Alors tout recommence ?
Yossi est calme, il me rassure
Il sourit et embrasse le livre des Psaumes. 
Je suis en état de choc
C'est un tsunami tout remonte à la mémoire
Celle ci est un gigantesque balagan
Tout se bouscule, cogne dans ma tête qui me fait mal
Mon coeur bat trop vite, mon âme se brise
Yossi est calme, il lit les psaumes
Il sourit et me rassure
Je n'entends rien ni ses mots, ni la raison
j'entends le doux murmure de la prière en Ivrit
J'ai peur que tout recommence encore
On a ça dans la peau, gravé dans la chair comme le matricule qu'ils ont gravé sur les nôtres
J'ai froid et je tremble, je pleure et je sanglote
je n'ai pas de mots, je n'ai plus les mots
Yossi me regarde, me prend dans ses bras et me berce doucement en récitant les psaumes comme ii fait quand je hurle la nuit aux prises avec mes fantômes
Yossi est calme
Je m'effondre d'un seul bloc, tout s'écroule, j'ai rendu les armes, j'ai déposé mon armure, je ne suis plus invincible, je suis humaine et je suis terrifiée, tout recommence et je ne suis pas prête, je ne peux pas le protéger, j'ai peur pour lui, qu'on me le prenne.
 J'ai peur des pas, des bruits, des coups qui peuvent résonner à ma porte, j'ai peur d'ouvrir, j'ai peur de tout, j'ai peur de moi car cette fois je ne supporterai pas, je ne vivrai pas, je mourrai pour toujours
Je suis effondrée, en miettes, en mille morceaux
Yossi  est calme 
Il s'en va à la quête de ce petit morceau d'âme qui brille encore au fond de moi, le reste repose en terre d'Israel avec celle de ceux que j'aime et que la vie m'a pris. 
il ne reste que cette mince étincelle que Yossi a su voir et aime plus que tout car c'est mon humanité, le mince fil qui me relie encore au monde des Hommes moi qui vit dans cet entre deux, entre le monde des vivants et celui des morts, moi qui suis une passeuse, une chamane blanche de Kabardia
Qui erre parfois dans le Caucase pour apaiser les âmes blessées.
Je suis fatiguée, tout ne peut pas recommencer
Nous avons donné nos vies pour que ce ne soit plus jamais ça
Yossi me berce doucement
Il n'y a plus rien du vaillant soldat qui maintes fois a traversé le feu, a vu la mort dans les yeux lui a fait face sans ciller. 
Il ne reste rien de cette machine de guerre, rien de ce soldat d'élite, il ne reste que moi, mon morceau d'âme qui peine à respirer
Je ne suis qu'une femme en pleurs, effondrée, qui a peur de perdre encore celui qu'elle aime.
Brigitte Judit
Crédit photo @brigittedusch

