Psychanalyse Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 30 août 2025

Eloul l'entre deux temps.


Eloul est un temps particulier pour moi, un mois important, il est le mois de ma naissance, mais plus encore D. fait bien les choses et c'est peut-être pour cela qu'il m'a fait advenir au monde à ce moment de l'année le dernier


Eloul est en effet le dernier mois de notre année, il précède Roch Hachana et Kippour. Ce temps singulier est profondément lié à l'expérience de l'incomplétude.
La nôtre, celle du sujet humain. 

C'est en effet un temps d'attente, et de préparation 

Ainsi Eloul n'est ni la fin
Ni le commencement
Il se tient au seuil, fragile, discret, comme une respiration entre deux mots
Un souffle
L'année s'efface, l'autre ne nous est pas encore donnée
C'est un espace suspendu
Entre deux temps

Nous découvrons avec émerveillement la Vérité
La Nôtre, celle de tout sujet humain
Nous sommes inachevés

Eloul nous enseigne
Il nous apprend à habiter l'incomplétude
A reconnaitre que nous avons manqué, failli, oublié
Mais ce manque n'est pas un vide qui condamne
Il est l'ouverture
Celle où peut passer l'infini
Là où la faille se creuse
La prière s'élève
Là où la brisure se dit
Le désir prend feu

On raconte que le "Roi est dans les champs"
Non sur un trône inaccessible
Mais présent, proche de ses enfants
Au milieu de la poussière et des hautes herbes
Il vient à notre incomplétude
Pour nous dire
"Ce n'est pas la perfection que je cherche mais ton retour"

Eloul est cet "entre-deux" 
Ce temps asymptômatique
Où l'on marche sans jamais toucher le point
On s'avance pas à pas
Avec nos manques et nos fissures
Nos désirs inachevés
Et c'est cela même qui fait vivre la Rencontre
Si nous étions complets
Il n'y aurait plus d'élan
Plus d'attente
Plus d'amour

Eloul est l'entre deux
Où l'incomplétude se transforme en chemin
Un mois de souffle et de seuil 
Où le manque devient promesse

L'incomplétude c'est l'impossibilité d'atteindre une perfection définitive. Eloul n'est pas un but en soi, mais un chemin vers les "Jours Redoutables". Semblable à une approche asymptomatique car on ne touche pas le bout, mais on s'en rapproche par élans successifs.

C'est un temps qui fait de l'incomplétude non une faiblesse mais une force et surtout une dynamique. 

Eloul enseigne que c'est le manque qui garde vivant le lien à l'infini

Ainsi je ressens profondément et intimement mon incomplétude, car celle ci devient prière, où le manque s'élève en désir et la faille s'ouvre à l'infini.


Brigitte Judit Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine, chercheur
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 27 août 2025

Il n'y a pas de mots



Il n'y a pas de mots
Ou alors je ne les trouve pas
Il n'y a que le silence
Je n'ai que le silence
Je suis le silence
Mon Tout Petit, mon Amour parti si vite avant même d'avoir pris le temps de voir le monde
Mon Tout Petit mon Amour, je n'ai pas de mots je n'ai que des larmes
Des larmes de verre et de sang qui me déchire le coeur et l'âme
Pas un jour, pas une seconde où je ressens ce vide, 
Ce vide en moi 
Ce vide de toi
 Ce vide de mes bras
Mes bras vides de toi
Mes bras qui ne peuvent plus te protéger, te bercer, t'aimer
Mon Tout Petit, mon Amour, mon Enfant ma vie
Le silence est le seul mot
Que je t'offre pour exprimer mon immense chagrin.

A mon Petit Sabra, à notre enfant
Brigitte Judit

mardi 26 août 2025

L'Etat de grâce



C'est un instant magique, unique, singulier, qui advient, survient comme çà

Il faut simplement être là, présent, à soi, au monde, à l'Univers
Etre en conscience de ne faire qu'un avec Lui, car Il est l'Univers.
Il est le Tout. 
Il est ce champ d'informations cosmique décrit par David Bohm où la matière et la conscience ne sont pas séparées, faisant partie d'un champ unifié.
Ce grand Tout est ce champ unifié, une réalité fondamentale, invisible mais omniprésente. C'est un ordre implicite donnant naissance à l'ordre explicite de la réalité

C'est une bénédiction, un merveilleux cadeau, une joie infinie, une communion avec l'Infini.
Un lien unique et Originel
Le lien de l'Homme avec la Matrice, celle dont il est issu, là d'où il vient, là où il a été conçu.

