Psychanalyse Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 22 novembre 2018

C'est un long cortège noir




C'est un long cortège noir
Dans la pénombre de la rue
Une pâle lueur reflète des visages
Figés, meurtris et dignes
C'est un long cortège noir
Une marche funèbre
Sans un bruit, sans un sanglot
Celui ci étouffé par le silence
Lourd et pesant
Du désespoir
C'est un long cortège noir

Celui des femmes en deuil
Maigres fantômes dans la nuit
De leur peine et leur chagrin
Ombres sortant des ténèbres
De ces années de ruines et de misères
C'est un long cortège noir
Qui s'avance sous un ciel gris
Un ciel déchiré, écartelé, en éclats
D'obus et de fumées.
C'est un cortège noir
Funeste et tragique
Pour elles la vie n'est plus qu'un cri
Un cri terrible bravant le ciel jusqu'aux Enfers.
C'est un long cortège noir.
~ ~ ~ ~ ~...…………… ~ 

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne "Des Hommes et des Mots"
crédit photo @brigittedusch

mercredi 14 novembre 2018

Les Filles de Novembre


Les Filles de Novembre se lèvent en hurlant
C'est un long cri de guerre
Un horrible gémissement,
Un cri profond et stridant qui s'élève au vent.

Au vent qui emporte leurs plaintes vers un ciel brulant,
Au vent qui  a emporté leurs Hommes
Leur mari, leur frère, leur père, leur amant

Les Filles de Novembre ont les yeux plein de larmes
Le coeur plein de colère,
L'äme toute à sa peine

Un sacrifice qui n'en valaient pas la peine

Les Filles de Novembre ont tenu et attendu
Des lettres, des bribes et des mots, des instants
Des nouvelles de ceux partis au loin,
Loin d'elle, des enfants, de leur terre et de leur lit

Les Filles de Novembre sont restées au Pays
Fébriles sans un mot, redoutant la terrible visite
La peur et la mort chevillées au corps
Elles ont avancées, dans la poussière, les ruines, la faim et la mort,
Combien de plaintes, de souffrances et de chagrin ?

Les Filles de Novembre
Sont restées debout
Malgré tout.
Aujourd'hui tout est fini
Mais plus jamais rien ne sera comme avant

Les Filles de Novembre
Seront toujours, veuves, orphelines et seules
Les éclats d'obus ont emportés à tout jamais
L'espoir d'un amour arraché pour toujours

Certaines seront veuves
Ne se remarieront jamais
D'autres attendront le retour d'un disparu
Il y a celles qui partent retrouver une trace,
Celle de celui qui n'est pas encore revenu,
Certaines pour oublier prendront un mari, fonderont une famille
Après tout il faut bien vivre
D'autres chanceuses retrouveront celui parti la fleur au fusil
Mais rien ne sera plus comme avant
La gueule ou le cœur cassé,
A tout jamais ces Hommes seront meurtris
Jamais ils ne pourront oublier l'horreur et la barbarie
Pourtant il faut bien vivre !

Alors les Filles de Novembre vont à nouveau pleurer
Vont à nouveau aimer, mais à quel prix
La guerre est une connerie, les femmes et les hommes devraient s'aimer, devraient pouvoir danser sur la place du village pendant le mois de Mai, commencer la moisson au mois de Juillet sans que le tocsin ne vienne les enlever.

A toutes les Filles de Novembre, mes mères et mes sœurs, de misère mais aussi de bonheur
Pour qu'on ne vous oublie pas, nous sommes votre mémoire.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne "Des hommes et des Mots"
Crédit photo @brigittedusch
.

dimanche 28 octobre 2018

"Voyage au coeur de l'absence"




Voyage au cœur de l'absence
Voyage au delà de l'absence qui rend l'absent présent, vivant, présent au cœur et en son cœur peut-être

Fermer les yeux et ne plus penser, se laisser seulement porter
Et le voir danser là ; tout devant soi
Le voir venir tout doucement, nous murmurer que malgré le temps, malgré le vent, il nous aime
Rendre alors l'absence tenable, possible ou presque, supportable un peu.
Attendre : l'attente possible, tenable un peu, supportable ou presque.
Absence, attente, tout se tient, tout ne tient qu'à un fil
Celui de croire. Mais croire en qui ?
Croire, en soi, en l'autre
Attendre alors
Attendre encore un peu ?
Alors ?
Douce Absence, 
Ravissement de l'instant

Brigitte Dusch, Historienne, psychanalyste in Lettres à Gustave
Crédit Photo @brigittedusch

mardi 23 octobre 2018

Er und Sie une Histoire singulière.


