Psychanalyse Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 9 octobre 2018

Entendre l'inentendable ?


Comment entendre l'inentendable ? 

Qu'est ce que l'in entendable, ce qui ne peut donc s'entendre, qui fait effraction à l'entendement ?
Effract
ion, dépasser, franchir le cadre admis, toléré par l'espace de la société, violer la loi, les codes, transgresser. Les tabous et les interdits.

On pourrait penser qu'il existe deux mondes, clivés, celui du bien celui du mal, entre les deux, une dead line, une zone de transit, un check point.. On peut passer un peu, pas trop de l'autre côté celui un peu gris, mais pas tout à fait obscur, car il est facile d'en revenir, un petit tour de l'autre côté de la frontière pour se donner quelques frissons, sentir l'adrénaline, puis retour à la norme, car rien de bien méchant de griller un feu rouge !

Pourtant !
Ce terr
itoire est bien l'espace où se déroulent l'indicible et l'inentendable où se posent les actes in nomables
Un terr
itoire, un monde de transgression, où celle ci est devenue la règle, où elle est la Loi, où justement la Loi n'est plus, plus la même.
Espace sombre des dél
inquances, de la violence, de l'agression, du crime.
Espace de ceux qu
i posent ces actes.
Une sorte de no man's land, de l
ieu qui interpelle, qui fascine aussi peut-être car là se jouent des jeux interdits. Là, s'explorent et se mettent en acte l'objet fantasmatique, ce fantasme qui prend forme et s'anime. Là d'où on ne ressort pas indemne si toutefois on en ressort.
Car ? Est-ce un aller simple ? Existe t-il un billet pour le retour ?
Prend-on un "titre de transport" pour se rendre en ce lieu là, ou bien y arrive t-on par hasard, au hasard d'une rencontre, pas si bonne que ça ou tout à fait mauvaise, s'y enlise t-on ? Marais obscur, sables mouvants, caverne sombre, lieu de ténébres ? Mais l'interdit ne se cache t-il pas sous les lumières, en plein jour ? Aussi ?

 L'inententable, l'impensable trouvent-ils origine dans cet espace de transition, cette sorte d'entre deux monde qui ne dit pas vraiment son nom ?
Et quid de celui qui après y avoir séjourné veut en sortir, s'en trouve extrait, exclu et tente de renouer, re tisser des liens ravauder ce qui reste du filet qui le maintien avec le "monde", celui qui est dicible ou du moins ce dit comme tel ?
Quid de ses actes à ce sujet là, car il y a lui, le sujet, l'auteur, l'acteur, et ses actes, ce qu'il a fait, ce qu'il a commis ? Ce qui l'a amené en cette deadzone, car il a franchi la deadline ?

Comment et que faire de ces mots qui expliquent, voire qui excusent le crime, les crimes, les actes irraisonnables, qui défient l'entendement ?
Transgression des interdits, ceux qu'on appelle fondamentaux car ils sont le socle de la société, ils en forment le cadre et pourtant ?
Alors comment faire ?
Où cette parole peut-elle se dire, se déposer, dans quelle mesure ?
Qui et comment peut non seulement l'entendre mais lui donner du sens. Et quel sens ? Pour qui ?
Qu'est ce que l'in entendable ? Quels sont ces mots qui servent à nommer l'horreur, les tragédies qui font la une des journaux ? Dont les médias se repaissent pour faire des agresseurs des monstres, ceux la même qui sont montrés à voir pour être cloués au pilori.
De ces actes dont les coupables, les agresseurs rendent compte devant des juges, dans cet espace qu'est le tribunal, qui jugera en fonction de la justice des hommes, celle là même qui fait que le cadre est le cadre, qui définit les limites de ce qui se fait ou non, du bien et du mal
Car nous y revoilà encore.
Interdits. Transgression.
Il y a les délits, les violences et les crimes, les Codes de Justice classifient, définissent.
Les agresseurs, coupables présumés sont jugés, puis condamnés. Une peine leur est infligée. Prison, amendes, sursis ou non.. Dommages, réparations.
Il existe tout un lexique approprié.
Et puis.
Et après ?
Comment vivre après, pour la victime, traumatisée, choquée, dont la vie est brisée...
Comment vivre après, pour l'agresseur, condamné , qui a purgé sa peine...
Comment ?
Victime/agresseur. Agresseur/victime ? Une rencontre ? Peut-on parler de rencontre alors ? Comment définir ce moment qui ne peut être mis en mots mais qui pourtant a été mis en actes ?
Comment en parler ? Comment et pourquoi ?
Comment répondre de crimes ? Répondre ? Reconnaitre ? Comparaître
Interrogations et mots pour ces maux, ces tragédies dont personne ne sort indemnes. Dont les victimes sont directes et collatérales, elles portent à tout jamais la trace indélébiles, une plaie qui ne cicatrise jamais complétement, durablement, qui peut craquer à chaque instant.
Il est bien difficile de dire. Il est bien difficile d'écrire. Les circonstances et l'actualité en sont un exemple tragique chaque jour. La violence de l'impensé et de l'impensable qui nous est infligée nous laisse parfois aller à penser au delà de l'imaginable.
Comment survivre pour pouvoir vivre ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

