Psychanalyse Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 12 octobre 2025

La désillusion intime.

 


La désillusion intime

désillusion intime : celle de découvrir que l’appartenance spirituelle ou identitaire ne protège pas de la bassesse humaine — qu’on peut être blessé, trahi, rejeté, par les siens, et que cette douleur là, paradoxalement, est parfois plus vive que celle venue d’un adversaire déclaré.


Il y a parfois plus de violence chez les nôtres que chez ceux qui nous haïssent.


Peut-être parce qu’ils croient défendre une pureté qui n’existe pas.
Ils jugent, tranchent, excluent, au nom d’un D. qu’ils ont oublié d’écouter.
Je ne leur en veux pas, mais je m’éloigne d’eux.
Car je sais, au plus profond, que la foi n’est pas un mur, ni un drapeau, ni une identité qui sépare mais un souffle qui relie.


On ne naît pas juste parce qu’on se croit élu ; on le devient quand on choisit de rester humain.

Et pourtant, derrière cette mosaïque d’histoires, de visages et de terres, il y a une faille.
Celle que l’on découvre lorsqu’on croit avoir trouvé sa famille spirituelle, et qu’on y rencontre le rejet.

Je l’ai éprouvée plusieurs fois cette désillusion intime.
Au goût de trahison.


Elle ne venait pas d’un ennemi, ni d’un étranger, mais d’un frère, d’une sœur, d’un des miens.
Une parole, un geste, une exclusion silencieuse ou brutale, d'une violence absolue peu importe la forme, la blessure reste la même : celle d’être renvoyée hors du cercle alors qu’on y cherchait refuge.

Etre juif, être croyant, être dépositaire d’une tradition millénaire n’exempte personne de la part d’ombre, ni de l’orgueil, ni du jugement. Ce n’est pas la judéité, ni aucune foi, qui fait l’homme bon, mais le travail intérieur, la conscience, le rapport à D. et à autrui.

Je n’avais rien à prouver, sinon ma sincérité.
Mais certains confondent la foi avec l’appartenance, la piété avec le pouvoir, la pureté avec le contrôle.
Et alors, ce n’est plus D. qu’ils servent, mais l’image qu’ils se font de Lui.

Il y a parfois plus de violence chez les nôtres que chez ceux qui nous haïssent.


Cette phrase m’a longtemps hantée, avant que je ne l’accepte : elle ne condamne pas, elle constate.
Elle dit la difficulté d’un peuple dispersé de se reconnaître dans ses différences, la peur qu’il a de se perdre et qui le pousse parfois à rejeter ce qui lui ressemble trop.

J’ai compris alors que l’exil ne vient pas toujours de l’extérieur.
Il commence parfois dans le regard des siens, quand ils ne te reconnaissent plus.
Mais c’est dans cet exil-là que se réaffirme le vrai lien — celui qui ne dépend ni du lieu, ni du groupe, ni du rite, mais de la lumière intérieure qui ne s’éteint pas.

Et c’est sans doute là, dans ce silence douloureux, que la foi devient prière véritable : celle de continuer à aimer malgré tout, même blessée, même seule

Alors, j’ai repris la route.

Pas celle des lieux, mais celle du dedans.
Quand tout vacille, il reste le mouvement, la marche, la fidélité à ce qui brûle encore — même faiblement — au fond du cœur.

L’exil, je l’ai compris ce jour-là, n’est pas seulement une distance géographique.
C’est une séparation intime, un arrachement de l’âme à ce qu’elle croyait solide.
Mais de cet arrachement naît une autre forme d’attachement, plus vaste, plus nu : celle du lien invisible, du pays intérieur.

Aujourd'hui, la dissonance est insupportable, la désillusion intime appelle la brûlure de lucidité, nécessitant de rétablir une cohérence intérieure.

Croire, dans ce monde de fer et de bruit, relève presque de l’utopie, que je peine encore à croire en l'humanité et aux intérêts que j'ai servi toute ma vie

Brigitte Judit
Crédit photo : @brigittedusch




lundi 6 octobre 2025

Abraham L. Mémoire incarnée de l'exil.