Berechit
Celle de soi


L'Etat de Grâce, c'est être pleinement dans ce lien. Un lien que jamais nous n'avons quitté vraiment, mais seulement mis de côté dans  notre mémoire et oublié parfois. Et Pourtant il est là en chacun de nous.
Ainsi 

C'est accepter que le Savoir est déjà là, en perpétuel mouvement écouter et regarder

C'est une infrastructure dynamique où toutes les particules et événements sont interconnectés et la conscience liée permettant une interaction entre l'esprit et la matière. Ce concept dépasse la dualité entre le physique et le mental donnant une vision holistique de l'Univers.
C'est une réalité invisible, fondamentale et unifiée constituant la base de toute existence matérielle et consciente reliant tous les éléments de l'univers dans une harmonie dynamique

C'est une gigantesque banque de données mise à jour à chaque instant, car dans l'Univers rien ne peut être figé, jamais

C'est un principe fondamental, le temps est en mouvement, est vivant, comme nous le sommes.
C'est un lien intime avec l'Univers, avec ce qui nous dépasse
C'est une Union vivante avec le Divin. 

C'est une invitation à
Ouvrir son esprit mais aussi et surtout son âme, car le savoir brut n'est rien sans la compassion, la présence et l'humilité. Notre demande ne peut pas être seulement intellectuelle car le Savoir est vivant et c'est aussi et surtout une gestation de l'âme, une traversée intérieure de cette Connaissance Universelle.
C'est l'accouchement d'une vibration.
Un lien et une Lumière partagés

Ainsi suffirait-il de se servir ? De prendre sans rien donner ? recevoir avec gratitude  ? Seulement.
Oui, humblement, non pour posséder, avoir, détenir, mais pour ouvrir son esprit, capter, comprendre et tisser
C'est accueillir et relier, donner du sens pour donner ; transmettre
C'est une danse au milieu du Savoir, c'est être incarné
Et la couturière, la dentellière se met à l'ouvrage, cent fois, mille fois s'il le faut, elle fait danser les fils sur son métier pour tisser une oeuvre vivante

C'est le Bonheur. 
Et je comprends car j'écoute
SHEMA

Je suis appelée, je ne suis pas un accident mais un partenaire dans l'oeuvre du monde et nous le sommes tous.
L'Etre humain est le co créateur du Monde ; c'est une Mission

Et D. se retira. 

Et l'être humain a pour mission d'élever, de réparer (le tikkoun) de sanctifier le quotidien par les mitsvot. Chaque acte, même infime nous rapproche du divin et devient une rencontre avec lui, chaque acte vient restaurer les brêches spirituelles et morales du monde.
Ainsi les mitsvot sont des ponts vers D.ieu des gestes d'amour, des liens, des signes d'alliance
Cet état de grâce et cette rencontre nous permet l'accès, à cet espace infini de l'Infini qui ne finit jamais de l'être. 


C'est un passage, une illumination qui traverse tout mon être et m'emporte au sein de l'Univers, Il est et je suis. Je suis le fragment de ce Tout
Un Tout impermanent, infini  et en perpétuel devenir

Tout le Savoir est là, en moi, en nous et il suffit de nous y ouvrir, de nous émerveiller, d'aimer, de tisser le sens dans tous les sens pour honorer la Vie, porter la Lumière de l'Un vers la multiplicité du Monde 
C'est une mission, celle de chaque être; elle n'est pas figée c'est un appel continu à être présent et en conscience
C'est une offrande de L'Univers qui m'est donnée et qui me rapproche de D.ieu. 

C'est une expérience extraordinaire, unique et magique
C'est frôler l'ombre des étoiles 
Et accoucher du Savoir.

Brigitte Judit Dusch, historienne, chercheuse, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch (choisie par Sacha Dusch)

vendredi 22 août 2025

Il y a tant de choses que je ne te pardonne pas



Tu m'as demandé de te répondre et c'est bien difficile.

Je vais cependant essayer 
Tes mots sont durs comme souvent, ce sont des coups de sabre.
Il y a tant de choses que je ne te pardonne pas !

Non je ne suis pas un petit chat sauvage et tu as toujours su qui j'étais, dés le premier jour de notre rencontre.
Et tu me dois une vie, mais nous n'en sommes plus là.


Non je n'oublie pas ton silence à ce moment là où j'avais si besoin de toi, si besoin que tu sois là tout prés de moi pour que je ne meure pas.
Non je ne te pardonne pas ton absence lorsque j'étais entre la vie et la mort.
Tous les jours j'attendais, je t'attendais, mais rien, pas un mot, rien, et je voyais le regard gêné des médecins quand je demandais si tu étais là si tu avais appelé.
Je sais que tu en avais la possibilité, et j'ai souffert de toute mon âme de ce silence. Tu m'as abandonnée.
Alors pourquoi ?

