Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 16 novembre 2008

Injonctions

Nous vivons quand même dans un monde surprenant !
Un monde où il faut, où l'on doit, où l'on se doit....
Un monde d'injonctions,
D'injonctions le plus souvent paradoxales !
Un monde qui s'efforce de rendre l'autre fou....
Un monde qui par certains côtés rend fou...
Un monde qui ne veut pas non plus de ses fous..
Un monde qui n'assume pas...ou plus, ou peu, ou pas assez ?
Fais ceci, fais cela, sois comme ci, sois comme cela
L'uniformité
Ne voir qu'une seule tête
Une sorte de modèle, modéliser, la modélisation, façonner, créer, cloner, clowner !

Injonctions paradoxales, doubles contraintes. Ronald Laing a merveilleusement nommé, exposé ce concept, et démontré comment il rendait fou. Nous y sommes presque, presque entièrement. Il en faut de si peu.
Ainsi,par exemple il faut manger : Raisonnablement, on nous l'assenne partout, dans la rue,à la TV, des légumes , des fruits bien sûr, mais la publicité nous montre paradoxalement tout ce qui est à banir de l'alimentation, chocolats, sucreries, sodas....
Qui croire ?
Que faire ?
Toute notre vie semble modélisée, ainsi il convient d'être parfait, heureux, souriant. Et de le montrer.
Le bonheur ! le positif, l'humeur, "tout va bien"... Même si rien ne va bien ou si rien ne va du tout L'important est de ne pas le montrer, le camouffler, ne pas dire, taire sa souffrance, son chagrin, sa peine, sa douleur... L'enfouir, l'en fuir, au plus profond de soi, ne pas laisser penser que...

Comment faire ?


Fumer tue !
C'est ce qui est inscrit sur les paquets de cigarettes en vente libre dans tous les bureaux de tabac (dans les supermarchés de certains pays)
Ainsi on vend la mort pour quelques euros ! La mort est en vente libre...
Fumer, oui, mais ça vous tue !
Ne vous plaignez pas car on vous avait prévenu...

Comment faire en effet dans un monde qui nous demande d'exprimer le contraire de ce qu'on ressent, de taire ses émotions, de vivre en perpétuelle dissonance. Comment se retrouver dans un discours aussi complexe, aussi pervers ?
On encourage le sujet à être positif, lui même, mais on lui demande en même temps de nier ce qu'il ressent, ou pire de ne pas trop l'exprimer afin de rester conforme à un modèle socialement correct, à une attitude socialement acceptable et surtout socialement supportable.
Nous n'allons pas bien, la société toute entière va plutôt mal, mais si nous faisons un petit effort et affichons une mine joyeuse et réjouie on pourrait croire que !
Mais croire quoi ? Croire que quoi ?
Les émotions ? Quid de cela ?
La société, le monde tel qu'il est aujourd'hui renvoit le sujet à lui même, il lui faut alors se débrouiller avec...Avec ses peines, sa douleur, ses souffrances, ses insomnies, sa maladie, son deuil, ses larmes.
Il se doit de ne pas les dire, en parler, les étaler. On en veut bien un peu, mais pas trop, si on admet le deuil, la peine de la perte, c'est pour un certain temps, déterminé, au delà, ça devient ennuyeux, difficile, insupportable, pas normal. On ne sait plus quoi lui dire, on l'évite, on le laisse se débrouiller avec sa peine, sa douleur et sa souffrance.
Les spécialistes parlent de deuil pathologique, les critères de celui ci sont dailleurs doctement rassemblés dans les manuels de psychiatrie !
Cette souffrance qu'on ne veut et qu'on ne peut pas voir fait mal, car chacun sait, même s'il ne veut pas vraiment le reconnaitre que ça n'arrive pas qu'aux autres !
"Cachez moi ce deuil que je ne saurai voir !"
Les émotions ne doivent surtout pas être manifestées, on n'admet ni trop de pleurs, ni trop de larmes, ni trop de cris, juste ce qu'il faut quand même, car ne pas verser de larmes lors d'un enterrement parait suspect !
Juste ce qu'il faut dans les délais impartis
Sinon, ce n'est plus la norme, la norme sociale, et on sombre dans le pas normal, le pathologique, la folie, qui fait peur, qu'on ne veut pas voir, qu'on ne peut pas voir, qu'on refuse de voir

"Cachez ce fou que je ne saurai voir !"

Notre monde recherche la performance, le meilleur, le toujours plus, le "peut mieux faire" qui tue l'élève qui pourtant à donné dans sa copie le plus qu'il pouvait faire... Encore un peu, toujours plus, travailler plus pour gagner quoi ?
D'ailleurs que gagne t-on ? Quel gros lot ?
La recherche de performance est partout, dans le travail, le sport, le loisir, la famille, le sexe, la forme, la santé. Ultra.
Celui que ne répond pas à ces critères s'écarte de la norme, se met en marge du monde, de ce monde là...Il devient marginal, déviant, car ne suit pas la ligne droite, exentrique, toqué, original, fou...On retombe encore une fois dans le pseudo pathologique !
Celui qui n'y arrive pas, malgré ses tentatives sera au mieux une mauviette, puis un raté, un nul, un bon à rien. Mauvais
Coupable ! Coupable de ne pas être en forme, sexuellement performant, ne pas faire le meilleur score au tennis, ne pas avoir fait O fautes...
La culpabilité, qui ne souffre pas d'être coupable ? Coupable de tout ? Surtout de ce qu'il n'a pas fait ?
Un monde qui culpabilise.
Parce que peut-être qu'aujoud'hui ce monde là, ne tient plus ses promesses.
Le monde capitaliste qui est le nôtre nous a toujours leurré, laissant croire qu'il peut tout, qu'il peut surtout susciter le désir, et combler celui ci, par n'importe quoi. Tout se vend et tout s'achète. Biens de consommation. Il peut tout, état providence, là et là, omniprésent et omniscient....Que la science explique tout, que le discours scientifique peut tout. Etat providence, Science providence;
Un monde où tout s'achète, un monde qui laisse croire que tout est achetable, le bonheur, la minceur, le bien être, que tout est monnayable, un monde libéral où la loi du plus fort, du plus riche...
Mais quid de cette loi face à la souffrance ?
Sois heureux ! Sois beau ! Soit....
Une longue liste sans fin, interminable
Mais où est le "sois toi" !
Seule injonction qui pourrait peut-être s'entendre ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très fort tout ce que vous dites ... ça me permet de réfléchir sur ces injonctions que je subis ...

Bien à vous Castor,
Cathy

Constance a dit…

"Agora"... La foule... Le peuple qui ne sait exister sans bêtises... Sans injonctions...
Joli texte...
Vanilla Coffee

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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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