Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 17 mai 2009

Injustice

Hier soir, un patient m'écrit "la mort est injuste"
Injuste, juste...
La mort est-elle question et affaire de justice ?
Ou d'injustice
Qu'est ce qui est juste, injuste dans cet à faire là....
Est-il question de justice ?
Qu'est ce ?

Il venait de perdre un être cher...Un être qu'il aimait. Perdu à tout jamais, parti pour un nulle part. Il ne le reverra plus, jamais. Son chagrin immense l'accompagnait dans toute sa démesure.

La mort c'est le monde du jamais, du jamais plus.... Une sorte de neverland, de noland...Nowhere
Un espace inconnu, pourtant...Un continent noir, d'où on ne revient pas. Jamais !
La mort fait partie du quotidien, pourtant, de chacun, du mien.... Elle fait partie depuis toujours de mon questionnement.
Mais il faut y être confronté vraiment, de prés, de très prés, de trop près pour l'envisager, pour la concevoir... Car elle n'est pas envisageable, imaginable...Représentable.
Une confrontation au réel, à l'inextricable, à l'inévitable, qu'on se garde de nommer, de convoquer, d'invoquer.
Un mur infranchissable, une voie sans issue, qui ne mène nulle part, on ne revient pas sur ses pas, on ne fait pas demi-tour, même si on pense s'être trompé. Sans retour, car pas de retour possible....Jamais. Mort pour de vrai, comme disent les enfants !

Il faut la rencontrer, être à ce rendez vous sans jour et sans heure, cet impromptu qui surprend toujours, car nous ne sommes jamais tout à fait prêt, le bagage pas tout à fait fermé, pourtant il saisit la main, la serre fort, et nous entraine....Loin ailleurs, nulle part, sans billet de retour
Un aller simple seulement !
Terrible face à face, où même en livrant un dernièr combat, en rassemblant ses ultimes forces, on dépose les armes...Si elle nous en laisse le temps, si elle ne les rapte pas, ne les confisque pas, vite, en un seul instant, seconde d'après, où il n'y a plus rien, où l'on se retrouve face au vide, l'absence de l'autre, qu'elle nous a ravit, sans ravissement aucun.
Terrible effroi, stupeur !
Vae victis !
Juste.... ?
Il n'est pas juste alors, qu'un être nous quitte, part, meurt, soit réduit à néant. En poussière le corps, et l'âme si âme il y a ? Où est-elle ? Que devient-elle ?
Une sorte de trahison, partir sans prévenir, souvent sans un adieu, quelle maladresse, quelle incorrection, quelle impolitesse..
Indécente la mort ?
Un être part, pour toujours, sans nous, nous laissant seul, face à nous même, face à la mort, face à sa mort, face à la nôtre...Un jour sûrement.
Un départ pour le néant... Le vide, le gouffre sans fond... Au fond trop loin, trop vide. Toujours trop vide.
Mais nous sommes le néant, nous ne sommes rien, et la mort nous le rappelle, nous l'assène, nous amène à la réalité triviale de notre impermanence.
Est-ce cela qui est injuste ? Mais pourrait-il en être autrement ?
Vivre et mourir, la vie se résume à ces deux mots, antinoymiques, mais pas tant que ça.....
La mort dans ce cas serait alors juste, car il est juste de mourir dans un tel schéma, une sorte de ligne, pas forcément droite, avec un début et une fin. Un segment AB.....On sait quand ça commence, mais il est impossible de mettre le point B....

L'inconcevable point B...

Le probable point B....Qui sera ? Nul ne sait !
Vivre c'est mourir, déjà, rien qu'un peu, on avance sur l'échelle sur ce segment dont la fin n'est pas encore définie. Qui met ce fameux point B, qui ? Quoi ? Comment ? Quand ?
Autant de questions sans réponse
Autant de mystère, d'angoisse peut-être, mais de justice ?
Il n'est pas juste de mourir, mais l'est-il de vivre ? De vivre comment ?
Quel est le sens de la vie, de notre vie, ici, sur terre, de ce passage si bref, mais que nous voudrions permanent, pour toujours... Quand on regarde l'immensité qui nous entoure et nous survit ? Injustice alors de se dire que cet arbre, ces herbes, bonnes ou mauvaises nous survivront, seront là, étaient là déjà alors que nous ne serons que poussière, ou pire, rien ?
Mais qui sommes nous ? Et que faisons nous ?
C'est cette question là qui est pertinente. Quid de ce passage ? Pourquoi ? Pour qui ?
Nous laissons des traces, nous voulons marquer de notre sceau, tels les pharaons des pyramides notre venue dans ce monde, morts, nous voulons graver encore nos noms sur la pierre... Pour survivre dans les mémoires et ne pas sombrer dans l'oubli
Encombrer encore les esprits des survivants, être encore présents dans leur quotidien, dans l'inconscient pour vivre encore, ne serait-ce qu'un instant ?
Est-il alors si difficile de partir ? De se résoudre à tout quitter pour toujours, sans rien emporter. Il ne s'agit pas de prendre le premier bateau, c'est du dernier train qu'il s'agit, celui que va au bout de la nuit, dans les coins les plus sombres et les plus reculés....Vierges de la connaissance, du savoir de l'homme.
Certains se plaisent à penser qu'il existe un paradis et un enfer. Refusant le rien, le Rien, le Vide et le Néant... Se confortant d'exister encore, dans un ailleurs autre, mais refusant la réalité de la disparition à tout jamais, ne plus être, pour les autres et pour soi !
Ce serait implicitement reconnaitre notre néant, notre vide, notre manque à nous même, notre inutilité peut-être...
Alors la mort de l'autre, se dire l'inutilité de son passage, de notre rendez vous, pas manqué, de notre rencontre et de notre histoire, se dire que ce passage là, même très bref, n'est rien.. Pourtant il nous a donné, ou nous a pris, nous a rendu heureux ou malheureux. Nous a appris
Rien, néant, vide, il ne reste que le souvenir, nos larmes et notre douleur...
Rien, pas même ça ne le fera venir, revenir
Car il n'y a pas de retour possible, nul magicien, nulle formule, nulle potion, nulle incantation n'y fera.
Rien ! vide ! néant ! On ne peut rien, face à ce mur, non de pierre, mais ce mur de vide....
Nous sommes si peu, nous n'avons rien, rien que de la peine et la douleur,
C'est avec ses compagnes d'infortune qu'il faut poursuivre la route, le chemin pavé d'embûches, qu'il nous faudra affronter sans celui qui est parti, qui nous a quitté. Un chemin toujours trop vide, qui n'a plus guère de sens.
Et pourtant, il faut faire, aller, être...