 

Note de l’auteur

Ce texte repose sur des faits authentiques.
Il est le fruit d’un long travail d’historienne et de mémoire, mené à partir de sources archivistiques françaises et allemandes : registres d’état civil, archives ferroviaires et militaires, documents administratifs, correspondances, plans et cartes d’époque.

Chaque lieu, chaque date, chaque trajet a été vérifié, mesuré, reconstitué.
Ce travail, poursuivi pendant plusieurs années, a pour but de redonner un nom, une histoire et une dignité à Abraham L., à sa famille, et à tant d’autres vies effacées.

Ce texte n’est qu’une première étape.
L’ensemble des recherches, témoignages et sources qui fondent cette reconstitution seront intégralement restitués dans un ouvrage à venir consacré à l’histoire d’Abraham L. et des siens — une histoire d’exil, de courage et d’amour, traversée par la lumière obstinée de la mémoire.


Abraham L.
mémoire incarnée de l’exil.

Il y a dans l’exil des trajectoires qui ressemblent à des paraboles bibliques.
Abraham L., le père de Dora, en est une.
Né en Pologne, il a quitté sa terre natale, arraché à ses racines pour traverser l’Europe. Son chemin était celui de l’espérance : la Lorraine d’abord, puis l’Argonne. Il y fonde une famille, il travaille, il vit des tissus, ces shmates qui font le lien entre la trame du quotidien et l’étoffe de la survie.

Mais en 1943, l’histoire bascule. Abraham est arrêté, déporté, assassiné à Auschwitz par les nazis.
Le chemin de l’espoir s’est retourné : il a refait le même trajet, mais pour mourir.
Comme si la promesse avait été brisée une seconde fois.

Abraham biblique avait entendu : « Va, quitte ta terre. »
L’exil de l’Ancien Testament menait vers une promesse.
Celui d’Abraham L. n’a conduit qu’à la perte, à l’anéantissement.

Et pourtant… il reste les fils, les voix, les mémoires. C’est à nous de les reprendre, de les tisser.



Il est parti pour vivre.
Il est revenu pour mourir


Né au début du siècle, un cinq février 1901 dans un shtelt perdu aux confins des frontières de la Russie et de la Pologne, Abraham grandit près de ses parents, Moszek et Libe apprend les chants et les prières qui font de lui ce qu’il, est au sein de cette petite communauté où règne souvent la peur. Vingt ans plus tard, fuyant les progroms et la haine il prend la route de l’exil, dans l’espoir de trouver un peu de paix dans un ailleurs inconnu mais qui ne peut qu’être meilleur.

Il n’est pas bon d’être Juif dans ces contrées de l’Est.

Abraham a quitté la Pologne et marché à travers l’Europe, tel Enée dans son incertain voyage vers un futur inconnu et improbable. Il a marché vers demain. Au bout de longues journées de peine, de souffrances et de pertes, trouvant refuge auprès des «Comme lui » il gagne enfin la Lorraine et trouvé asile et réconfort dans la petite communauté Juive installée depuis des siècles. Il n’avait pour tout bagage que quelques vêtements et ses outils de tailleur d’habit, ses fils et ces ciseaux.

Shmates…

Enfin ! Il trouve un peu de paix
et se met à l’ouvrage car il ne manque pas de courage, la vie s’écoule puis il rencontre Renée et l’épouse le 14 août 1929 dans cette petite ville de Lorraine. Brève halte, son foyer n’est pas là, il faut encore partir, il faut reprendre la route, tenter de trouver une place, ailleurs toujours.

Exil ? Sur la route encore ? Tel serait notre destin ?

Errance, exil et voyage.

Cette fois ils prennent le train ensemble, Renée et Abraham pour un nouveau voyage, celui de l’espoir encore, vivre et construire. Ils ne manquent pas de courage. Ils prennent le train sur le quai de la gare de leur petite ville, une heure plus tard il les dépose à Nancy. Il leur faut attendre deux bonnes heures pour prendre un autre train qui les conduira à Charleville et attendre encore plus d’une heure pour prendre enfin celui qui les amènera à destination : la fin du voyage ?

