Eloul est en effet le dernier mois de notre année, il précède Roch Hachana et Kippour. Ce temps singulier est profondément lié à l'expérience de l'incomplétude.
La nôtre, celle du sujet humain.
C'est en effet un temps d'attente, et de préparation
Ainsi Eloul n'est ni la fin
Ni le commencement
Il se tient au seuil, fragile, discret, comme une respiration entre deux mots
Un souffle
L'année s'efface, l'autre ne nous est pas encore donnée
C'est un espace suspendu
Entre deux temps
Nous découvrons avec émerveillement la Vérité
La Nôtre, celle de tout sujet humain
Nous sommes inachevés
Eloul nous enseigne
Il nous apprend à habiter l'incomplétude
A reconnaitre que nous avons manqué, failli, oublié
Mais ce manque n'est pas un vide qui condamne
Il est l'ouverture
Celle où peut passer l'infini
Là où la faille se creuse
La prière s'élève
Là où la brisure se dit
Le désir prend feu
On raconte que le "Roi est dans les champs"
Non sur un trône inaccessible
Mais présent, proche de ses enfants
Au milieu de la poussière et des hautes herbes
Il vient à notre incomplétude
Pour nous dire
"Ce n'est pas la perfection que je cherche mais ton retour"
Eloul est cet "entre-deux"
Ce temps asymptômatique
Où l'on marche sans jamais toucher le point
On s'avance pas à pas
Avec nos manques et nos fissures
Nos désirs inachevés
Et c'est cela même qui fait vivre la Rencontre
Si nous étions complets
Il n'y aurait plus d'élan
Plus d'attente
Plus d'amour
Eloul est l'entre deux
Où l'incomplétude se transforme en chemin
Un mois de souffle et de seuil
Où le manque devient promesse
L'incomplétude c'est l'impossibilité d'atteindre une perfection définitive. Eloul n'est pas un but en soi, mais un chemin vers les "Jours Redoutables". Semblable à une approche asymptomatique car on ne touche pas le bout, mais on s'en rapproche par élans successifs.
C'est un temps qui fait de l'incomplétude non une faiblesse mais une force et surtout une dynamique.
Eloul enseigne que c'est le manque qui garde vivant le lien à l'infini
Ainsi je ressens profondément et intimement mon incomplétude, car celle ci devient prière, où le manque s'élève en désir et la faille s'ouvre à l'infini.
Brigitte Judit Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine, chercheur
Crédit photo @brigittedusch