samedi 22 septembre 2018

Le Sacré et le Profane 2



L'espace du Sacré

Lieu privilégié, espace singulier, il n'est pas à proprement parlé l'espace sacré, ce "du" étant lui même le marqueur temporel mais aussi sémantique de la représentation symbolique qui s'y attache.
Il peut l'être mais pas forcément
Espace consacré au... A ce que l'homme considère comme tel, comme sacré. Résultat alors une fois encore de la main de l'homme et non intervention divine comme l'homme, misérable sujet humain voudrait et veut toujours le faire croire.
Le divin n'est que la divinisation et la sacralisation d'un champ délimité appartenant à l'homme.
Alors ? Qu'est ce qui en fait le Sacré, qu'est ce qui en donne le caractère sacré ?
Mystification ou mystère ? Ou les deux.
Le sacré permettant de justifier et d'expliquer le profane, espaces qui se cotoient mais ne se rencontrent pas. Y a t-il un "no man's land".. Une sorte de charnière, de sas permettant l'interface
Ou bien ?
Perméable ? Imperméable ?
Zone impénétrable à celui qui n'en possède pas la clé ? Mais cette clé existe t-elle ?
L'espace du Sacré nous conduit inévitablement au religieux ou à ce qui se définit comme tel. Le religieux qui va plus tard s'opposer au profane, et qui le rencontrera, curieux couple que celui là.
Espace antique, celui de la Cité qui n'y inhumait pas ses morts.
Sacré : Ce lieu inaccessible, ce qui ne peut s'atteindre, s'obtenir… Désir ?
L'espace du Sacré est ce champ, cette parenthèse proposé par l'homme pour se reposer, se perdre, s'oublier, se ressourcer, se pardonner, s'échapper, se mettre à la marge… De lui même.
Il faut bien un ailleurs, mais un ailleurs ailleurs des autres ailleurs, un ailleurs où seuls les initiés ont le code, le mot de passe pour pouvoir passer et peut-être faire passer.
Le lieu du Sacré devient alors pluriel; ce là où personne ne tente, à moins d'y être invité, d'entrer, pas même pour y demander l'asile. Pour y implorer la paix ?
Il y a comme une puissance, telle qu'il y a confusion avec le divin. Cet intouchable là, inaltérable auquel on ne touche pas, on ne s'attaque pas. Enfreindre cette règle est une transgression terrible, un sacrilège, une profanation, un crime.
 Au delà des limites, mais lesquelles ?  Une impression de dépassement, de soi, et de la conscience de soi, le mystère de l'inconnu, ce trou noir, continent obscur et lieu des fantasmes, forces naturelles ou surnaturelles, l'homme n'en sait rien mais maintient le mystère, celui qui parfois lui confère le pouvoir, la croyance d'être au delà du profane, ver de terre, commun des mortels qu'il terrifie ou gouverne, à moins que ce ne soit les deux, ce qui n'est pas rare
Le limes entre le sacré et le profane est lui aussi un territoire sombre, presque obscur, mais si on fait attention on peut apercevoir un peu de lumière, on peut rebrousser chemin.
Le lieu du Sacré consacré sacré par les Hommes qui y ont vu un dieu, ou une ombre, la lumière du matin que le soir éteint peut-être ? Pas tout à fait.
Le Sacré est en chacun sûrement s'il sait le voir ? S'il le prend et ne l'abandonne pas à ceux qui se proclament savant, sachant, d'une quelconque science dont seuls ils seraient dépositaires.
Le Sacré et le Profane peuvent alors se rencontrer, peuvent dialoguer un court instant. L'un et l'autre. L'un est l'autre ? Alors que le Sacré est justement la séparation entre ces espaces, l'un ordinaire et l'autre extra ordinaire ? Hors champ ? Mais de quel champ parlons nous ? Le Sacré doit-il venir à la rencontre du Profane et non l'inverse ? Etre alors à l'origine de la rencontre, faire mentir les Hommes qui ont choisi ce Mur ? cette frontière, entre le visible et le non visible, car l'invisible existe t-il ? vraiment ou n'est-il lui aussi qu'une pure invention, une illusion, une promesse ?
Eliade l'oppose au Profane, serait-ce aussi simple ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
Crédit photo @brigittedusch