Le temps de l’exil est un temps long, fragmenté,
Le temps de l’exil est un temps long, celui du courage.
Le temps du voyage est un temps long, celui de l’espoir.


Après cinq heures dans un compartiment de troisième classe ils arrivent enfin. La petite gare si elle n’est plus en service est toujours là abandonnée, triste vestige d’un passé disparu. Ils marchent avec leurs bagages deux bons kilomètres pour rejoindre le quartier de cette petite cité de l’Argonne où déjà quelques Juifs sont installés depuis le siècle dernier . Abraham et Renée ne sont pas bien riches, mais louent une petite maison, non loin de la rivière et ouvrent un modeste commerce. Renée y vend des tissus, des vêtements, des fils et des rubans.

Shmates

Ils vivent là non loin de la rivière, du port, un quartier animé où tout le monde se retrouve aux fenêtre
s, aux portes des échoppes du cordonnier, du boulanger, de l’artisan, les enfants jouent dans la rue.

La vie
s’écoule, paisible.

Le quartier s’anime chaque jour et vit au rythme des péniches qui vont et viennent non loin de leur maison, elles embarquent et débarquent les marchandises sur les quais tirées par les chevaux
ardennais.

Rue de l’Aisne
Une rue que je prends chaque jour ou presque, une maison devant laquelle je passe chaque jour ou presque. Dora et ses parents auxquels je pense chaque jour ou presque.
Dora qui m’a demandé. De raconter.

L'Haim

Alors ce jour là je m’arrête, il faut, je veux voir, je veux savoir.


Je ferme les yeux et je passe de l’autre côté du miroir, je sais faire ça, j’entends et j’écoute, je suis, j’y suis, le temps n’existe pas, c’est une invention de l’homme, il suffit de faire confiance.

Me voilà rue de l’Aisne devant la maison de Dora je les vois comme souvent, mais eux ne me voient pas, je me fais discr
ète pour ne rien déranger, je suis de passage, simplement de passage. Je suis une voyageuse, du temps et de l’espace. Je suis ainsi depuis l’enfance.

C’est le bruit des péniches glissant sur l’eau de la rivière, le cliquetis des chaines et le crissement du bois.. J’entends le bruit des sabots sur les pavés rugueux, le son des harnais des chevaux tirant les péniches, le martèlement du fer sur l’enclume du maréchal ferrant, le souffle du souffleur et je sens l’odeur du fer chaud. Puis la conversation des pénichards vêtus d’habits de travail robustes, ces hommes et ses femmes s’affairent au bord de l’eau. Les artisans travaillent sur les chemins de hâlages dans le bruit des outils
J
e fais quelques pas, sans bruit, doucement, guidée par les rires et les échos des jeux des enfants, de Dora, c’est jour de marché, les cris des vendeurs, les paniers des femmes chargés de légumes et de fruits, l’odeur du pain frais, les discussions animées au café, le bruit des verres qui s’entrechoquent, l’accordéon, quelques chansons, de la musique.
C’est une vie simple mais pleine de défis, la solidarité entre voisins, et l’espoir
C’est une vie simple avant l’orage….


La
vie s’écoule et le temps passe 

L’Haim.

Abraham chaque matin prend son vélo et sillonne les chemins pour vendre lui aussi tous ces articles. Renée ôte les lourds volets de bois des fenêtres de sa boutique, rue de l'Aisne

Shmates…

La vie s’écoule, le temps passe, un 29 septembre 1930 à 16 heures un enfant vient au monde c’est une petite fille … Dora, ma petite Dora.

Elle nait dans cette petite ville de Lorraine  au  foyer familial, dnas  la maison de ses grands parents  Renée, sa maman y est venue faire ses couches, 7 rue des cloutiers, non loin de l’échoppe de Moshe, notre tailleur d’habits. Celui qui nous lie, qui nous relie, dont je tisse les fils pour faire la plus belle et précieuse des étoffes.