J'ai compris alors que je ne pouvais plus avoir confiance, que je ne pouvais plus te confier ma vie, puisque tu ne voulais pas même être là pour m'accompagner vers la mort.
A cette époque nous combattions pour une même cause.. Et tu n'es pas venu. Aujourd'hui nous ne serions plus dans le même camp, alors que ferais tu ?

Tout ça tourne souvent en boucle dans ma tête, c'est deux de mes hommes qui ont risqué leur vie pour m'arracher à cet enfer, ils ont traversé le feu sans savoir si j'étais vivante ou morte, ils m'ont dit plus tard "Jamais on ne vous aurait laissée dans ce merdier avec ces bâtards.."

Et toi ? Qu'aurais tu fait ? je me le suis souvent demandé, y serais tu allé ? Comme ce jour, lorsqu'on s'est rencontré et que tu as eu des états d'âme ? Si j'en avais eu ; serais tu la, en vie aujourd'hui ?
Je me suis interdit de penser à tout ça, mais tu m'y obliges alors voilà.

Tu ne me respectes pas, tu ne vois que toi et ton désir pour moi.

Tu ignores cet homme qui partage mon cœur et ma vie, même s'il est loin en ce moment. Toi aussi tu l'as été, si souvent.
Contrairement à toi je suis fidèle, et que je ne peux être que la femme d'un seul homme. Il est cet homme.
Tu me dis qu'il a de la chance, je te réponds moi aussi, c'est un cadeau de D.
Tu dis "il ne reviendra peut-être pas" c'est d'une cruauté absolue, tu te moques donc du chagrin que j'éprouverai encore !  c'est indigne d'un soldat, indigne d'un homme. Je refuse d'entendre ça.

Tu te moques de tout en vérité je crois, sauf de ton désir, ton désir de me posséder. Il n'y a que ça !
Je ne suis pas à toi, je ne suis à personne, je ne suis pas un objet, mais une femme qui a besoin d'aimer et d'être aimée, pas possédée. 
Je ne suis pas un trophée, j'ai besoin qu'on me protège, qu'on prenne soin de moi.. Tout ce que tu ne fais pas, et que tu n'as jamais fait vraiment, je suis fragile aussi, tu l'oublies si souvent.

Tu confonds un peu trop désir et amour.
Oui je t'ai aimé, je t'aime et je t'aimerai toujours, je t'ai désiré, j'aime l'amour et nous nous sommes aimés avec passion, oui tu as raison, j'aimais ça. Nous aimions ça et je ne regrette rien de tous ces moments de passion. Nous nous sommes donné tout ça..
Mais, la vie n'est pas que ça
Lorsque nous vivions ensemble il m'est arrivé de penser un court instant fonder une famille moi qui avait perdu la mienne tragiquement, j'aurai aimé te donner d'autres enfants. Nos vies ne nous l'ont pas permis, mais sache que j'aurai aimé ça.

Je ne t'en veux pas, ta vie c'était (et c'est toujours)  la guerre, tes missions, conduire tes foutus blindés, commander Tes Hommes, les Honneurs. Nous n'allons pas refaire l'histoire, c'est le passé. 

En réalité tu me veux parce que tu ne m'as pas.
Prends un peu de temps pour méditer tout ça.
Bien affectueusement, quand même.


jeudi 21 août 2025

Ces visages qu'ils n'ont pas voulu voir




C'est encore dans la douleur que j'écris ce matin, à propos de Levinas et le visage de l'autre. N'y a t-il donc que la Douleur ? Quel message d'espoir vais-je pouvoir faire passer ? Mais dire, écrire la Vérité est un devoir que j'ai toujours accompli. C'est aussi une Mitsva