… "er würde ihr damals nicht wie ein Teufel erschienen sein, wenn er ihr nicht, bei seiner ersten Erscheinung, wie ein Engel vorgekommen wäre." *

Es sagt :

"Es war eine andere Velt"

Sie sagt :
"Es war…. "
Es war einmal ?

Ce n'est pas un conte, ni de fées ni de sorcières, même s'il y a des fantômes, des ombres qui rodent, toujours, c'est seulement une histoire, une histoire vraie, qui s'est passée,  dans un monde vrai, bien réel, mais qui n'existe plus, ou seulement dans la mémoire de quelques uns, dans un espace temps qui a été mais qui n'est plus.

Sie Sagt :
"Si je m'en souviens ! Nul doute, mais comment ? Je ne saurai dire exactement, il y a longtemps, si longtemps, c'est un peu flou. Il y a eu la rencontre, une rencontre entre lui et moi. Par hasard ? (elle sourit) je n'en sais rien, car de hasard il n'y avait pas, alors ? Rencontre il y eut. Il y eut des regards, un échange, celui où l'un jauge l'autre, sait que cet autre va jouer un rôle sans trop savoir lequel… Mais qu'il va se passer quelque chose, ça oui. "

Er sagt :
"Si je me souviens d'elle ? bien sûr, on n'oublie pas, pas une rencontre comme ça, je revois bien la scène, comme si c'était aujourd'hui. Heute."

Sie sagt
"Un regard, je me souviens, les yeux ça parle, ça ne ment pas vraiment, un regard singulier, qui pouvait être inquiétant aussi, il y avait quelque chose dans son regard qui m'intriguait, me faisait peur, et m'attirait, ah ce regard !"

Er sagt
"Il fallait que je sache, que je  lui parle, elle ne serait pas venu, alors je suis allé à sa rencontre" il sourit et il rit "ce passé me semble si présent, une rencontre puis une autre, un jeu, die Katze und die Mause…"

Sie sagt
"Je n'osais pas l'aborder, il m'impressionnait, et il était beau, c'est sûr, j'ai attendu, je l'ai regardé, je savais qu'il viendrait, qu'il ferait les premiers pas. Et c'est là que tout à commencé sans jamais vraiment cesser : Un jeu, un jeu à deux, une partie de cache cache, le chat et la souris tantôt l'un tantôt l'autre, personne n'était dupe, mais ça nous amusait je crois, nous n'en n'avons jamais rien dit, mais nous le savions "

Et puis Kleist, Kleist est venu, s'est invité. Entre eux il y eut Kleist

Er sagt
"Une danse, qui la menait ? Je ne sais plus vraiment, normalement c'était mon rôle, un jeu surtout, je suis là, je n'y suis plus, cherche moi… Le cache-cache (il rit) Elle était plutôt le chat, toujours sur ses gardes, méfiante, elle ne se confiait pas, prudente, timide, j'étais sa souris (éclat de rire) je crois que j'ai aimé ça : la laisser être le chat), une autre époque, nous étions jeunes, jeunes et beaux, si jeune et belle…(il sourit)"

Sie
sagt
"Micha me disait de faire attention qu'il y avait du danger, il ne l'aimait pas, il n'aimait pas ces rencontres là, mais il se méfiait de tout et n'aimait que peu de monde. Méfiant. Et puis c'était plus fort que moi, j'aimais ça, cette partie d'échec, on avance les pions, on prend le temps.  Personne ne baissait la garde, il n'y a jamais eu ni vaincu ni vainqueur le chat n'a jamais mangé la souris (elle rit) ce n'était pas le but du jeu"

Er sagt :
"Je n'oublierai jamais, j'y pense souvent,  maintenant ce sont de vieilles histoires, mais celle ci est belle, malgré tout, car le jeu était truqué dés le début, elle savait ça aussi, je pense, mais qu'importe, c'est du temps volé, volé à la vie, et ce n'est pas rien, un peu de légèreté aussi, de la poésie ; Die Sehnsucht, rare, si rare ; si improbable


"Das Misstraum ist die schwarze sucht der Seele
Und alles, Auch das Schuldlos-Reine, zieht
Fürs kranke Aug die Tracht der Hölle an"

Il sourit.