Elle vient au monde là entourée par sa famille, chez les parents de Renée, au sein de sa communauté, pour que cette naissance s’inscrive au sein de sa famille et de nôtre Peuple. Son père Abraham L, commerçant, colporteur né en Pologne se rend devant l'officier d'état civil déclarer la naissance en France de sa fille le même jour à dix sept heures trente.

Et puis Renée et Abraham repartent avec leur bébé, l’enfant de l’espoir, l’enfant né sur le sol de France, l’enfant de l’avenir, serré très fort dans leurs bras.
Cinq heures de voyage et deux k
ilomètres à pieds pour rentrer dans leur maison rue de l’Aisne, se remettre à l’ouvrage et voir grandir leur enfant.

Et la vie s’écoule prés de la rivière, et du port dans le bruit de la rue, des marchands, des mariniers, au rythme des péniches qui font halte sur le port, qui déchargent et chargent les marchandises. Il y des rires d’enfants et le brouhaha de la vie.

Dora grandit, va à l’école prés de sa maison sa maman vend des rubans et Abraham est colporteur.
La famille allume les bougies les soirs de Shabbat prie dans la langue qui est la leur et aussi la mienne. Il n’y a plus de synagogue, depuis la fin de la Grande Guerre, celle improvisée par les Allemands pour leur soldats Juifs lors de l’occupation de la ville ; une grande maison à deux pas de la leur n’est plus là.

Shmates

Puis un jour le ciel devient gris et les journées sombres,

Les étoiles ne sont plus dans le ciel mais cousues sur les habits.
Il ne fait pas bon d’être Juif ici ou ailleurs en ce temps là.

Les rires ne résonnent plus, les enfants se cachent derrière leur fenêtre,
Dans la rue résonne le bruit sourd des bottes sur les pavés de pierre.
les jours ont le goût de la peur,
les nuits celui de la terreur.

Puis une journée comme toutes les autres en 1943 alors qu’il allait dans les villages voisins vendre quelques vêtements pour tenter de nourrir les siens, il est arrêté, là, sans nul autre faute que d’être Juif.

Le convoi 58 du 31 juillet 1943 le mène à Drancy..

Puis
des monstres le jette dans un train, avec d’autres "Comme lui », des femmes, des hommes, des vieillards, des enfants, des bébés.
Entassé dans un wagon immonde il reprend
le même chemin ; celui de l’exil, du Shtelt qu’il a quitté pour venir ici, dans cette petite cité de l’Argonne pour vivre.

Le chemin de l’exil est celui du retour.
La fin du voyage

Le chemin de l’exil, celui des Siens, celui d’une terre étrangère qu’il avait tenté de faire sienne

Dora et Renée l’attendent à la maison
Elles s’inquiètent, il n’ont pas de nouvelles.
Il n’est pas revenu
Il ne reviendra pas.
Drancy, le silence, la peur, Auschwitz, les cris, la mort.
Le 21 janvier 1943
Il est assassiné par ses bourreaux.
A 1100 km de sa maison
Sans revoir les Siens
Sans leur avoir dit au revoir

Kaddish.


Une année plus tard
René et Dora seront arrachées de leur maison tout au bord de l’Aisne
Un an plus tard elle pendront le convoi
66
Drancy
Puis le même train.
Errance, sinistre voyage, exil, mort
errance des âmes.
Encore.

Un an plus tard,
le vingt janvier 1944.
Renée comme son époux, Dora comme son père seront assassiné
es par les mêmes bourreaux.

Kaddish.

Une famille effacée.

Partir de son shtetl pour fuir la haine, traverser l’Europe, chercher une terre, une maison, une rivière.
Puis revenir par le même chemin, mais pour mourir.
Combien parmi ces six millions d’étoiles ont pris ce chemin ?

Abraham.

Le premier avait quitté sa terre sur une promesse.
Celui-ci l’a quittée pour l’anéantissement.
Et pourtant, il reste un nom, une mémoire, un fil.