"Le regard qui nous regarde, ce visage qui nous fait face évoque une responsabilité infinie. Lorsqu'il nous interpelle il nous place dans une position d'engagement, de devoir sans recours à la parole. Le visage ne parle pas, mais il nous oblige. Il nous rappelle que l'éthique commence dans cette rencontre première, cette confrontation non verbale qui nous met face à l'autre dans notre vulnérabilité et sa dignité.
Ainsi j'ai le devoir d'écrire encore.
"Dans cette rencontre où l'on voit l'autre dans sa vulnérabilité et sa dignité se joue également la responsabilité essentielle. Celle de préserver l'Humanité à l'autre, face à toute tentation de la réduire ou de l'effacer. La Shoah et le 7 octobre nous rappellent brutalement ce qui implique la perte de la dignité. Primo Levi évoquant cette désubjectivation avec ces mots d'une force absolue « on se ressemblait tous » soulignant que dans la relation à un corps à une simple masse, l'unicité, l'individualisation avaient disparues laissant place à la barbarie. Sans visage et sans nom
La déshumanisation en niant le visage et la différence défait la racine même de l'éthique, celle qui nous engage à voir l'autre dans sa singularité, dans toute sa vulnérabilité et sa dignité"
Brigitte Judit, le 21 août 2025 Crédit photo @brigittedusch

mercredi 20 août 2025

Le 7 octobre

Ils

Ils étaient venus pour faire la fête, ils étaient venus pour rire, danser et chanter. Ils étaient venus pour se retrouver, s'aimer, vivre la vie.


Vais-je pouvoir écrire ce texte ? Et comment vais-je le faire ? cette question a tourné mille fois dans ma tête ? Comment dire l'indicible encore, mettre les mots ? 
C'est avec une grande douleur, une immense souffrance, des larmes de sang et le coeur déchiré que j'ai rédigé ces quelques lignes
Pour les victimes, leurs proches. 
Pour les Miens
Pour ceux qui ont encore un peu d'Humanité dans ce monde cruel et sans pitié.
Depuis le 7 octobre comme pour beaucoup d'autres, ma vie a basculée, le monde s'est effondré. 
Le 7 octobre est non seulement une date qui fait date dans mon histoire, mais dans toute l'Histoire : celle de l'Humanité.

Le 7 octobre, un pogrom d'une barbarie inouïe a ravivé la douleur de la violence extrême. Une horde sauvage surgie des plus sombres ténèbres a anéanti toute vie sur son passage, tuant, brulant, massacrant, violant femmes et enfants.
Une horde de barbares s'est échappée des Enfers pour libérer ses plus viles pulsions et une fureur sans précédent. 
Ils ont répandu la terreur et le Chaos.
Ce n'était pas des hommes,
Des monstres peut-être ?

C'est une effraction terrible impensable, indicible, un ravage un tsunami, d'une sauvagerie indescriptible et innommable. 
Encore.

Comment parler d'éthique, comment penser l'éthique après le 7 octobre ?
Ils avaient dit plus jamais ça, formule magique répétée à chaque commémoration, journée du souvenir, pour se convaincre que plus jamais ce "ça" n'arrivera, n'adviendra!
Et pourtant ! Je ne relaterai ni les événements, ni la tragédie, mais je vais tenter de mettre des mots et de comprendre pourquoi et comment.
Sans pour autant donner du sens, il n'y en a pas pour qui est entré dans l'humanité et la culture de la civilisation.

Ainsi le vernis a sauté, d'un seul coup d'un seul, il s'est libéré de son carcan abolissant toute frontière entre le bien et le mal. Il s'est montré sans fard, tel qu'il est dans la réalité, son réel depuis toujours et qu'il ne cesse de scander 'il faut tuer  les Juifs'
Un réel que les sociétés occidentales, les politiques de tous bords s'efforcent au mieux de cacher au pire d'encourager et valoriser
Nous y voilà,  la haine, la barbarie ont droit de cité, ont le droit de détruire la Cité et ce et ceux qu'elle abrite
Il n'y a plus d'asile, il n'y a plus que la mise à nu, la mise à mort
L'anéantissement d'un Peuple
Rien n'a donc changé ? Où sont les belles promesses ? 

Le vernis est bien mince a toujours soutenu Freud, mais y avait-il au moins un semblant de culture ?
Non, à mon sens, non, les auteurs de ces crimes ne sont jamais entré dans l'Humanité et ne sont même pas parvenu à son seuil.

Je manque peut-être d'objectivité ? Certes 

J'analyse la situation et le contexte avec des biais cognitifs ? Surement 
Oui je suis impliquée de par qui je suis, de par les Miens, ceux qui vivent chez eux et qui ont été sauvagement attaqués et torturés, par la guerre qui continue chaque jour, par nos Halayim qui tombent au combat dans la fleur de l'âge, par une génération brisée, sacrifiée.


Oui je suis impliquée car j'ai tremblé et tremble encore pour ceux que j'aime
Oui je suis impliquée car c'est de l'histoire immédiate, nous la vivons au jour le jour et nous en sommes les acteurs et les spectateurs.
Oui je prie chaque jour pour que nos enfants et nos otages reviennent
Oui je prie pour nos combattants, et pensent aux mères, aux soeurs, aux épouses
Oui je prie pour la fille, le fils, le mien s'il avait vécu se battrait là bas
Oui je prie pour l'épouse, pour avoir été celle d'un soldat tombé au combat

Habaita.