Sie Sagt :
"Il a fallu partir, je me souviens, ces escaliers, pour dire aurevoir, adieu peut-être, il n'y avait personne, laisser un mot, partir sans rien dire. Depuis je n'ai plus jamais aimé partir, les gares, les trains, tout ça, laisser."

Er sagt :
"je n'ai jamais su dire aurevoir, il n'y a pas d'adieu, aufwiedersehn un jour peut-être ? C'est si loin, Gestern, Heute, Morgen ; le temps n'existe pas"

Sie sagt
"Il y a eu le silence, un long silence, puis son nom dans les journaux, des fois, lire, savoir, entendre, ah ! il était brillant il aimait la lumière, même dans l'ombre (elle rit)"

 Er sagt 
"J'aurai pu savoir, bien sûr… Mais le silence, pas de regret, telle est la vie, C'est ma vie. J'ai pris des nouvelles, après, elle ne l'a jamais su, je pense, mais je devais savoir, j'aimais la savoir heureuse"

 .Sie Sagt
"Il fut et sera toujours mon Prince de Hombourg (et dans un éclat de rire "avec ou sans sa chemise blanche".

Une histoire, banale somme toute, celle de deux êtres pas vraiment faits pour se rencontrer, dans un monde où on ne se rencontre pas vraiment, deux êtres qui ont joué, joué à se rencontrer, à se voir, à s'aimer peut-être d'une singulière manière, à se méfier, à se respecter, à se protéger, à... Une histoire comme il y en a sûrement d'autres, celles ci est singulière, car elle reste gravée dans leurs mémoire, des années plus tard, sans le savoir, ils ont témoignés, il y avait dans leur regard la même lueur, le même éclat. Aucun regret, seulement le bonheur et la chance d'avoir vécu ça, cette parenthèse dans les ténèbres, celles d'un monde clos… Ils ne se sont jamais vraiment quittés, la pensée reste un lien, si toute leur vie ils se sont intéressés chacun à la vie des autres, ce ne fut pas de la même manière, ni pour les mêmes raisons.

Pour H. K. il y a longtemps.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste. (Mémoires d'un Ailleurs )
Crédit photo @brigittedusch (collection privée) DDR


Heinrich von Kleist, die Marquise von O., épilogue

mardi 9 octobre 2018

Entendre l'inentendable ?


Comment entendre l'inentendable ? 

Qu'est ce que l'in entendable, ce qui ne peut donc s'entendre, qui fait effraction à l'entendement ?
Effract
ion, dépasser, franchir le cadre admis, toléré par l'espace de la société, violer la loi, les codes, transgresser. Les tabous et les interdits.

On pourrait penser qu'il existe deux mondes, clivés, celui du bien celui du mal, entre les deux, une dead line, une zone de transit, un check point.. On peut passer un peu, pas trop de l'autre côté celui un peu gris, mais pas tout à fait obscur, car il est facile d'en revenir, un petit tour de l'autre côté de la frontière pour se donner quelques frissons, sentir l'adrénaline, puis retour à la norme, car rien de bien méchant de griller un feu rouge !

Pourtant !
Ce terr
itoire est bien l'espace où se déroulent l'indicible et l'inentendable où se posent les actes in nomables
Un terr
itoire, un monde de transgression, où celle ci est devenue la règle, où elle est la Loi, où justement la Loi n'est plus, plus la même.
Espace sombre des dél
inquances, de la violence, de l'agression, du crime.
Espace de ceux qu
i posent ces actes.
Une sorte de no man's land, de l
ieu qui interpelle, qui fascine aussi peut-être car là se jouent des jeux interdits. Là, s'explorent et se mettent en acte l'objet fantasmatique, ce fantasme qui prend forme et s'anime. Là d'où on ne ressort pas indemne si toutefois on en ressort.
Car ? Est-ce un aller simple ? Existe t-il un billet pour le retour ?
Prend-on un "titre de transport" pour se rendre en ce lieu là, ou bien y arrive t-on par hasard, au hasard d'une rencontre, pas si bonne que ça ou tout à fait mauvaise, s'y enlise t-on ? Marais obscur, sables mouvants, caverne sombre, lieu de ténébres ? Mais l'interdit ne se cache t-il pas sous les lumières, en plein jour ? Aussi ?