Abraham L., tu n’es pas oublié. Les Survivants que nous sommes tissent les fils de ta mémoire.
Chaque jour où presque je passe devant votre maison, chaque jour ou presque je dis les mots dans vôtre langue qui est aussi la mienne, chaque jour ou presque je pense à vous car j’aurai pu être vous, car je suis vous
Aujourd’hui plus qu’hier je me dis que demain tout peut recommencer.

Le voyage d’Abraham L est un exil émotionnel et la perte de la patrie, mais laquelle ? Celle de la langue, celle qui nous unit, nous Juifs de l’Est, celle dans laquelle nous prions, celle que je parle quand je me rends au cimetière allemand où reposent les soldats Juifs tombés au combat. La langue est-elle un patrie ?
Abraham L a traversé des frontières, non seulement géographiques, mais aussi culturelles et identitaires.
Cet exil là est-il la destinée, l’avenir de notre Peuple ? Devra t-il errer sans cesse à la recherche d’une Terre ? Celle qui lui a été Promise ?


Où est chez moi ?

Brigitte Judit
Crédit photo @brigittedusch


jeudi 2 octobre 2025

Comme Avant



À toi, ma Jojo,

Tu n’as pas compris mes silences ;  ou seulement à demi, car je ne pouvais tout dire. Je ne pouvais dire que des bribes, incompréhensibles pour ceux qui ne savent pas.
Pourtant tu as écouté mes errances en paroles cette fois
Tu as entendu.
Et Di.... aussi.
À lui je pouvais presque tout dire, tout raconter, demander ce que je pouvais faire, ne pas faire. Il comprenait.
Il me disait ce que je savais déjà : c’était mort, quoi que je fasse, irrémédiable ; le processus était lancé !

Alors je t’ai dit :
je vais régler ça, je reviendrai,
et tout redeviendra comme avant.
Tu as attendu.
Tu m'as attendue. 
Tu, vous, vous êtes fait du souci.
Vous aviez peur moi
Di... t'a dit "elle sait ce qu'elle fait"

Moi, je ne pouvais rien dire ni faire.
Tu as attendu, parce que tu es mon amie.
Simplement mon amie
inconditionnellement.

Ma Jojo, Nous nous sommes rencontrées un après-midi de juillet, tu te souviens, j'étais avec Swann, en ville non loin de chez toi. je passais par là, Je suis toujours de passage, voyageuse entre nuit et jour, entre ici et ailleurs.

Tu t'es arrêtée je crois, tu m'as parlée, tu m'as regardée puis tu m’as dit de ne pas mettre ces lunettes qui cachaient mes yeux, qui étaient jolis que j’étais jolie. Tu m’as dit cela. Merci.
Je n'oublie pas, à mon retour je me suis regardée dans un miroir, et je me suis vue, avec tes yeux, je me suis vue comme je ne l'avais pas fait depuis longtemps.
Je suis revenue un peu à la vie... 
Mais de ça tu ne sais que des bribes
Ma vie comme toutes les autres, plus peut-être est faite de brisures et de cassures, j'essaie de ramasser tout ça, mais ça ne tient pas toujours
Mais ça aussi tu l'a vu
Les âmes blessées se reconnaissent
Nous avons parlé encore, et nous avons tout de suite été reliées par l’amour des animaux, la tendresse pour la vie.
Ceux qui ont connu l’enfer savent se reconnaître.

Un soir, j’étais à terre, épuisée... 
Je t’ai appelée.
Tu n’as rien demandé, tu m’as aidée sans savoir au fond vraiment qui j’étais.
Tu m’as ouvert ta maison, tu m'as ouvert ton coeur
Di... aussi
Merci.
Je n’oublierai jamais, et t'en serai éternellement reconnaissante.
Ces samedis après-midi… nos rires, Youyou, Lucien, D.. les cappuccinos et les petits gâteaux
Les histoires dites, racontées à mi mots que toi et Di.. entendait. Lui comprenait et nous souriions à l'évocation de souvenirs, de lieux cela nous faisait rire et je crois que ça le rendait heureux
Moi aussi, je vous ai aimé tout de suite.