Comment pourrait-il en être autrement ?

Alors oui je considère cet évènement comme un échec de la prévention ou de la mémoire collective et de la responsabilité morale.

"La philosophie nous enseigne que l'horreur ne se dit pas, elle se comprend dans le regard que nous portons sur l'autre"


Nous avons dans le paragraphe précédent tenter d'analyser le concept de brutalization développé par Zimmerman, puis penser l'éthique d'après Shoah avec la philosophie adornéenne, et le "plus jamais ça". 
Et pourtant
Depuis 1945, les massacres, les génocides se poursuivent. Alors oui la question se pose plus que jamais. Comment continuer à penser l'éthique face à de tels événements qui semblent contredire toute promesse de 'Plus jamais ça" ? 
Cependant cet échec doit devenir une incitation à renforcer la vigilance, la mémoire et l'engagement, plutôt qu'un motif de cynisme ou de désespoir.

Ainsi la réflexion éthique serait un processus inachevé.

Penser l'événement ne consiste pas à désigner une responsabilité individuelle ou collective spécifique, mais à comprendre que l'éthique après la Shoah doit intégrer la complexité de la responsabilité, surtout dans un contexte où l'échec de la prévention apparait évident. L'éthique devient alors une attitude critique et continue, qui doit faire face à l'imprévu, à la haine, à l'intolérance, tout en restant  fidèle au devoir de mémoire.

Doit-on penser l'échec comme moteur d'action ou de réflexion ?
La reconnaissance de l'échec peut stimuler une relocalisation des responsabilités une vigilance accrue, et une réaffirmation de la nécessité de lutte contre toues formes de violences, de haine, d'antisémitisme et d'extrémisme. 
Elle peut aussi conduire à une réflexion sur les limites de la mémoire et du langage face à l'horreur. 

Ainsi ce n'est pas un abandon, mais une responsabilité renouvelée pour faire face à l'inhumain

Mais comment dire ? Comment exprimer ce que je ressens ? 
"Laisse parler ton coeur" m'a dit une personne qui m'est très chère.

C'est une obscurité qui ne laisse pas de trace visible, mais qui plane comme un poids insoutenable. Une violence qui se faufile dans l'ombre, un silence lourd comme une présence oppressante.
C'est une douleur que je ne peux exprimer, une tristesse qui se grave en silence un regard qui cherche en vain un sens face à l'indicible. 
C'est une ombre et des fantômes, des cris d'épouvantes et de terreur. 
C'est l'appel des âmes errantes au milieu des ténèbres.

Car l'horreur dépasse les mots, elle nous interpelle dans notre humanité et notre devoir de mémoire. Penser l'horreur c'est je crois se souvenir sans voyeurisme, c'est garantir que de telles ténèbres ne se répètent jamais. 
Certes ce n'est pas le récit de l'horreur qui fait la mémoire, mais la conscience que cette violence dépasse tout ce que l'on peut dire, tout ce que l'on peut montrer. Elle s'inscrit et se grave dans l'ombre, dans le regard qui se voile, dans la douleur qui ne se dit pas.
Mon, notre devoir face à cette mémoire silencieuse, n'est pas de tout raconter, mais de tout entendre, de tout ressentir, et de tout préserver. Parce que le respect pour les victimes, c'est aussi respecter ce que l'on ne peut exprimer et faire en sorte que cette horreur ne se répète jamais.
Ainsi évoquer l'indicible c'est aussi à ne pas oublier, continuer à penser, à préserver la mémoire, et surtout à agir pour que la lumière de la justice et de l'humanité ne s'éloigne jamais

J'ai conscience que ces mots, ces phrases semblent vides face à cette sauvagerie, ce traumatisme collectif qui nous rendent nous Juifs d'Israel ou de Galout tétanisés, sidérés et sans voix.
Encore !
Pourquoi ?

Comment cela a t-il été possible chez nous ? Maintenant ? Comme ça ? 
Comment a t-on pu tuer des hommes ? Des femmes ? des bébés à naitre ? Des vieillards ? Comment a t-on pu démembrer des corps, violer des femmes ? brûler et tuer des bébés devant leur mère ? éventrer des femmes enceintes ? 
Ils se sont acharnés sur des cadavres pour assouvir leurs plus viles pulsions, se sont déchainés sur leur victimes pour leur ôter toute trace d'humanité, méconnaissables, inidentifiables, afin de nier leur existence jusque dans la mort.