 L'inententable, l'impensable trouvent-ils origine dans cet espace de transition, cette sorte d'entre deux monde qui ne dit pas vraiment son nom ?
Et quid de celui qui après y avoir séjourné veut en sortir, s'en trouve extrait, exclu et tente de renouer, re tisser des liens ravauder ce qui reste du filet qui le maintien avec le "monde", celui qui est dicible ou du moins ce dit comme tel ?
Quid de ses actes à ce sujet là, car il y a lui, le sujet, l'auteur, l'acteur, et ses actes, ce qu'il a fait, ce qu'il a commis ? Ce qui l'a amené en cette deadzone, car il a franchi la deadline ?

Comment et que faire de ces mots qui expliquent, voire qui excusent le crime, les crimes, les actes irraisonnables, qui défient l'entendement ?
Transgression des interdits, ceux qu'on appelle fondamentaux car ils sont le socle de la société, ils en forment le cadre et pourtant ?
Alors comment faire ?
Où cette parole peut-elle se dire, se déposer, dans quelle mesure ?
Qui et comment peut non seulement l'entendre mais lui donner du sens. Et quel sens ? Pour qui ?
Qu'est ce que l'in entendable ? Quels sont ces mots qui servent à nommer l'horreur, les tragédies qui font la une des journaux ? Dont les médias se repaissent pour faire des agresseurs des monstres, ceux la même qui sont montrés à voir pour être cloués au pilori.
De ces actes dont les coupables, les agresseurs rendent compte devant des juges, dans cet espace qu'est le tribunal, qui jugera en fonction de la justice des hommes, celle là même qui fait que le cadre est le cadre, qui définit les limites de ce qui se fait ou non, du bien et du mal
Car nous y revoilà encore.
Interdits. Transgression.
Il y a les délits, les violences et les crimes, les Codes de Justice classifient, définissent.
Les agresseurs, coupables présumés sont jugés, puis condamnés. Une peine leur est infligée. Prison, amendes, sursis ou non.. Dommages, réparations.
Il existe tout un lexique approprié.
Et puis.
Et après ?
Comment vivre après, pour la victime, traumatisée, choquée, dont la vie est brisée...
Comment vivre après, pour l'agresseur, condamné , qui a purgé sa peine...
Comment ?
Victime/agresseur. Agresseur/victime ? Une rencontre ? Peut-on parler de rencontre alors ? Comment définir ce moment qui ne peut être mis en mots mais qui pourtant a été mis en actes ?
Comment en parler ? Comment et pourquoi ?
Comment répondre de crimes ? Répondre ? Reconnaitre ? Comparaître
Interrogations et mots pour ces maux, ces tragédies dont personne ne sort indemnes. Dont les victimes sont directes et collatérales, elles portent à tout jamais la trace indélébiles, une plaie qui ne cicatrise jamais complétement, durablement, qui peut craquer à chaque instant.
Il est bien difficile de dire. Il est bien difficile d'écrire. Les circonstances et l'actualité en sont un exemple tragique chaque jour. La violence de l'impensé et de l'impensable qui nous est infligée nous laisse parfois aller à penser au delà de l'imaginable.
Comment survivre pour pouvoir vivre ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