samedi 15 septembre 2018

E. Le parcours d'un enfant "différent".


Cela fait une bonne dizaine d'années maintenant que j'ai rencontré E. Il m'est adressé par un confrère formateur... Pour tenter de trouver une méthode, un peu d'aide...
"J'ai le ciboulot de travers, c'est le bordel dans ma tête, tout se mélange, j'en retiens que des bouts, des morceaux, des trucs qu'on m'a dit, mais à la fin, ça ne veut plus rien dire"
E est intelligent, il présente un retard scolaire, mais pas de retard cognitif, ni psychomoteur, ni ni.
C'est à l'école que ça ne va pas.
"Vu que je n'ai pas de trop mauvaises notes et que je suis gentil, on me laisse passer, c'est juste à chaque fois, car il y a des matières où je ne suis pas mauvais, mais j'ai du retard, des trucs pas compris"
- Ces trucs... Les bases ?
Oui, c'est ça, je mélange tout, il me manque les mots, le mode d'emploi, comme en anglais, je ne comprends pas les présents, les trucs en ing, ou pas.
Les trucs, des trucs...
Vous avez des trucs pour que je m'en souvienne ?
Des trucs encore
C'est quoi des trucs ?
........................
Le dialogue s'établit facilement, E est soutenu par sa famille, elle l'encourage, sa mère dit qu'l est intelligent mais qu'il ne comprend pas les choses de la même façon que les gens normaux, mais qu'il est normal.
Ce qui est vrai, si tant soit peu la normalité soit un concept fiable
A l'école ça passe plus ou moins, c'est un élève tranquille, qui ne se fait pas remarquer, et cela dépend des enseignants. Certains essaient de l'aider à combler ses lacunes, d'autres le traitent de débile.
Ce qu'il  n'est pas.
.........................................
Donc E est d'accord pour venir me voir, pour qu'ensemble on trouve des "trucs " pour l'aider, pour combler tous ces/ses manques.

Comprendre comment il comprend, comment il entend ce que l'autre a dit., ce que l'autre attend de lui. Très vite nous nous rendons compte qu'il y a quelque chose qui cloche, là, juste là, E entend parfaitement bien ce qui a été dit, mais ne restitue pas tout à fait, complétement, justement l'information. Je lui propose d'écrire la question, pour ensuite de reprendre tous les mots, lui demande ensuite ce que ces derniers signifient
-  "Vous voyez bien que tout est en vrac, vous me dites blanc et je comprends gris".
Il y a de ça… Aussi. Mais pas seulement. La difficulté de E ne réside pas seulement dans l'acception du vocabulaire qui est parfaite mais dans l'enchainement des mots, et tout se complique s'il s'agit par exemple d'une double négation où il est complétement perdu.
il lui faut remettre de l'ordre dans l'injonction  là où la question qui lui semble paradoxale.

Petit à petit nous inventons ces fameux trucs, les siens. On fabrique, on bricole, on ruse, on ajuste. E met en place au fur et à mesure toutes ces petites astuces afin de compenser ces "manques", de pallier.
"je traduis dans ma langue" dit-il en riant.
Et c'est tout à fait ça, il prend mot par mot, reformule puis s'assure que "ça veut bien dire ça".
Nous reprenons les bases de l'analyse logique, repérer le verbe, le sujet, j'explique comment faire avec les bases d'une grammaire "d'avant". Parallèlement sa maman met en place les aides spécifiques à la scolarité, certificats médicaux et bilan orthophonistes à l'appui. E va pouvoir enfin reprendre ses études et un parcours "normal", il bénéficie d'aménagements accordés par le médecin scolaire, tiers temps, ordinateur, etc.
E. passe son bac avec succès aux dernières nouvelles, il est engagé dans un parcours universitaire et obtient des résultats fort honorables.