Sans visage et sans nom


Ils sont semés le chaos et le néant.
Ils ont détruits tout ce qui était la vie
Ils ne respectent rien car ils ne sont rien
Ni les vivants ni les morts.

Comment a t-on pu filmer ça et en être fier ?
Comment a t-on pu kidnapper des femmes, des enfants, des vieillards, des bébés les prendre en otages
Comment, comment comment ?
Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
Ce ne sont pas des hommes, ce sont des monstres assoiffés de sang, le mal absolu, la destruction et la haine
Ce sont les fils d'amalek, ils sont le diable dans toute son horreur, ils sont le malheur, ils sont le néant et le chaos

Je ne me tairai pas, jamais,
Le 7 octobre est un génocide
Le même que celui mis en acte et en scène par les nazis,
Avec les mêmes méthodes, le même acharnement, les mêmes armes de guerre,  la même violence, le même désir d'anéantissement : celui de couper des lignées et la filiation de l'autre à qui ils dénient l'existence
La même volonté d'exterminer un peuple. Le Mien, le Peuple Juif

Ils ne sont pas, ne sont jamais advenu à l'humanité et ne le seront jamais.

je ne me tairai pas, jamais
je passerai le reste de ma vie à lutter contre la barbarie, la sauvagerie et le mal
Je défendrai jusqu'à mon dernier souffle les Miens. 
C'est ma mission
J'ai promis
Je l'ai choisi et j'en suis fière
Ecrire est la seule arme dont je dispose aujourd'hui
Mais j'a appris que les mots peuvent être redoutables.

A ce jour 50 otages sont encore retenus dans les tunnels de gaza dans des conditions inhumaines et des monstres les torturent dans l'indifférence quasi absolue d'une société qui a scandé "Plus jamais ça ' Honte à elle.

Si penser l'éthique après le 7 octobre est un défi
Alors nous le relèverons.

"Voyez je vous propose en ce jour la bénédiction et de l'autre la malédiction : la bénénédiction (sera votre) quand vous obéirez aux commandements de l'Eternel, votre D.ieu, que je vous impose aujourd'hui'

"Réeh... Vois tes yeux... Choisis la vie''

Une fois encore nous sommes debout

Nous sommes là depuis des millénaires
Et le seront encore
Nous avons choisi la Vie que nous a offert l'Eternel

Pour nous la vie n'a pas de prix
L'Hymne de notre Terre
Est un message d'espoir

HATIKVAH 
AM ISRAEL HAI


Brigitte Judit samedi 16 août 13h19
























 

vendredi 8 août 2025

Tatouer la Mémoire vive




Tatouer pour résister ?

- "Dis Mamy pourquoi il y aussi des chiffres bleus sur le bras de l'amie de Ditte"
- "Kindele encore des pourquoi ? tu en pauses des questions"
Puis elle déposait un baiser sur mes petites mains d'enfants
J'ai grandi dans le bruit du silence des murmures.


Jamais je n'ai voulu qu'on inscrive, dessine, grave sur mon corps
Enfant je refusais les "décalcomanies" éphémères sur mes bras
Je n'ai jamais rien inscrit sur ma main pour ne pas oublier
Adulte je frémis toujours à la vue du marquage sur l'oreille d'un animal

Je ne veux pas de traces, de marques sur mon corps pour témoigner
Seules les cicatrices indélébiles des blessures passées
Me rappellent les combats que j'ai choisis de livrer
Jamais je ne serai tatouée.


Tatouer

Tatouer est un acte fort un geste volontaire et symbolique exprimant un engagement personnel ou collectif. C'est faire de son corps le témoin physique de son histoire ou de son groupe et faire passer un message, montrer à voir son appartenance, affirmer sa singularité, sa différence et être reconnu comme tel. 

Tatouer son corps c'est inscrire dans sa chair un souvenir, un nom, un symbole, y graver une marque indélébile pour dire, s'adresser à l'autre et le rendre témoin lui aussi de cette adresse. C'est parfois une transgression des interdits ou des conventions sociales, un acte libérateur, de défi ou de provocation

Ainsi tatouer c'est dire, dire à l'autre en faisant de sa peau un lieu d'expression de liberté individuelle.

Tatouer c'est aussi une symbolique de réparation ou une réparation symbolique afin de réparer un traumatisme ou un blessure, la sienne, mais aussi celle d'un groupe, d'une communauté ou des Siens, comme c'est le cas des petits enfants des Survivants de la Shoah. 