Puis des événements inracontables m’ont rattrapée.
On est toujours rattrapé par son passé, et il faut affronter, je l'ai fait.
C’était violent ;
j’y suis allée, comme toujours
Je ne pouvais rien dire et j'ai du te laisser dans le silence. 
Pardon.
Di... avait raison : quoi que je fasse, c’était mort.
J’ai fait du mieux que j’ai pu, en essayant de limiter la casse.
Je suis revenue…
Comme on revient tous de cet enfer.. Mais je suis revenue. Encore

Mais je ne peux pas tenir ma parole :
je suis revenue, mais je ne suis plus comme avant
Après ça je ne peux plus, du moins pas encore
Pardon

Je t’aime, ma Jojo.
Laisse-moi encore un peu de temps.
Pardon si, d’une certaine manière, je vous ai abandonnés
.......................................................... 
Ce n’était pas le cas.
Pardon si je n’ai pu être là pour vous deux.

J’étais venue ici pour panser et penser mes blessures. Cela n'a pas été le cas, mais c'est mieux que ça :
je vous ai rencontrés.
Toi et Di êtes des justes, des Mensch.
Toda raba.

Je ne saurais te dire cela autrement ; tu sais ce que je ne peux dire je l’écris.

Ta Brigitte.

(Crédit photo : Brigitte)

lundi 22 septembre 2025

L' haim



Je me suis demandé "pourquoi ais je écris sur cette complétude ?
Sur ce fantasme

Et ce matin jour de ma naissance je me suis dit :
Tout simplement parce que je suis l'incomplétude, et la vis depuis l'enfance, depuis que je suis au monde moi qui n'aurait pas du y venir
Sans doute là l'origine de mon étrangeté.

Cette incomplétude, c'est le manque, toute la somme des manques qui font mon existence, l'absence de ceux qui j'ai aimé plus que tout et qui ne sont plus là, ceux qui m'ont fait aimé la vie, mais qui sont morts, disparus et qui ne reviendront pas sur cette terre
Néanmoins ils vivent et vivront en moi jusqu'à mon dernier souffle, car ils sont ma vie
Ils m'ont donné tellement.

Mon incomplétude est marquée par ces brisures, ces cassures, cette faille immense, cette plaie béante et qui saigne toujours, tous les jours
Jamais je n'ai cherché à la combler car ceux que j'ai aimé sont irremplaçables.
J'ai pensé mourir moi aussi, car certaines absences sont une tragédie et un éternel tourment
D. l'Eternel Tout Puissant a placé sur mon chemin ceux qui m'ont appris à vivre avec ces béances et à en faire une force. 

Alors j'ai choisi la vie.

Au fond de moi il y a la tristesse, pas la mélancolie, mais une profonde tristesse, dans mon coeur, dans mon âme et mon regard. Présente depuis toutes ces années elle fait partie de moi elle est moi et je suis elle.

"Tes grands yeux clairs et tristes par fois" me dit'on.
C'est vrai  c'est ainsi 
C'est ce que je suis

J'aime la vie, elle m'a donné et me donne encore de belles choses à vivre, à aimer.
Je n'ai jamais cherché à recoller, à poursuivre ce qui a été brisé et perdu à tout jamais. 
j'accepte mon incomplétude et en fais une force. 

Ce que je vis est nouveau, sans nostalgie du passé, je suis ouverte à la vie et ne ferme pas la porte, même si parfois je la maintiens entre ouverte.
Vouloir retourner à un passé est une illusion, un fantasme

J'avance sur mon chemin. Ma Foi inébranlable m'est d'un grand soutien. 

Je suis une nomade, une errante, pour qui jamais et toujours n'ont aucun sens
L'Haim.

Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine, chercheur
Crédit photo @brigittedusch acrylique brigitte Judit.





vendredi 12 septembre 2025

Je voudrai te dire...