Ce n'est pas un conte de fée, mais une histoire vraie et il y en a d'autres. Heureusement. Il faut s'accrocher, tant pour l'enfant, l'ado que pour les parents, il faut expliquer, ré expliquer, vaincre sa peur et sa honte aussi. C'est un parcours du combattant, semé d'embûches, il faut y croire, il faut faire en sorte que les autres y croient, se battre, convaincre, argumenter, soutenir l'image de soi, non ces enfants ne sont pas des feignasses, oui, ils ont leur place à l'école, non ce n'est pas à eux seulement de faire l'effort, oui, c'est aux enseignants d'aller vers eux, de ne pas les laisser au bord du chemin, non ils n'ont pas "décroché" oui, ils ne comprennent pas forcément toutes les consignes, non les profs n'ont pas toujours raison, oui, ils doivent revoir leurs positions, remettre en jeu leur savoir, leur acquis et leurs vérités pédagogiques pour inventer, créer etc.
Vous me direz : mais il faut du temps pour cela, des postes, des moyens, certes et vous auriez raison. Pourtant certains enseignants y parviennent et réussissent à faire lire un ouvrage classique à des élèves qui n'ont jamais lu quoi que ce soit, en les intéressant, en les captivant. Alors ?

E. Comme bien d'autres enfants, ados, jeunes et moins jeunes adultes souffre de dyslexie, non ça ne se guérit pas mais ça s'apprivoise. Pour ce faire il faut une rencontre (un tuteur de résilience comme on dit) il faut seulement être à l'écoute et ne pas juger l'élève, essayer de comprendre ce qui lui arrive et tenter de l'accompagner. Il existe aujourd'hui des aides, des solutions, des reconnaissances par la MDPH de ces troubles qui permettent aux jeunes de pallier et d'aller au delà de ce handicap, car c'est bien de cela dont il s'agit, ce bobo que personne ne voit, mais qui est hélas bel et bien là, qui entraine souvent un manque ou une perte d'estime de soi, un sentiment d'être nul et bon à rien, une dépression…  Non, ça ne se voit pas au premier regard, au contraire car ils savent souvent donner le change, et si leur 'fauteuil roulant est dans leur tête" il les empêche souvent d'avancer sur le chemin de la vie.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

samedi 1 septembre 2018

Il y a.... La Promesse

"On  peut promettre des actes mais non des sentiments" Nietzsche

Promesse : Que ce mot semble doux, il rime avec tendresse, avec caresse.
Mais ces rimes ne sont-elles pas seulement des promesses, illusions, espoir et espérance.

Il y a la Promesse, celle qu'on fait, celle qu'on tient, qu'on ne tient pas, celle qui nous a été faite, à laquelle on croit, qui est tenue et qui ne l'est pas.
une sorte de marché, de dupes, de non dupes, un mot comme ça dit au hasard de la conversation, au hasard de l'échange, quand les mots manquent, quand les mots ne sont plus que des promesses de promesses, car il faut en finir, mettre un terme, prendre du recul.

"Ne promets pas ce que tu ne pourras tenir"
Mais à quoi bon s'en souvenir, parfois pour s'en sortir, pour sortir de l'ornière on dirait n'importe quoi, du moment qu'on sauve sa peau, qu'on se sauve tout court. L'important est d'être sauf, demain est un autre jour
La promesse a alors un goût amer. Celui de la trahison.
Alors pourquoi ?
C'est un acte que de promettre ; un engagement terrible pour soi et pour l'autre, comme tout acte il engendre des conséquences, que celui qui promet ne mesure pas toujours, sous estime ou n'imagine pas. Car la promesse c'est donner maintenant pour demain, c'est prononcer des mots aujourd'hui pour un futur éventuellement possible, au cas où : mais quel cas ? où : quoi ?
C'est une avance sur un avenir inconnu, une promesse dans le vide du vide qu'on ne connait pas.
C'est assurer l'autre d'être là si. Beaucoup d'hypothèses, de possibles évènements qui n'arriveront peut-être jamais.
Il faut être sacrément sûr de soi pour avancer tels mots, tel engagement, car sommes nous sûrs d'être là, à soi même et pour l'autre ce jour là ? Qu'en savons nous aujourd'hui ? Faire preuve d'une telle toute puissance est grisant, mais terriblement fragile.  C'est aussi avoir foi en soi, en sa parole donnée, avoir le sens de l'éthique, de la morale (la sienne) et de l'honneur (le sien). Ne pas faillir !

