Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 1 novembre 2013

Tu meurs

Tumeur un de ces mots maudits dont l'énoncé est une injonction, une condamnation !
Mais peut-on, comment l'entendre autrement ?
"Vous avez une tumeur, c'est une tumeur."
Tu meurs !
Le mot qui fait peur. Encore un. Il y en a tant ! On les entend parfois, souvent, mais sans trop y prêter attention, ils sont dits, lancés, énoncés sans trop y prêter attention non plus, ils font partie du vocabulaire, de cette terminologie médicale qui paradoxalement n'est jamais très claire, très précise, qui comme sa chirurgie est invasive et surtout évasive.
Pourtant !
Tumeur, et tout de suite l'angoisse, l'anxiété, la peur envahissent le sujet qui vient d'apprendre cette nouvelle, bien curieuse et bien mauvaise nouvelle. Grosseur, kyste, boule, autant de terme aussi pour éviter celui qui tue, celui qui évoque le pire, le possible de l'impossible ou l'impossible du possible
Condamnation, sans sursis, sans rémission, sans rédemption
Curieux pouvoir des mots qui sans magie, sans mal gie, sans rien d'autre que la simple perception, le simple son sont reçus et entendus.
Ces mots qui renvoient une image, un son, une représentation, un univers, un espace, un lieu.
Mais de quel lieu s'agit-il ?
Chant de mort et chant de guerre pour ce corps qui devient un champ de bataille. Celui qu'il va livrer contre cet intrus, cet envahisseur, cet hôte bien encombrant, qu'il n'a pas invité et qu'il tente de déloger.
Celui qui est parvenu à se loger, à prendre place, à l'occuper... Il s'est incrusté, là où souvent on ne l'attendait pas.Car qui attendrait cet hôte indésirable ? Indésiré ? Impensable ?
Il ne s'est pas manifesté tout de suite, n'a pas fait de bruit souvent, il resté bien sagement tapi dans l'ombre, le temps de faire, d'y faire son nid.
Crypte ? Sujet aux prises avec les fantômes qui hantent et qui murmurent des maux et des mots sans ombre et sans lumière, des mots nus, des mots perdus qui ne trouvent pas d'adresse. Des mots errants qui tentent de se fixer pour vivre et en même temps détruire.
Qui se fixent comme sur l'image, celle de l'imagerie, qui dicte et qui dit. Tu meurs ou pas... Pas tout de suite !
C'est là toute la question, l'impensable question : "Avant ce diagnostic je n'en savais rien, pourtant ce mot change ma vie, mais ma vie est la même qu'avant ! Pourtant non, je n'y comprends rien, rien ne pourra alors être plus pareil' me confie un patient
Avant et après ! Ce mot, injonction est une rupture, brutale, un avant et un après et au milieu ce mot qui tue, pourtant la vie semble être la même !
Alors que se passe t-il ? Le pouvoir des mots encore, celui qui fait que le mot devient un mal dit, un mot dit maudit. Une représentation qui fait mal et fait que l'idée de la vie bascule, presque mais pas tout à fait de l'autre côté. Que cet autre coté oublié, refait tout à coup surface et devient là, tout de suite une issue possible à la vie.
Car si tout homme se sait mortel, il a heureusement ou non tendance à l'oublier. Tu meurs, tumeur lui rappelle brusquement sa condition de sujet mortel
Non, vous ne vivrez pas comme des dieux, cela impliquerait la vie éternelle, non, vous ne serez pas comme des dieux ! Mais ces dieux si toutefois ils sont, qui sont-ils ?
Nul ne sait sans doute.
A quelle branche, quel espoir peut-on alors se raccrocher ? Car tu meurs, certes mais nul ne te dis quand ni de quoi encore moins pourquoi !
Nul ne connait son destin, sa destinée ni celle de son "prochain" !
Injonction terrible mais qu'il ne faut pourtant pas prendre au pied de la lettre...
Tumeur n'est pas une condamnation à mort, n'est pas une condamnation de la vie !
Pire encore peut-être... ?
Une condamnation au non espoir, un mot qui fait trembler, qui contient une charge explosive et destructrice... Une blessure qui laisse des traces, qui laisse trace dans la psyché de l'homme ou de la femme qui en devient le témoin assisté.
De quel droit condamner l'autre à ce non espoir ? De quel droit user de son pseudo savoir pour assigner l'autre à ne plus croire, à ne plus entendre le chant de la vie, d'user de mots qui deviennent les maux de l'esprit ?
De quel droit user, abuser l'autre et de lui dire sans autre mots, sans autre geste "tu meurs" ?

Brigitte Dusch psychanalyste.

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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