samedi 22 septembre 2018

Le Sacré et le Profane 2



L'espace du Sacré

Lieu privilégié, espace singulier, il n'est pas à proprement parlé l'espace sacré, ce "du" étant lui même le marqueur temporel mais aussi sémantique de la représentation symbolique qui s'y attache.
Il peut l'être mais pas forcément
Espace consacré au... A ce que l'homme considère comme tel, comme sacré. Résultat alors une fois encore de la main de l'homme et non intervention divine comme l'homme, misérable sujet humain voudrait et veut toujours le faire croire.
Le divin n'est que la divinisation et la sacralisation d'un champ délimité appartenant à l'homme.
Alors ? Qu'est ce qui en fait le Sacré, qu'est ce qui en donne le caractère sacré ?
Mystification ou mystère ? Ou les deux.
Le sacré permettant de justifier et d'expliquer le profane, espaces qui se cotoient mais ne se rencontrent pas. Y a t-il un "no man's land".. Une sorte de charnière, de sas permettant l'interface
Ou bien ?
Perméable ? Imperméable ?
Zone impénétrable à celui qui n'en possède pas la clé ? Mais cette clé existe t-elle ?
L'espace du Sacré nous conduit inévitablement au religieux ou à ce qui se définit comme tel. Le religieux qui va plus tard s'opposer au profane, et qui le rencontrera, curieux couple que celui là.
Espace antique, celui de la Cité qui n'y inhumait pas ses morts.
Sacré : Ce lieu inaccessible, ce qui ne peut s'atteindre, s'obtenir… Désir ?
L'espace du Sacré est ce champ, cette parenthèse proposé par l'homme pour se reposer, se perdre, s'oublier, se ressourcer, se pardonner, s'échapper, se mettre à la marge… De lui même.
Il faut bien un ailleurs, mais un ailleurs ailleurs des autres ailleurs, un ailleurs où seuls les initiés ont le code, le mot de passe pour pouvoir passer et peut-être faire passer.
Le lieu du Sacré devient alors pluriel; ce là où personne ne tente, à moins d'y être invité, d'entrer, pas même pour y demander l'asile. Pour y implorer la paix ?
Il y a comme une puissance, telle qu'il y a confusion avec le divin. Cet intouchable là, inaltérable auquel on ne touche pas, on ne s'attaque pas. Enfreindre cette règle est une transgression terrible, un sacrilège, une profanation, un crime.
 Au delà des limites, mais lesquelles ?  Une impression de dépassement, de soi, et de la conscience de soi, le mystère de l'inconnu, ce trou noir, continent obscur et lieu des fantasmes, forces naturelles ou surnaturelles, l'homme n'en sait rien mais maintient le mystère, celui qui parfois lui confère le pouvoir, la croyance d'être au delà du profane, ver de terre, commun des mortels qu'il terrifie ou gouverne, à moins que ce ne soit les deux, ce qui n'est pas rare
Le limes entre le sacré et le profane est lui aussi un territoire sombre, presque obscur, mais si on fait attention on peut apercevoir un peu de lumière, on peut rebrousser chemin.
Le lieu du Sacré consacré sacré par les Hommes qui y ont vu un dieu, ou une ombre, la lumière du matin que le soir éteint peut-être ? Pas tout à fait.
Le Sacré est en chacun sûrement s'il sait le voir ? S'il le prend et ne l'abandonne pas à ceux qui se proclament savant, sachant, d'une quelconque science dont seuls ils seraient dépositaires.
Le Sacré et le Profane peuvent alors se rencontrer, peuvent dialoguer un court instant. L'un et l'autre. L'un est l'autre ? Alors que le Sacré est justement la séparation entre ces espaces, l'un ordinaire et l'autre extra ordinaire ? Hors champ ? Mais de quel champ parlons nous ? Le Sacré doit-il venir à la rencontre du Profane et non l'inverse ? Etre alors à l'origine de la rencontre, faire mentir les Hommes qui ont choisi ce Mur ? cette frontière, entre le visible et le non visible, car l'invisible existe t-il ? vraiment ou n'est-il lui aussi qu'une pure invention, une illusion, une promesse ?
Eliade l'oppose au Profane, serait-ce aussi simple ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
Crédit photo @brigittedusch

samedi 15 septembre 2018

E. Le parcours d'un enfant "différent".


Cela fait une bonne dizaine d'années maintenant que j'ai rencontré E. Il m'est adressé par un confrère formateur... Pour tenter de trouver une méthode, un peu d'aide...
"J'ai le ciboulot de travers, c'est le bordel dans ma tête, tout se mélange, j'en retiens que des bouts, des morceaux, des trucs qu'on m'a dit, mais à la fin, ça ne veut plus rien dire"
E est intelligent, il présente un retard scolaire, mais pas de retard cognitif, ni psychomoteur, ni ni.
C'est à l'école que ça ne va pas.
"Vu que je n'ai pas de trop mauvaises notes et que je suis gentil, on me laisse passer, c'est juste à chaque fois, car il y a des matières où je ne suis pas mauvais, mais j'ai du retard, des trucs pas compris"
- Ces trucs... Les bases ?
Oui, c'est ça, je mélange tout, il me manque les mots, le mode d'emploi, comme en anglais, je ne comprends pas les présents, les trucs en ing, ou pas.
Les trucs, des trucs...
Vous avez des trucs pour que je m'en souvienne ?
Des trucs encore
C'est quoi des trucs ?
........................
Le dialogue s'établit facilement, E est soutenu par sa famille, elle l'encourage, sa mère dit qu'l est intelligent mais qu'il ne comprend pas les choses de la même façon que les gens normaux, mais qu'il est normal.
Ce qui est vrai, si tant soit peu la normalité soit un concept fiable
A l'école ça passe plus ou moins, c'est un élève tranquille, qui ne se fait pas remarquer, et cela dépend des enseignants. Certains essaient de l'aider à combler ses lacunes, d'autres le traitent de débile.
Ce qu'il  n'est pas.
.........................................
Donc E est d'accord pour venir me voir, pour qu'ensemble on trouve des "trucs " pour l'aider, pour combler tous ces/ses manques.

