Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 11 novembre 2014

11 novembre 1914

100 ans.
Centenaire.
Cent ans après, 100 ans avant ?
Mais ce 11 novembre 1914. Que se passe t-il ?
Que font ces hommes arrachés à leur foyer depuis à peine trois mois. A quoi pensent-ils ? Que vivent-ils ? Que disent-ils ?  Ces hommes qui n'ont pas encore conscience de la durée et de la tragédie de cette guerre ?
Que dire de ce jour, banal, comme les autres, ce jour de guerre. En 1914.
Le 11 novembre 1914, Antoine, une jeune soldat écrivait à sa soeur qu'il partait sur le front, que la vie militaire ce "n'était pas le rêve" et qu'il espérait la revoir bientôt. J'ignore si ce fut le cas.
Une lettre, banale elle aussi, un moment de répit pour mettre des mots sur ce Mal qu'est la guerre, pour dire à ses proches. Mais dire quoi ?
Et cet autre, qui se plaint de ne pas recevoir de lettre de "ses vieux" qui pourtant réclament des nouvelles mais n'écrivent point.
Armand jeune appelé aspire à être bientôt libéré, quand la guerre sera finie. Bientôt assure t-il. Ou se rassure t-il.
"Les premiers froids arrivent après la pluie d'octobre, mais ne t'inquiète pas je serai bientôt de retour ma Jeanne, j'ai hâte de vous serrer dans mes bras, toi et les enfants"
"Nous partons vers les Vosges. Il va faire froid mais ne t'en fais pas" explique Gaston à son épouse.
" J'espère revenir bien vite, vous me manquez les enfants et toi."
Le 11 novembre 1914. "Revenir bien vite".
Ils sont loin du compte, et du conte, et de tous ces comptes qui ne seront jamais vraiment soldés.
Nous pourrions suivre au jour le jour en dépouillant les journaux militaires de opérations ces soldats, appelés, officiers partis dans la Tourmente, ceux vivants, morts ou déjà blessés, mais souvent meurtris par cet exil forcé.

Le 11 septembre, Joffre envoie un message au ministre de la Guerre : « La bataille de la Marne s'achève en victoire incontestable. »


Certes... Mais encore !
Une victoire ? Une fin ?
Qu'en est-il alors de l'espoir, de l'attente de ces hommes loin de chez eux. Jetés sur les sentiers boueux de France pour empêcher un ennemi, un homme tout comme eux, jeté lui aussi sur ces chemins inconnus pour se battre, défendre un pays, sans vraiment savoir pourquoi, sans vraiment connaitre les réels enjeux, d'un combat qui n'a pour intérêt que de protéger ceux des riches et des nantis.
Chair à canon. De part et d'autre des tranchées et des frontières. Hommes jetés en pâtures sans respect de la vie ni du prix de celle ci. Que vaut-elle pour la plupart de ces officiers, élites de la Nation soit disant qui n'hésiteront pas à fusiller un pauvre diable qui avait simplement peur ou dont la tenue n'était pas réglementaire.
Alors ce 11 novembre ? 1914 ? Combien de ces soldats seront là ? Plus tard, quand la boucherie sera finie ? Quand le sacrifice sanglant aura apaisé la colère des Puissants. Combien de Gueules cassées, d'hommes à la vie foutue seront médaillés, faute d'être morts pour la france, chanteront un hymne "national" à la gloire d'un pays qui a réclamé leur sang ? Combien seront là debout sur des béquilles, jambes de bois ou chaise roulante, pour saluer ceux qui ne sont pas revenus, leur compagnons de misère et d'infortune ? Combien croupiront dans leur merde et leur folie au fond d'un asile ?

Ils ne savent pas tout ça, ceux du 11 novembre 1914, ceux là qui écrivent à leur mère, leur soeur, leur femme ou leur bonne amie, ils ne savent rien de toutes les horreurs qui vont suivre, ils ne savent rien de la mort, des gaz, de l'horreur, de l'odeur de la poudre, des rats, de la pluie, de la boue, de la neige, du merdier, des barbelés, des bombardements, de la folie qui s'empare du monde entier.
Ils ne savent pas grand chose, otage des partis, des nations, d'une guerre qu'ils espèrent courte.
Ils ne se doutent pas mais comment le pourraient-ils que 100 plus tard, le monde toujours à feu et à sang commémorera la "Der des der" !
Ils avaient commencé depuis octobre à creuser les tranchées curieux sapeurs en uniforme. Tranchées pour s'enterrer, voir l'ennemi, s'en protéger, tenir la ligne, la ligne de Front. Faire front, faire face et affronter : S'affronter.
"Je t'écris des tranchées"
11 novembre 1914, Gustave, toi le vannier de Savigny loin de ta jeune épouse, sapeur mineur, télégraphiste, Camille frèle jeune homme seul fils d'une famille vendéenne tu allais bientôt mourir, Salomon tu ne savais pas encore que 4 ans plus tard avec une poignée de tes hommes tu repousserais l'ennemi à Reims... Et vous, les autres, les Nôtres, car quelle famille a été épargnée. " Trois de la famille sommes partis sur le front" écrit Jules. Combien de noms sur les monuments aux morts. Le père, les fils, l'oncle, les neveux.
Alors en ce 11 novembre 2014 cent ans après prenons juste un peu de temps, juste ce temps nécessaire pour simplement s'arrêter devant le monument aux Morts de sa ville, de son village et prenons le temps de lire le nom de ceux qui sont Morts pour rien. Fauchés dans leur vie, dans la promesse d'un avenir qui leur a été confisqué, qui a été foudroyé.
Prenons ce temps également pour tous ces hommes, je dis bien TOUS ces hommes arrachés à leur foyer et à la paix, blessés, traumatisés pour le reste de leur vie, morts. Quel que soit leur pays, leur religion, leur croyance. D'Allemagne de France ou d'ailleurs c'était des pères, des fils, des oncles, des enfants. Cette guerre n'a épargné rien ni personne, dévoilant un peu plus l'inhumanité en le sujet humain. La barbarie et la folie.
Prenons ce temps... Réfléchissons.... Méditons... Tirons leçon si nous le pouvons.

"Quelle connerie la guerre" écrirait Prêvert trente années plus tard. Combien il a raison

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

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