, encore.... Cet "encore" prend tout son sens ici, dans ce contexte. Encore, encore de l'amour... De l'amour de transfert.

Pourtant il parait qu'on s'écrit de moins en moins, qu'on envoie de moins en moins de carte de voeux, de cartes postales, de billets doux, de lettres d'amour. La mode est aux SMS, aux mails, au mieux aux conversations téléphoniques... Pourtant mes patients écrivent, s'écrivent, m'écrivent !
Ils n'écrivent pas de textos, avec des abréviations incompréhensibles, mais des lettres, des textes, des nouvelles parfois. Avec des mots, des mots choisis, qu'ils ont choisis pour exprimer leur pensée, pour dire.

C'est sur ces textes là, ces comportements là, ces désirs là que je souhaite m'arréter et réflechir.
C'est une nouvelle forme d'échanges, de liens aussi entre le sujet et son thérapeute, entre celui qu'il fait son thérapeute..

mercredi 12 mars 2008

Psychanalyse : Une ouverture

La réflexion d'une de mes correspondantes m'interpelle, et interpelle l'idée classique qu'on se fait de la psychanalyse.

Elle m'écrit "c'était bien ça : l'analyse, que je faisais, qui se déroulait, qui se passait, qui avait lieu et je n'en n'étais pas consciente"..... "Ce qui se passe c'est une psychanalyse, je suis en analyse"

Surprenant ! Impensable pour les "puristes" et pourtant. C'est bien le sujet qui fait de nous, le thérapeute, ou l'analyste. Qui de par sa parole nous donne cette fonction.

Durant toutes ces années passées à l'hôpital j'ai rencontré, suivi, accompagné des centaines de patients et leur famille. A leur demande. Pourtant le "travail analytique " ne s'est pas mis en place pour chacun d'eux. Et heureusement.

Il suffisait parfois de quelques entretiens, l'occasion offerte de pouvoir enfin déposer sa souffrance, d'exprimer sa douleur, son chagrin. De chercher des solutions. D'avoir simplement besoin de parler et de pouvoir le faire.

Pour d'autres, ça s'est passé autrement. Nos rencontres se sont passées autrement. Elles ont donné lieu à un autre type de travail.

Ce sont eux qui ont en fait une "analyse". Ce sont eux qui ont décidé que je serai "leur analyste". Qui ont mis en place, avec mon accord, un travail analytique.
Bien sûr ils en avaient la possibilité, le choix leur étant offert. L'espace de parole mis à leur disposition leur permettait de mettre en mots et de dire. Mais aussi et surtout d'élaborer, de comprendre, de permettre.

Et le transfert ? Il y a du transfert partout disait Lacan. Oui sûrement, sauf que le travail analytique s'élabore autour de ce transfert. Que tout se joue à partir de là. Si on s'autorise, si on s'y autorise, on n'improvise pas, on ne s'improvise pas.

Alors que voulait donc dire ma correspondante ? Que le transfert s'était élaboré petit à petit, lors des face à face ? Possible. Sûrement vrai, puisque 'elle le dit. Puisque son analyste (qui n'est pas moi) le dit aussi.

La vérité du Sujet. La seule et l'unique. Qu'importe les autres vérités....

Nourrie à la psychanalyse, je ne le suis pas qu'à la psychanalyse. Nous ne mangeons pas que d'un seul plat ? Nous avons envie d'essayer d'autres parfums... Essayer n'est pas non plus adopter.
Notre société évolue, je l'ai déja souligné lors de la création de ce blog, les rapports sociaux aussi.
Il me semble que s'en tenir à la cure type est réducteur, ce serait se priver de bien des connaissances, de bien des compétences, ce serait par conséquent priver bien des patients, ou simplement des sujets à partir à la découverte d'eux mêmes. Ce ne serait pas convenable....

Pour certains cela convient. C'est leur plus cher désir. Eh bien allongez vous sur le divan !

Mais pour les autres ? Ceux qui ne sont pas prés, qui n'ont pas envie, qui préférent le dialogue, les échanges. Ceux qui réclament une écoute autre que la neutralité bienveillante caricaturale du psychanalyste impassible devant le désespoir, le déballage d'horreurs, les larmes et la souffrance. Ceux qui ont envie, besoin, qu'on leur manifeste un peu d'empathie, de compassion, qui désirent faire un bout de chemin en compagnie d'un être de chair et de sang, mais qui a le recul nécessaire, une formation solide, qui ne les conseillera pas, ne les jugera pas, mais les guidera vers les réponses qu'ils ont en eux, qui les aidera à se rencontrer...