On réactive ce schéma d'abandon, jamais bien net, jamais bien sécure... Cordon ombilical coupé toujours trop vite, toujours trop tôt, c'est cet "un peu plus encore" qu'on sollicite, mendie.... Petites roues du vélo, béquilles... Qui permettent, qui font que...
Puis un jour nous sommes trop grands pour garder les petites roues, on se lance alors, seul....Comme un grand !
Puis un jour, on considère que la fracture, la félure est consolidée et que les béquilles ne sont plus nécessaire...Il faut aller....!
Seul, sans personne, sans aide, sans rien
Avec nous même pour seul témoin.
Il faut aller et regarder, se regarder et se voir enfin.
Seul !
Admettre, si ce n'est accepter
Etre seul face à notre être seul, notre solitude, notre chagrin, notre peine, notre désespoir, car ce dont nous sommes surs et certains vraiment c'est d'être seul, irrémédiablement seul....
La solitude est. Soit !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je viens vous lire régulièrement, ce texte me touche particulièrement, je me dis souvent ces derniers temps que si nous savions comment aborder la mort, nous ne passerions pas notre vie à vouloir l'ignorer, à trembler à son approche, nous devrions nous concentrer à faire de notre vie ce que nous estimons être bien et juste, pour l'heure venue n'avoir aucun regret. Seule oui, nous l'apprenons au fur et à mesure, pas facile à accepter, vieillir en comprenant cette solitude...

castor a dit…

Merci pour ces mots...La mort est une fin, le terme de la vie. Etre seul, face à la mort, nous le sommes tous.
Bien à vous

poetextes a dit…

La mort n'est pas une fin en soi puisqu'il reste tout "l'héritage" de celui qui a quitté ce monde, soit les moments partagés bons et mauvais, ses créations quelqu'elles soient:exemple, mon père est décédé il y a 2 ans; nous étions très complices et nous avons construit ensemble les murs en pierre du jardin autour de ma maison;c'est un peu de lui qui restera à jamais dans ce lieu avec et après moi.
Un homme que je connais depuis mon enfance est mort hier; c'est quelqu'un qui a partagé plusieurs moments de ma vie et pour moi il fera toujours parti de mon histoire.
Ce que je veux essayer d'expliquer c'est que la mort est aussi source de vie; combien de personnes ont été plus vivantes après leur mort que pendant leur vie terrestre.
En fait ce qui est difficile c'est l'absence, l'absence physique, ne plus pouvoir toucher avec le regard, les mains...ce manque de contact est déroutant et déstabilisant et tout l'environnement est perturbé de cette absence..Chacun est obligé de se repositionner, les relations entre ceux qui restent s'en trouvent bouleversées...
Nous sommes toujours seuls pas uniquement face à la mort, mais dans la vie de tous les jours et si nous voulons préserver notre liberté nous devons apprendre à être seul, à prendre nos décisions seul.Je ne trouve pas cela triste mais au contraire c'est une grande force et cela n'empêche ni d'aimer ni d'être aimer, bien au contraire.
Bien à vous .

castor a dit…

Et l'absence est venue...
Terrible et terrifiante
L'absence, le manque, le vide cruel de l'être aimé...
Que rien ni personne ne viendra combler
Pas même vraiment les souvenirs
Qui sont parfois des imposteurs...
Illusions et illusionnistes cruels !
Un seul être nous manque....

poetextes a dit…

L'être aimé serait-il une addiction???

castor a dit…

Il peut l'être Claudine dans certains cas, la dépendance.. Mais à partir de quand et jusqu'où le devient-on et le sommes nous ?
L'absence c'est ce vide crée par le manque de l'autre, qui n'est plus. Qui ne sera plus, et que tout le rappelle à chaque instant, jusque dans le quotidien le plus banal. Se fait-on à cette absence là ?
C'est le plus sans, le avec sans.
Paradoxe !
La mort de l'autre nous laisse seul face à notre chagrin, notre peine et face à l'absence, face à nous même encore plus seul.
Il y a ceux qui partent, mais aussi ceux qui restent, et c'est parfois insurmontable pour eux.
Bien à vous

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