Ca la promesse si elle n'est pas un serment au sens sartrien du terme ni même vraiment un engagement est un pari sur demain, la promesse de l'un à l'autre qui crée le lien, une sorte de contrat. C'est s'obliger envers l'avenir et l'autre : "Quoi qu'il arrive : je serai là" Mais "toi seras tu là" ?
Comment être sûr de ça ? De tout ça ?
Les promesses sont souvent de belles paroles, qui s'envolent dans le ciel et se perdent dans les nuages, le fruit de l'impermanence. Ce qui est vrai aujourd'hui le sera t-il demain ?
C'est croire en l'autre et en soi, c'est induire une attente, un espoir et une espérance, c'est pouvoir compter sur. C'est faire crédit. Sans jamais obtenir le remboursement peut-être ?
Alors la promesse nous emmène sur le long chemin de l'incertitude, de la certitude incertaine, du questionnement sans fin, de l'oubli, celui de l'être seul.
La parole donnée n'est pas un vain mot, ne dit pas ce que tu ne pourras pas, ne t'engage pas sur ce que tu ne pourras tenir. Sois prudent donc ?
Comment vivre alors ?
Et la sincérité ? "je t'aimerai toujours" " Je serai toujours là pour toi" "Je ne t'abandonnerai jamais" Mais comment être si sûr de ça ?
Que l'Homme parfois peut-être présomptueux, imbu de lui même arguant de sa toute puissance pour s'avancer en toute impunité et promettre la lune à un autre qui au fond il connait à peine ?
Que veut-il se prouver par là ?
C'est bien la question ?Est-ce une promesse en l'air, une parole qui n'engage que lui ou qu'attend t-il en retour ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 22 août 2018

La fin de l'exil : La fin du voyage.



"Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage"

Je ne suis pas certaine que ce voyage fut beau.
Ou que beau soit le bon mot.
Le mien ne le fut pas, ne l'est pas.
Ce n'est pas un voyage mais plutôt une errance, contrainte, subie et terriblement douloureuse
Quitter sa terre n'a rien de beau, de bon,  on peut tout au mieux considérer cela comme un apprentissage, une leçon, voire une expérience.
On peut tout au mieux en attendre l'issue ; celle ci ne va pas de soi. Pire elle n'entre pas forcément dans le champ des possible.
Partir, être rejeté, devoir quitter, abandonner ses racines, sa vie, son identité parfois n'est pas simple.

C'est. Une réalité. Le Réel qui s'impose ; on s'y cogne, on se débat, on s'insurge, on se bat, on est KO, on se relève, on s'écroule, encore, encore et encore… On s'accommode, pour ne pas mourir… Complétement.

Une errance toujours incertaine, ne plus être de quelque part, sans nul doute, devenir l'être de nulle part.
Errant nous sommes, se croire enraciné à une terre est une illusion, la pire des contrainte, une douce contrainte peut-être mais un lien toxique.
Etre sans attache, être seul au monde, est-ce la réalité, le réel auquel tout être humain est finalement confronté ? Le reste n'étant qu'un écran de fumée, un scénario et un film qu'il s'écrit pour que son passage sur la Terre ne reste pas vain ?
Pourquoi donc ce désir de laisser trace ? De se sentir faire partie de ? D'une terre, d'un pays ou d'un endroit dans celui ci ? D'une langue ? D'une histoire ?
Car au fond qui sommes nous vraiment ? Que faisons-nous ici ou ailleurs ? Qu'avons nous à faire ou à vivre ?
L'exil a parfois dans les yeux du poète ce côté romantique et nostalgique d'un paradis perdu qui n'était sans doute pas idyllique mais on se console comme on peut, c'est ce qui nous tient debout. L'heureux voyageur n'est somme toute qu'un douloureux exilé.

L'exil est d'être loin de ce qui nous est familier, tout comme Ulysse qui après une guerre qui n'est même pas la sienne, se perd à quelques kilomètres de sa terre, de son royaume et de son foyer, tellement proche qu'il en devient tellement loin ?
il y a dans ce mot toute l'acception des Anciens, la détresse, le malheur, le tourment… Oui, il y a tout ça… Et le bannissement. La relégation dans un ailleurs.