Une écoute attentive, bienveillante, en dehors du divan peut être analytique.... L'inconscient n'est pas le monopole du divan !

dimanche 9 mars 2008

Une souffrance nécessaire ?

C'est la question que m'a posée C. La souffrance est-elle nécessaire au changement ? A la connaissance de soi ? Pour entreprendre une psychothérapie ? Une psychanalyse ?
Est-ce la condition ?
Faut-il en passer par là ?

Un des mes enseignants de psychopathologie clinique, à l'université, professeur et psychanalyste disait qu'il fallait avoir beaucoup souffert pour entreprendre une analyse. Ainsi, pour mettre un terme à sa souffrance ? Ou plus modestement la comprendre.

Ainsi il faudrait avoir fait, ou fairel'expérience de la souffrance pour envisager d'aller à la rencontre de soi même.
Je ne saurai parler que de ma propre expérience, qui confirme les propos de mon professeur. Pour ma part en effet c'est la souffrance, la douleur, l'incompréhension qui m'ont menées vers la pensée freudienne. Cette première rencontre avec le "Père fondateur" et ses écrits ont été pour l'adolescente que j'étais un immense soulagement. Une impression que je ne faisais pas fausse route en me posant toutes ces questions. Plus tard, la mise en mot de cette souffrance m'a permis de devenir qui je suis, et accepter qu'on ne guérit pas de ces maux, mais que nous pouvons en tirer une force extraordinaire pour vivre au quotidien. Que mettre en mots ne promet rien, mais permet ! et ce n'est pas rien !

Mais parler de souffrance nécessaire ? Indispensable pour en arriver là ? Je ne sais ?
Il n'y a aucune réponse, encore une fois. Chaque sujet a son histoire et ses réponses.

Le mal, la douleur, la souffrance physique ou psychique permet. Mais permet quoi ? Qu'en fait-on après les moments de déni, de renoncement, de souffrance encore plus forte ?

On éprouve un mal aise, un mal être.... Rien ne va plus vraiment, même si jusqu'ici ça allait à peu prés, on faisait en sorte que ça aille un peu, pas trop mal. On vit dans le compromis, dans la compromission que l'on qualifie de négociation, de diplomatie, afin d'entrenir une relation avec les autres, de maintenir le lien social....Des relations faites de petites lachetés quotidiennes, de mensonges, de non dits.
Puis un beau matin, on descend chercher des cigarettes, et on ne rentre pas !
On se demande comment on a fait pour endurer tout ça ? Pour vivre avec tout ça ? Pour vivre malgré tout ça ?
On se dit "combien j'ai été bête, lâche, idiote ? Mais comment j'ai fait ?"
On Se dit qu'il faut que ça change ! Qu'on ne veut plus de cette vie là, qui n'est pas vraiment celle dont on a révée. On ne l'a même pas choisie ! Les événements, le travail, la famille aussi, la vie s'est imposée insidieusement, sournoisement....Tout s'est installé. On a fait avec, avec cette médiocrité, se disant que finalement c'est pas si mal ! Que ça pourrait être pire ! que et que....
On s'invente, se trouve, se justifie car on sait qu'il y a quelque part, quelque chose qui cloche !
Qu'une petite voix au fond de soi nous dit qu'on vallait ou qu'on vaut mieux que ça !

J'emploie volontairement ON. Qui en ne signifiant vraiment personne, signifie chacun d'entre nous. Possiblement.

Alors vient la souffrance. Elle s'identifie. Nous interrogeons la souffrance, cette souffrance convoquée malgré nous à un rendez-vous avec nous..
Nous avons alors le choix, celui de vivre encore.... Mais encore comment ?
Celui de renaitre à la vie, à celle que nous choisirons peut-être ? Qui ne sera pas merveilleuse ni formidable. La perfection n'existe pas, et heureusement, mais une vie peut-être plus conforme à ce que finalement nous sommes, à ce que nous avons étouffé, fait taire ?

Pas facile, pas simple, pas aisé. Mais nous sommes face à nous même. A l'image que nous renvoit le miroir, à ce nous même que nous avons invité, et qui parfois malgré nous s'est rendu au rendez vous.

A nous de ne pas manquer ce rendez vous !
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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