Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 3 novembre 2014

Border line

Limite, le bord, le fil, sur le fil, du rasoir, vertige, vide, attention, fragile, basculer... Bordure...
Bordeline...
Au bord de la ligne, ligne, ligne jaune.
Etat limite, limite de ? limite du bord, du bord de la ligne, de la ligne du bord
Etre à bord, être au bord, tout au bord, au bord des limites...

Un terme encore beaucoup utilisé, à la mode, une nouvelle pathologie, qui s'invente, qui invente, mais qui pourtant est une maladie, cause une souffrance, existe, est ?
Borderline, débordants d'émotions que vous ne pouvez/savez gérer..  amenant à des comportements sociaux instables, une perception qui ne lui permet plus d'interpréter de manière adaptée les attitudes des autres, proches ou non ce qui donne lieu à des débordements inadaptés, des angoisses profondes, des peurs d'être laissés, abandonnés. C'est éprouver des sentiments d'abandon, de persécutions, ressentir le vide, être au bord du gouffre !

Un terme souvent utilisé, un peu partout, presque banalisé, dans le langage courant ;  Une pathologie pas si nouvelle pourtant mais le mot qui la définit la projette sous le feu des projecteurs, la montre à voir et à entendre. Etre Borderline  ne s'improvise pas, le diagnostic ne s'impose pas de manière fantaisiste, à la lecture de quelques tests sur le net ou sur les magazines, quelques oui et non aux items d'une liste pour assener la nouvelle...
Vous êtes...  (ou pas)
Ainsi peut-on lire : Etes vous bordeline ? Cliquez, et répondez le plus sincèrement possible aux questions et vous saurez.. Si vous avez plus de points rouges, verts, ou bleus, d'étoiles ou de triangles.
Un peu comme un tirage de tarot gratuit en ligne...

Etre bordeline n'est pas un hasard, une fatalité ni une excuse pour se déresponsabiliser de son mauvais caractère, de son impulsivité, de sa mauvaise (ou manque) éducation. Ce qui pourrait pour certains sujets constituer un "différentiel".
C'est une organisation psychique, un état entre deux, deux eaux ? à la frontière, au bord de la Grenze. Franchit, franchit pas ?

Mais que disent-ils : eux  ? Ceux qui souffrent ?

"Je suis bordel line" me dit un jour un patient..."ou bipolaire".. ?
"C'est quoi la différence ?"
"C'est le bordel dans ma tête, vous comprenez, un jour ça va, l'autre pas, je ne tolère rien, j'ai envie de les éclater, tous... etc... "

Sur le bord, sur le fil du rasoir, en équilibre, toujours, toujours se demander si CA ne va pas basculer, ce ça qui va entrainer le Je du "mauvais côté"comme ils aiment à le préciser, pour bien marquer cette dualité, ce bon et ce méchant, cette lutte permanente, ce combat qui les mine et les ronge.
Cet état où ils n'ont plus confiance en les autres, mais surtout en eux, cet état où les émotions les submergent et les engloutit. Cet état : Celui de la colère, de la violence, de la démesure, pour basculer ensuite, encore dans la honte, la culpabilité, la peine, le chagrin...La déprime.

"Je sens que ça monte alors je crie, je hurle, je me cogne la tête contre les murs"
Silence
"Ensuite je me sens soulagée, vidée, soulagée, je me sens"
Se sentir, se sentir comment ?

Fragile funambule sur le fil tenu de la vie, sur la corde raide qui frémit. Fragile sujet humain pendu, suspendu à la pulsion qui réprimée, contenue, permet de vivre sans trop de heurts, de chaos, sans trop de mal. Permet d'avancer cahin caha.
Fragile funambule qui, s'il regarde vers le bas, se sent mal, se sent partir, ne peux plus se retenir, se sent entrainé vers les profondeurs des abîmes, vers ce continent sombre de la démesure "Je suis en folie, en crise" dit-il... "et je n'y peux rien, je sais que je déconne, mas c'est trop tard l'autre s'est emparé de moi"
Cet autre qui est "le mauvais côté de moi, celui que je ne maitrise pas, mais qui est moi quand même, celui que je n'aime pas, mais qui est plus fort que moi."

Borderline, limite, personnalité et bla et bla... ! Et tous ces tests dans les magazines et sur internet pour vous dire si ; Vous l'êtes ou pas. En rajouter encore un peu plus. Pourquoi ? Pourquoi je suis comme ça ?

Infiniment simple ? Certainement pas, infiniment complexe. Oui.
Si les parcours de vie se ressemblent ils ne sont pas toujours tragiques, alors ?
Où faut-il chercher pour comprendre ?
"Je n'ai jamais connu que la folie et la violence de mes parents, alors je ne peux pas reproduire autre chose... j'ai lu des trucs là dessus" me dit une patiente
Mais faut-il croire tout ce qu'on lit ? Ce que toutes les émissions télévisées, sites internet racontent ?
Faut-il cocher des cases pour savoir qui on est ?
Il n'y a rien de plus instable et de plus impermanent que l'humeur. Certains sujets sont plus à fleur de peau que d'autres, ce moi peau ne les enveloppant pas assez de sa membrane protectrice, laissant les nerfs à nu, à vifs. Fleur de peau.
Métaphore ? Image pour dire et traduire ce mal qui surgit, cette douleur et cette souffrance qui explosent à la face de l'autre, qui n'y est pour rien, mais qui..
A la face de soi même ! Se sentir vivant en se cognant la tête au mur, en retournant la violence contre soi pour ne pas frapper, tuer, les autres. S'automutiler, se faire mal et attenter à sa vie ; Pour en finir !
Vouloir mourir pour que cela cesse, enfin. Pour soi et pour ceux qu'on aime, mal me dit un patient, si mal qu'on lui fait mal, alors qu'on ne voudrait pas ça. Action et regret. Humeur changeante, émotions débordantes, intenses, excessives.

Que faire ? Comment faire ? Pour ne plus souffrir et ne plus faire souffrir ? Est-il possible de rendre ces états émotionnels plus équilibrés "plus dans la norme"comme le dit cette jeune fille qui craint de perdre son compagnon démuni devant ses "crises" ?

Dire déjà que ce  n'est pas une fatalité, en parler et s'informer est déjà un pas, le premier. Savoir que. Savoir cela. Puis se dire aussi qu'il est possible de parler, de parler cette souffrance, de dire et de dire en mots cette violence. Expliquer à l'entourage, comprendre. Savoir, connaitre !
Partir à la rencontre de soi en gardant l'espoir que ça vaut le coup de s'engager sur ce chemin. Chemin difficile tant pour le sujet que pour le thérapeute ou l'analyste qui en a accepté l'accompagnement.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.




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