Ulysse banni des dieux pour avoir désobéi, déplu, puni pour les avoir défiés, condamné à errer sur un mer souvent déchainée, à vivre mille périples parfois effrayants. J'ai toujours aimé Ulysse, pas seulement pour son intelligence singulière, sa ruse et son sens particulier de la diplomatie, mais surtout pour son courage et son acharnement à ne jamais dévier de sa route. Suivre son chemin. C'est admirable non ? il y a chez lui une détermination à toute épreuve. Son exil est aussi intérieur. Mais est-ce cela ? L'exil n'est-il au fond qu'intérieur ? N'est-il qu'un cheminement vers soi ? Ne sommes-nous pas exilé à nous même ? Ce retrait est-il indispensable à la connaissance de soi ? L'exil ne serait-il pas une métaphore ?

Alors le retour à la Terre, à sa Terre et donc à soi pourra t-il se conclure par ces mots ?

"C'est de là que j'arrive à travers mille maux" ?*

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch


* Homère ; L'Odyssée

dimanche 15 juillet 2018

Il y a l'amertume


Amertume
Et il y a l'amertume

Il n'est pas aisé de définir ce nom commun, il en existe des synonymes bien sûr, mais suffisent-ils ? traduisent-ils vraiment l'éprouvé ? car seuls l'émotion, la perception, le ressenti nous parlent, nous causent ce sentiment qui cause si fort qu'on ne peut le faire taire.
Qui nous taraude.

L'amertume
Elle arrive comme ça, à pas de loup, sans vraiment prévenir, puis nous enveloppe comme une toile de fond, nous envahit et nous absorbe sans qu'on puisse dire vraiment ce qui arrive, Elle est. Elle est en nous, avec nous. C'est un parfum avec pour note de tête une amère tristesse, auquels se mêlent la déception, le découragement, le chagrin, la peine, l'aigreur, l'humiliation, le dépit, la rancœur, la desespérance, l'anenvie.

Mélancolie amère ; c'est une saveur étrange et singulière qui s'empare de nous et nous colle à la peau. Il faut avoir souffert, connu le chagrin et la douleur, avoir eu mal, très mal en soi, dans sa chair et dans son cœur, avoir eu tout ça, en avoir été imprégnés, et être, être encore debout, malgré tout.  Il faut aussi s'être tant bien que mal rafistolé,  pour en avoir un avant goût.

Il y a toujours néanmoins une ombre présente mais impalpable, fuyante : l'incompréhension, cet étrange sentiment d'injustice,de s'être fait trahir, instrumentalisé, violenté. De ne pas avoir mérité...
Mais mérité quoi ?
Qui mérite de souffrir ? Qui mérite d'être humilié, abandonné, lâché, laissé, rejeté, ou pire oublié ?

C'est un sentiment terrible, un a namour, un dés amour, un non amour. Il y a l'échec de n'avoir pas su, pas pu susciter l'amour, l'admiration, de ne pas exister pour l'autre. Mais quel autre ?
Celui qui justement est la cause ? En est la cause, la cause de ce mal être qui traine et se traine en nous ? L'amertume ? Cette vague qui monte et descend sans toutefois nous emporter, qui laisse ses traces sur le sable, qui se brise sur le rocher coupant et sanglant et nous laisse seul face au désarroi et face à notre souffrance, celle qu'on se crée de toute pièce, qu'on assemble, qu'on bricole et cultive car elle est notre seule raison de vivre, la seule preuve de notre existence au monde.
Nous sommes le débris de la vague, ce "rapporté", laissé, abandonné sur le sable, ce qui reste.
Reliquat, reliquus, reliqua.

