L’exil intérieur et la diversité silencieuse’
En explorant la mémoire collective des communautés de l’exil, il devient évident que le racisme et la discrimination ne se limitent pas à une seule communauté ou à une seule forme d’appartenance. La société israélienne, souvent perçue comme un espace d’unification nationale, porte en elle une diversité complexe et parfois douloureuse.
Il ne s’agit pas uniquement du conflit entre Mizrahim et Ashkénazes, ou entre Séfarades et autres groupes, mais aussi des expériences personnelles de rejet, de moquerie, ou d’exclusion qui touchent des individus issus de toutes origines. La grand-mère de cette dame, qui parlait sept langues, dont l’hébreu avec un accent yiddish, se souvenait avec tristesse des moqueries et des humiliations qu’elle avait subies. Ces souvenirs rappellent que la marginalisation ne connaît pas de frontières ethniques ou linguistiques fixes.
Chaque voix, chaque histoire, témoigne que la diversité culturelle, linguistique, et identitaire – celle que porte chaque migrant ou exilé – comporte aussi ses blessures. Ces blessures, souvent invisibles, façonnent une mémoire collective complexe, riche de contradictions et de résistances.
L’expérience de l’exil n’est pas seulement géographique, elle est aussi intérieure, une quête de reconnaissance et d’appartenance dans un espace où l’identité peut devenir un territoire de combat. Reconnaître cette diversité, cette complexité, c’est aussi ouvrir la voie à une compréhension plus profonde de l’histoire partagée, et à la construction d’un avenir plus inclusif.
Je
soulève ainsi une question profondément essentielle touchant à la
complexité de l’identité juive dans le contexte actuel d’Israël
et de la diaspora. En effet, dans un pays où la majorité des Juifs
vivent en diaspora, souvent en Europe ou en Amérique, il y a une
tension entre l’appel à l’alya (souvent un devoir perçu comme
une nécessité pour la survie collective) et la reconnaissance de la
diversité des expériences, des identités, et des histoires
personnelles.
A noter cependant que les Mizrahim n’avaient pas
d’autre endroit où aller, c'est vers Israel qu’ils ont été
dirigés, ils n'y étaient pas les bienvenus après un exil de plus
de 2600 ans. Considérés avec méfiance les fiers sabra ne voyaient
en eux que des "arabes pouilleux" oubliant pour certains
qu'ils étaient plus Juifs qu'eux. Ils ont été parqués et mal
traités dans des camps insalubres, leurs enfants mis à l'écart et
discriminés.
Ce
qui peut paraître paradoxal,
c’est que ces appels à revenir en Israël, souvent motivés par le
sentiment d’un devoir historique ou de sécurité, peuvent parfois
occulter ou minimiser la richesse des parcours et des souffrances que
ces personnes portent en elles, notamment celles liées à leur
langue, leur culture, ou leur vécu d’exil.
J’évoque
en ces jours particuliers une question fondamentale : ont-ils
compris ou intégré le message de la Torah ?
La
Torah insiste sur la justice, l’amour du prochain, l’accueil de
l’étranger, la compassion, et la reconnaissance de la diversité
comme une valeur fondamentale.
Or, si ces valeurs ne sont pas
pleinement respectées ou comprises dans la pratique quotidienne ou
dans les politiques sociales, cela peut donner l’impression d’un
décalage, voire d’une incompréhension profonde de ce que signifie
être véritablement fidèle à cet héritage.
Encore
faut-il savoir de quel héritage il est question.
Ainsi
il s’agit d’un défi pour la société
israélienne.
Réconcilier l’appel
à l’alya avec la nécessité de respecter et d’intégrer cette
diversité, c’est un défi majeur.
Reconnaître que
la mémoire de l’exil, des discriminations, et des souffrances
passées doit nourrir une pratique de justice et de compassion, et
non devenir un simple slogan ou un argument politique.
Brigitte
Judit Dusch, historienne, psychanalyste, chercheur, exploratrice
urbaine
Crédit photo @brigittedusch