N'oubliez pas !
Des chiffres bleus

Des chiffres bleus, les mêmes que ceux tatoués sur les avant bras de leur grands parents. C'est ainsi que certains  jeunes Israéliens ont volontairement montré à voir que cet acte d'humiliation de désujétisation a été vain.
Ainsi la mémoire devient ici un moteur de résistance, une manière provocante pour ne pas oublier ce qui a eu lieu et qui est à l'origine de l'Etat d'Israel

Beréchit.

Ainsi ils ont délibérément choisi de relier et lier la mémoire familiale, celle de leurs grands parents Survivants venus bâtir avec leurs mains, leur sang et leur force le pays où ils sont nés.
 
Les Nazis n'ont pas gagné.

Oui, c'est un acte de résistance par la filiation adressé au Monde entier, un acte de vie. Ils sont là, ils ont eu des enfants qui ont eu des enfants. 
Et nous sommes là.

Regardez bien ces numéros.

Nous sommes des Sabras, nous avons un Etat, une Terre, Tsahal,
Nous sommes notre Terre, Nous sommes Tsahal
Regardez ces numéros
Nous sommes des Etres Humain, l'Eternel a dit "tu choisiras la vie' nous avons choisi la vie.
 

C'est un message :
"N'oubliez jamais qui nous sommes d'où nous venons et que nous avons un a venir"
Nous sommes la vie
Eros a gagné son combat contre Thanatos
Et c'est dans cette impermanence que se situe notre permanence et l'éternité.  Nul n'est éternel car nous sommes mortels mais la filiation rend éternel ?
Ëst ce cela ?

C'est aussi un acte profond de résilience, le refus de la mort et de la finitude, du Fatum, mais surtout un refus de rompre avec ses racines et au contraire les porter en étendard en les gravant dans leur chair, en être fier. 

Nous seuls avons décidé de le faire afin d'annihiler et d'annuler l'humiliation faite à un Peuple réduit des siècles auparavant en esclavage et devenu 70 plus tôt des numéros à éliminer. 
Il s'agit donc bien d'un acte de mémoire volontaire. Contrairement à la numérotation imposée par l'état nazi ce tatouage est peut-être une forme de réappropriation de résistance contre l'oubli et la négation.
En faisant de ce numéro un symbole de mémoire et de dignité plutôt que d'humiliation.

Ce n'est plus une mal ediction
C'est une Béné diction.


Les nazis n'ont pas gagné 

Ils n'ont pas effacé l'existence d'un Peuple, d'une culture, leur existence, leur nom ni leur postérité.

"Je suis Ori ben Meir ben Avram revenu de Buchenvald et son père s'appelait Yaakov et son père...
"m'a dit fièrement un jeune israélien

Oui Ori tu as gagné car tu es vivant.

Des jeunes Israéliens

Il s'agit bien d'une manière (singulière peut-être) de garder vivante l'histoire familiale et collective. C'est un acte de transmission et de mémoire du Génocide traduisant la volonté de se connecter à ses racines et ses Aieux, notamment à ceux qui ont survécu et transmis leur vécu.

C'est une mémoire vive, vivante, une mémoire orale. Une transmission en face à face et ce n'est pas rien!  Il n'y a pas que les mots, il y a la voix, qui tremble ou ne tremble pas, les silences, les langues qui se mèlent où le Yiddish prend le dessus, ces mots des camps, ces mots inventés, ces mots à eux.
Des mots qu'on retrouvent chez d'autres survivants des Camps (j'ai entendu et appris celle des Zeks) car on ne peut pas parler de ça autrement que comme ça. 

C'est une histoire qui est racontée, racontée avec ces mots, en Yiddish et en Ivrit en "mots à eux,  mais cette histoire est avant tout une histoire forte mélée de larmes et d'émotion. On  tient la main, on caresse cette main, comme faisait la petite fille avec les Demoiselle H. Il n'y a pas de pitié mais seulement une écoute, une écoute et un don celui de l'Amour infini et d'une infinie tendresse. Ecouter ces mots et ses récits, confidences de la douleur racontée sans haine, de souffrance dite avec une distance terrible et tragique parfois. Parler d'un soi qui a du se cliver, se replier pour laisser place à un autre plus fort afin de survivre en enfer, et à l'enfer. Devenir un autre pour vivre. Laisser de temps en temps cet autre prendre la parole, celle qui raconte et qui dit l'indicible.

Le trauma, ce qui est resté là bas et que nul archéologue ne parviendra à mettre au jour, que la meilleure couturière ne pourra recoudre et réparer, car elle ne peut pas, ne veut pas et il ne faut pas. 