Parce que l'amertume c'est ce qui reste, ce qui teste après la souffrance, l'incompréhension de celle ci, l'amer qui est là malgré tout alors même qu'on pense s'en être sorti à moindre frais, sans être trop amoché, mais s'il n'y a plus ce quelque chose qui coince il y a ce quelque chose qui traine, cette langueur inexplicable, ce mal à être à l'autre et au monde, ce découragement acre et amer, cette confusion des sens qui brule les lèvres et le cœur, il y a quelque chose qui consume l'être dans son altérité et sa singularité, un parfum de chrysanthème ensorcelé, l'inespérance d'une quelconque illusion s'il y en avait encore un mince soupçon.
Brume écume, tristesse et saveur amère, goût de fiel sans détour au hasard du chemin de la colère et de la révolte, poison violent et singulier qui s'infiltre et coule dans les veines et devient pesant, mais il est si difficile de s'en défaire, de s'en purger.
Il faut avoir souffert, trop souffert peut-être, il en reste un sentiment indescriptible d'abandon de soi mais de rebellion contre ce même soi et l'autre, une colère contre ce "Je" qui n'a pas su dire non, se battre et s'affirmer, ce "Je" qui s'est laissé défaire, sans avoir combattu jusqu'au bout, mais qui cependant ne veut pas rendre les armes.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
crédit photo @brigittedusch

vendredi 6 juillet 2018

La désespérance.


Il y a le mal, la douleur, la souffrance, le déchirement, le chagrin, la peine, les pleurs
Il y a ces moments où l'on croit que seule la Mort pourra nous délivrer de tout ça, car la vie est devenue un fardeau, un poids qu'on ne peut plus porter.
Il y a le sommeil, qui ne vient pas, qui ne vient plus, qui est absent, qui nous laisse là, seul face à nous même, aux tourmentes et aux angoisses qui ont pris possession de notre être.
Envahis.
Il y a l'agonie, lente, terrible, pesante, lourde.
Désespérance.
Etre ; un être habité par la douleur, par la tragédie,  la solitude et le désarroi, sans nul remède
Il y a le désir, qui s'est fait la malle, car on a trop mal, tellement mal que le désir n'est plus que celui de la Mort, le soulagement final, le terme, la fin, celle qui viendra à bout de tout ça. Enfin.
Ce "ça" : ces mots qui n'existent pas pour le dire, pour le décrire, car c'est l'impensé et l'impensable, l'invivable, la marque du Destin, ce mot dit qui s'acharne à détruire, ruiner l'être, l'essence, le devenir. La douleur qui submerge, la perte. Celle de l'autre, de l'amant, de la maitresse, le l'aimé, de l'enfant, de… Celui ou celle dont on attendait de l'amour, de l'affection, des sentiments, des mots et qui aujourd'hui ne nous donne plus que des maux !
On a beau raisonner ; se dire que l'autre n'est pas responsable, que son abandon et son rejet n'est en rien la cause du mal que "ça" nous fait, mais rien n'y fait !
Nuit sombre, noire, et obscure, sans lune et sans étoile.
Il n'y a plus rien que sa peine, sa douleur, son déchirement.
En attendant sa Mort.
On se voit se consumer, se bouffer de l'intérieur, le cœur est déchiré, rongé, écartelé, puis vient le tour de l'âme, elle s'abîme, se flétrit, se rétrécit. Rien, vide.
"ça' fait mal". La douleur est incidieuse, elle se répand, c'est un cancer, elle s'adapte, à tout, à nos efforts, aux médicaments, elle trouve une parade et s'infiltre. Malgré tout, parfois, une étincelle, bien mince, et n se croit rétabli, on se croit plus fort, on se croit guéri, ou presque, on se dit "ça" va aller… Et puis au hasard d'un moment ! la douleur, le pincememt, on s'écroule, les larmes. On ne peut plus les retenir et on s'effondre n'importe où n'importe comment, plus aucune tenue, retenue, on lâche; on se lâche, on laisse aller, on se laisse aller, on se laisse couler, entrainé par le tourbillon jusqu'au fond du trou, du gouffre, de l'abîme.
Submergé ! Assassiné par les vagues, par ce tsunami ravageur et meurtrier.
On laisse aller, plus d'autre choix, au creux de la vague qui porte, ou pas, qui emporte loin du rivage, nager est devenu impossible, inutile; à quoi bon ? La Mort est peut-être au bout du chemin, issue tant espérée. On ne deviendra pas vieux et c'est déjà "ça" encore lui.
Attente, attendre ? Mais quoi ?
C'est alors qu'on n'attend plus rien, plus personne. Il n'y a rien à attendre.
Comprendre "ça". Enfin ? Peut-être ?
Est-ce "ça" l'inespérance ? Cette façon d'être à la non attente, au non espoir ? Cette façon d'être au monde, pour être à nouveau au monde.
Une autre naissance ? Une autre manière d'être aussi à soi, sans les autres? L'inespérance, ce qui succède à la désespérance ?


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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