Je voudrai te dire

Que tu me manques
Chaque jour et chaque seconde
Que tu es le rayon de soleil de ma vie,
illuminant chaque instant de ton éclat, de ton sourire, de ton regard.

J'attends, je t'attends sans attendre
j'attends que tu reviennes à moi et que tu ne partes plus
Si loin parfois et si longtemps
Jamais
Mais jamais c'est comme toujours
Pour moi c'est qu'il n'y aura plus d'après
Que tout sera figé
Et ça me terrifie
Tout ça toi seul le sait.
Toi seul peut l'apaiser
 
Alors j'aimerai te tendre la main et te dire
Prends là, emporte moi
Dans une danse, un tourbillon céleste
Qui ne s'arrête pas
Toi et moi.

J'aimerai déposer les armes
Et ne plus être en guerre
Mais je n'ai connu que ça
Apprends moi la paix
Celle de l'âme, de l'esprit, de l'instant

Reviens prés de

moi, ne repars plus jamais loin de moi
Je souffre du manque de toi
Je veux dormir prés de toi, chaque nuit
Me réveiller près de toi, chaque matin
Je veux que tu sois là et que tu me berces doucement quand un de ces horribles cauchemars me fait hurler de terreur
Car toi seul sait faire ça
Car toi seul sait pourquoi je crie et tremble comme ça.

Tu ne m'as jamais demandé, 
Tu ne me demandes jamais rien
Mais tu me donnes inconditionnellement
Ta douceur et ta tendresse
Ton sourire et ton Amour
"Prends, c'est pour toi, c'est à toi, cet amour est à toi'

Tu ne m'as jamais rien demandé
Tu es heureux quand je ris, je danse, je chante, j'écris, je vis
Tu es heureux de moi

Tu ne m'as jamais demandé
Mais tes mots enveloppent mes blessures
Ils bercent mon coeur et sont la lumière dans l'obscurité
Quand l'ombre des fantômes revient hanter mes nuits

J'aimerai te dire
Que je te sens toujours avec moi dans les moments de calme, les tempêtes les plus violentes, et il y en a.
Que toi seul peut apaiser.
Que toi seul sait m'aimer
Que toi seul sait apprivoiser et comprendre l'âme tourmentée que je suis parfois si souvent.
"Une âme si douce " dis tu 
Tout en sachant qui je suis, ce que je suis
Car tu l'as deviné dés que tu m'as rencontrée
Tu sais lire entre les lignes, recoller les morceaux sans chercher à combler les brisures, sans chercher à raccommoder les blessures, panser et penser les plaies, tu te penches seulement sur mes béances, me prends par la main pour avancer doucement sur le chemin. 

Ton amour est mon sanctuaire
Ton amour est une forteresse
J'aimerai te dire tout ça

J'aimerai ne plus avoir peur de moi
Et m'abandonner à toi
Mais ça non plus je ne sais pas

J'aimerai te dire, viens danser la vie avec moi
Viens faire de cette vie une danse jusqu'au bout de la nuit
Jusqu'au bout de la vie, sans fin,
Je veux danser avec toi sur le rythme de l'impermanence,
Vibrer avec le mouvement de la vie
Je veux enfanter de moi, de ma propre vérité

Prends ma main et envole toi avec moi
Viens, allons frôler l'ombre des étoiles
Nous fondre dans la Lumière
De l'éternité évanescente
Nous serons l'instant qui défie le temps
Nous sommes une étincelle de Lumière traversée par le souffle du vent.
Viens. 
Le vent se lève et je veux tenter de vivre
Avec toi.

Je voudrai te dire tout ça...Mais je ne peux pas
Je sais que tu le sais, que tu le devines car tu lis entre les lignes, les regards même les plus tristes, les paroles, les silences et puis tu relis tu recolles même quand il manque des éclats
Tu ne cherches pas à combler les béances,
Elles sont et tu les accompagnes avec bienveillance
Il faut m'aimer pour ça...