Comprendre comment il comprend, comment il entend ce que l'autre a dit., ce que l'autre attend de lui. Très vite nous nous rendons compte qu'il y a quelque chose qui cloche, là, juste là, E entend parfaitement bien ce qui a été dit, mais ne restitue pas tout à fait, complétement, justement l'information. Je lui propose d'écrire la question, pour ensuite de reprendre tous les mots, lui demande ensuite ce que ces derniers signifient
-  "Vous voyez bien que tout est en vrac, vous me dites blanc et je comprends gris".
Il y a de ça… Aussi. Mais pas seulement. La difficulté de E ne réside pas seulement dans l'acception du vocabulaire qui est parfaite mais dans l'enchainement des mots, et tout se complique s'il s'agit par exemple d'une double négation où il est complétement perdu.
il lui faut remettre de l'ordre dans l'injonction  là où la question qui lui semble paradoxale.

Petit à petit nous inventons ces fameux trucs, les siens. On fabrique, on bricole, on ruse, on ajuste. E met en place au fur et à mesure toutes ces petites astuces afin de compenser ces "manques", de pallier.
"je traduis dans ma langue" dit-il en riant.
Et c'est tout à fait ça, il prend mot par mot, reformule puis s'assure que "ça veut bien dire ça".
Nous reprenons les bases de l'analyse logique, repérer le verbe, le sujet, j'explique comment faire avec les bases d'une grammaire "d'avant". Parallèlement sa maman met en place les aides spécifiques à la scolarité, certificats médicaux et bilan orthophonistes à l'appui. E va pouvoir enfin reprendre ses études et un parcours "normal", il bénéficie d'aménagements accordés par le médecin scolaire, tiers temps, ordinateur, etc.
E. passe son bac avec succès aux dernières nouvelles, il est engagé dans un parcours universitaire et obtient des résultats fort honorables.

Ce n'est pas un conte de fée, mais une histoire vraie et il y en a d'autres. Heureusement. Il faut s'accrocher, tant pour l'enfant, l'ado que pour les parents, il faut expliquer, ré expliquer, vaincre sa peur et sa honte aussi. C'est un parcours du combattant, semé d'embûches, il faut y croire, il faut faire en sorte que les autres y croient, se battre, convaincre, argumenter, soutenir l'image de soi, non ces enfants ne sont pas des feignasses, oui, ils ont leur place à l'école, non ce n'est pas à eux seulement de faire l'effort, oui, c'est aux enseignants d'aller vers eux, de ne pas les laisser au bord du chemin, non ils n'ont pas "décroché" oui, ils ne comprennent pas forcément toutes les consignes, non les profs n'ont pas toujours raison, oui, ils doivent revoir leurs positions, remettre en jeu leur savoir, leur acquis et leurs vérités pédagogiques pour inventer, créer etc.
Vous me direz : mais il faut du temps pour cela, des postes, des moyens, certes et vous auriez raison. Pourtant certains enseignants y parviennent et réussissent à faire lire un ouvrage classique à des élèves qui n'ont jamais lu quoi que ce soit, en les intéressant, en les captivant. Alors ?

E. Comme bien d'autres enfants, ados, jeunes et moins jeunes adultes souffre de dyslexie, non ça ne se guérit pas mais ça s'apprivoise. Pour ce faire il faut une rencontre (un tuteur de résilience comme on dit) il faut seulement être à l'écoute et ne pas juger l'élève, essayer de comprendre ce qui lui arrive et tenter de l'accompagner. Il existe aujourd'hui des aides, des solutions, des reconnaissances par la MDPH de ces troubles qui permettent aux jeunes de pallier et d'aller au delà de ce handicap, car c'est bien de cela dont il s'agit, ce bobo que personne ne voit, mais qui est hélas bel et bien là, qui entraine souvent un manque ou une perte d'estime de soi, un sentiment d'être nul et bon à rien, une dépression…  Non, ça ne se voit pas au premier regard, au contraire car ils savent souvent donner le change, et si leur 'fauteuil roulant est dans leur tête" il les empêche souvent d'avancer sur le chemin de la vie.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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