Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 1 octobre 2012

Le père volé

Il a toujours senti planer une ombre, quelque chose d'indicible, mais présent, parfois lourd, mais toujours sourd.
Le silence enveloppait toujours ce quelque chose dont on ne parlait jamais devant lui.
Enfant il ne savait pas, ne comprenait guère, il était seul avec sa mère... Loin de leur famille, loin de leur village aussi. Mais enfant il ne posait pas de questions, d'ailleurs il n'avait pas vraiment de questions
C'était la guerre, mais ça non plus il ne le savait pas. Il nait pendant la guerre, dans un pays en guerre.
C'est plus tard, beaucoup plus tard que les questions se posèrent, un peu d'abord puis elles le taraudèrent tellement qu'il en perdait le sommeil parfois
Il voulait comprendre, trop de choses ne "collaient pas".
Père, nom du père, un père dans lequel il ne se reconnaissait pas, à qui il ne ressemblait pas. Et surtout ce silence, ce silence pesant, lourd, obscur, ce silence qui l'enveloppait et le terrifiait
Parfois il posait des questions essayaient de comprendre...Pourquoi ce père, son père n'était pas là ? On lui répondait qu'il était à la guerre, parti, mais il ne comprenait toujours pas pourquoi il ne revenait pas.
Il se souvenait qu'un jour, il y eut un homme auprès de sa mère, on lui dit qu'il serait son père, qu'il était son père, il ne sait plus.
Un jour il eut un père...
Ce n'est que bien plus tard quand la question de devenir père à son tour se posa. Il voulut savoir qui il était, qui était son père, et le père de son père.
Des questions qui restèrent sans réponse.
Le désespoir succéda au silence pour l'envelopper à son tour, sa mère ne disait rien et ce père qui pendant les années d'adolescence fut le sien était mort.
Qui détenait la clé, le secret, qui pouvait, pourrait dévoiler le mystère, révéler le secret ?
Ce secret qu'il sent, qui le tue aussi, car il l'empêche de vivre pleinement, ce secret, cette chose en plus est son manque à lui, ce savoir que les autres taisent et lui cachent, cette choses dont malgré lui il est l'objet mais aussi et surtout le sujet.
Mais comment savoir et à qui demander, c'est aussi à ça que tient le secret. La demande, la demande de réponse à la question impossible, qui ne peut amener de réponse car celle ci sera la trahison de l'histoire, d'une histoire familiale cultivée par le secret. Celui ci qui souvent est scellé à jamais, perdu, oublié, relégué aux oubliettes de la mémoire. Tellement tu qu'il en est tué.
Mais comment vivre sans savoir, sans savoir d'où on vient et qui on est. Lorsqu'on a le sentiment que tout repose sur un mensonge et que sa vie est une imposture. Comment transmettre ça ? Comment transmettre un nom qui n'est pas le sien, qui lui a été donné certes, mais qui n'est pas "le vrai nom" qui est surtout le "vrai non", la négation de son identité, de son être et de sa véritable filiation.
De ce père volé, ravit, tu et tué parce qu'impossible, de ce père qui n'avait pas le droit d'être un père, de donner la vie à un enfant parce qu'il était un ennemi.
Mais l'ennemi de qui ? Et qui est-il cet ennemi.. Reparti vers ses contrées lointaine, dans un pays étranger dont il ne connait ni le nom exact ni la langue. Qui suis-je ? Et comment le savoir se dit-il ?
Comment advenir à ma vie, alors qu'un morceau entier m'est caché, ravi, volé. Il veut savoir ?
Mais savoir quoi ? Le nom du père... L'histoire de ce père qui peut-être n'a jamais su son existence, car ce père là, ce géniteur s'en est allé. De passage simplement, seulement, il est parti contre son gré peut-être ? Mais comment savoir
Et qu'en est-il du désir ? Du désir de son être là à lui, de l'amour peut-être, ou simplement du désir ? Il ne sait pas, et ne saura sans doute pas, jamais.
L'histoire mal partie ne trouvera peut-être jamais d'issue, à ce non s'oppose ce nom, inconnu, étranger qui lui donne à lui ce sentiment étrange d'être d'ailleurs, de naitre pas d'ici...
Silence pesant, obscur et lourd, qui n'en finira jamais, qui ne pourra ceder que si et seulement la parole est dite. La parole
Mais qui détient cette parole là, le nom de père, du père absent, du père tué du père volé ?

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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