Cette béance est nécessaire. Car elle est la vie. Elle est la trace terrible de la vie.

C'est avec tout ça, c'est comme ça que ces enfants, ces jeunes ont entendu
Peut-être graver ce tout ça dans leur chair, pour ne pas l'oublier ?


Est-ce une question de langue ? Perdre et prendre langue 

Perdre la langue du Survivant pour prendre la langue de la Renaissance ?

Ces tatouages sont-ils la résurgence d'une mémoire effacée dans un contexte historique, linguistique et identitaire très particulier ?

Israel est le résultat du projet sioniste et à partir du XIX° siècle, l'hébreux devient le symbole d'unité nationale, de renaissance culturelle et politique dans le futur Etat. En 1948, Israel l'hébreu devient langue officielle en propageant son usage dans l'éducation, la vie administrative, et la société de ce pays construit par des Survivants.
Hommes et Femmes Juifs Ashkénases originaires d'Europe orientale et centrale brisés à jamais sont appelés à participer à cette Renaissance collective, cet idéal sioniste fondé sur l’avenir, la terre, le corps fort, le silence de la douleur. Tous parlaient Yiddish, tous étaient liés et reliés par une langue quotidienne et culturelle. Peu à peu ces mots qui tissaient ces liens si fort devient la langue de l’exil, de la diaspora, de la mémoire, au profit de l’I
vrit  langue reconstruite, ressuscitée pour devenir langue de l’État, de la force, de l’unité.

Pour certains cette transition est une rupture douloureuse  avec le passé, leur culture, leur histoire, abandonner la langue maternelle est une violence symbolique et traumatique. C'est une cassure, une coupure brutale, un renoncement et une perte symbolique immense ayant un impact sur l'identité. C'est renier leur passé et  leur mémoire : Une violence vécue comme une dépossession culturelle renforçant les sentiment de rupture avec l'histoire antérieure, la leur.

Leurs descendants nés dans de pays neuf ont-ils choisi de se faire tatouer le numéro de matricule de leurs grands parents survivants comme acte de mémoire  face à cette perte ? 
Ce geste explique alors le lien avec le passé, la douleur de la perte mais aussi la résistance face à la disparition de la langue et de la culture ancestrale. C'est un trauma, une dépossession culturelle renforçant le sentiment de rupture avec l'histoire d'avant l'origine

Berechit.

Ce 
passage de langue n’est pas anodin. Il est une cassure, un renoncement forcé, une perte symbolique. Ainsi la transition du yiddish vers l'Ivrit a été vécu par certains survivants comme un abandon en renforçant le sentiment de rupture ave leur passé et l'essence de leur Etre suscitant chez leurs descendant un besoin de mémoire de résistance symbolisé par ces tatouages portant le numéro de leurs grands parents survivants.

Un sacrifice ?

Ainsi pour ces jeunes tatouer le numéro lié à la déportation de leurs grands-parents ne peut-il pas être considéré comme un sacrifice symbolique, un prix à payer pour ne pas oublier, témoigner et résister à la destruction de leur identité et de leur passé ?
 La douleur ressentie ne peut-elle pas être vue comme une forme de sacrifice physique, une confrontation à la souffrance témoignant de la force intérieure nécessaire pour faire face à un trauma ou affirmer sa mémoire face à l'oubli ou la négation, telle une offrande impliquant une forme de renoncement ou de sacrifice personnel ?

Le tatouage, ce tatouage singulier peut représenter sur le plan psychique une tentative de dépasser le trauma collectif en l'inscrivant dans sa chair donc dans l'histoire personnelle. Faire de son corps le porteur d'un témoignage indélébile pour soi et les autres. Il pose la question de la responsabilité individuelle face à la mémoire collective, c'est un acte éthique, un devoir de mémoire inscrit dans la peau qui refuse l'effacement et pour ces jeunes Israélien un engagement civique.

Cet acte fort est aussi posé comme un défi, transgressant ainsi l'interdit "
 Ne vous imprimez point de tatouage », ( Lévitique (19 :28, car le corps de tout Juif doit rester pur. le tatouage est considéré par Les iIsraéliens religieux comme une transgression grave de la part des jeunes laïcs à l'encontre de la religion.

Un appel ? un cri ?

Je ne serai pas tatouée.
Mais j’ai décidé d’apprendre la langue maternelle qu’on ne m’a pas transmise, pour ne pas être condamnée à rester étrangère à ma propre vie et à mon histoire.
Etre ce que je suis.
C’est ainsi que je grave en moi leur mémoire.



Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, chercheur, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch collection privée Buchenwald.




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