Il faut que j'arrive à te dire tout ça
Il faut que je te demande
Ce que jamais tu ne m'as demandé car tu n'oses pas
OUI, je veux

Tu es mon Refuge, mon Ciel intérieur et ma Maison. Tu es tout ça. Tu es mon Heimat. 
Je t'aime Y.

Brigitte Judit.
Crédit photo @brigittedusch

samedi 30 août 2025

Eloul l'entre deux temps.


Eloul est un temps particulier pour moi, un mois important, il est le mois de ma naissance, mais plus encore D. fait bien les choses et c'est peut-être pour cela qu'il m'a fait advenir au monde à ce moment de l'année le dernier


Eloul est en effet le dernier mois de notre année, il précède Roch Hachana et Kippour. Ce temps singulier est profondément lié à l'expérience de l'incomplétude.
La nôtre, celle du sujet humain. 

C'est en effet un temps d'attente, et de préparation 

Ainsi Eloul n'est ni la fin
Ni le commencement
Il se tient au seuil, fragile, discret, comme une respiration entre deux mots
Un souffle
L'année s'efface, l'autre ne nous est pas encore donnée
C'est un espace suspendu
Entre deux temps

Nous découvrons avec émerveillement la Vérité
La Nôtre, celle de tout sujet humain
Nous sommes inachevés

Eloul nous enseigne
Il nous apprend à habiter l'incomplétude
A reconnaitre que nous avons manqué, failli, oublié
Mais ce manque n'est pas un vide qui condamne
Il est l'ouverture
Celle où peut passer l'infini
Là où la faille se creuse
La prière s'élève
Là où la brisure se dit
Le désir prend feu

On raconte que le "Roi est dans les champs"
Non sur un trône inaccessible
Mais présent, proche de ses enfants
Au milieu de la poussière et des hautes herbes
Il vient à notre incomplétude
Pour nous dire
"Ce n'est pas la perfection que je cherche mais ton retour"

Eloul est cet "entre-deux" 
Ce temps asymptômatique
Où l'on marche sans jamais toucher le point
On s'avance pas à pas
Avec nos manques et nos fissures
Nos désirs inachevés
Et c'est cela même qui fait vivre la Rencontre
Si nous étions complets
Il n'y aurait plus d'élan
Plus d'attente
Plus d'amour

Eloul est l'entre deux
Où l'incomplétude se transforme en chemin
Un mois de souffle et de seuil 
Où le manque devient promesse

L'incomplétude c'est l'impossibilité d'atteindre une perfection définitive. Eloul n'est pas un but en soi, mais un chemin vers les "Jours Redoutables". Semblable à une approche asymptomatique car on ne touche pas le bout, mais on s'en rapproche par élans successifs.

C'est un temps qui fait de l'incomplétude non une faiblesse mais une force et surtout une dynamique. 

Eloul enseigne que c'est le manque qui garde vivant le lien à l'infini

Ainsi je ressens profondément et intimement mon incomplétude, car celle ci devient prière, où le manque s'élève en désir et la faille s'ouvre à l'infini.


Brigitte Judit Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine, chercheur
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 27 août 2025

Il n'y a pas de mots



Il n'y a pas de mots
Ou alors je ne les trouve pas
Il n'y a que le silence
Je n'ai que le silence
Je suis le silence
Mon Tout Petit, mon Amour parti si vite avant même d'avoir pris le temps de voir le monde
Mon Tout Petit mon Amour, je n'ai pas de mots je n'ai que des larmes
Des larmes de verre et de sang qui me déchire le coeur et l'âme
Pas un jour, pas une seconde où je ressens ce vide, 
Ce vide en moi 
Ce vide de toi
 Ce vide de mes bras
Mes bras vides de toi
Mes bras qui ne peuvent plus te protéger, te bercer, t'aimer
Mon Tout Petit, mon Amour, mon Enfant ma vie
Le silence est le seul mot
Que je t'offre pour exprimer mon immense chagrin.

A mon Petit Sabra, à notre enfant
Brigitte Judit

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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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