Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 2 mai 2009

Le passé

Le passé bien souvent est trop présent...Et nous empêche de construire le futur .
De bâtir l'avenir.


L'homme semble parfois attaché à son passé, son histoire, ses souvenirs... Ce qui a été, ce qui fut, mais qui n'est plus. Ne sera plus, mais qui pourtant est encore.

Tellement présent au présent.
Ce passé qui colle , qui se colle, qui lui colle à la peau, à la mémoire, une mémoire vive, une mémoire à vif ! Une mémoire à vivre.
Il vit avec ce passé là, ces souvenirs, qui deviennent ses souvenirs, une mémoire, un devoir de se souvenir, de ne pas oublier, un devoir de mémoire... Pour se rappeler.


Souvenir, passé, regret, remords, nostalgie, d'un avant. Au présent

Ce passé là, on le conjugue à tous les temps, à tous les modes, surtout au présent, mais aussi au futur, qui à cause de ce passé composé sera imparfait.
Alors le sujet est encombré par un tas de souvenirs, de faits, d'histoires, photos jaunies, ou couleurs sépia d'un temps révolu, mais qu'on ne peut ranger, jeter, bruler, sceller à tout jamais dans une malle bien fermée.

Et en jeter la clé.

Encombrés nous sommes ! Trop, il y en a parfois trop, et quand il n'y en a pas assez, l'homme s'efforce d'aller en rechercher, de creuser encore, tel un forçat, un peu plus, un peu plus loin, un peu plus profond, pour déterrer, sortir, expulser de l'oubli un élément, qui peut-être expliquera je ne sais quoi, mais qui tentera peut-être de donner, de poser une hypothèse sur ce qu'il ressent, vit, éprouve aujourd'hui !
Qui validera sa souffrance....
Il faut à tous prix tâcher d'expliquer cette souffrance, c'est essentiel, c'est ce qui nous permet de rester en vie quelque fois, souvent.
"J'ai mal," "je suis comme ça à cause de ça." Construire, élaborer une relation de cause à effet.
A cause de, car, parce que, c'est pourquoi.
Faire des liens, mettre en relation, relier, assembler, échafauder
Relier l'événement à la souffrance qui semble convenir le plus !
Curieux exercice auquel nous nous livrons là !
Trouver une cause, une excuse parfois, une circonstance atténuante
Faut-il tordre le cou d'un seul coup, à tout ce fatras si emcombrant pour naitre et n'être qu'aujourd'hui ?

Ah cet aujourd'hui, qui n'est pas, pas vraiment, puisqu'encombré des restes du passé, d'un avant qui n'est même pas tout à fait le sien, certains nous encouragent à rechercher dans sa généalogie ce qui pourrait expliquer notre mal aise, nos choix de maintenant... Notre souffrance actuelle.
Car les parents ne suffisent plus...Il faut chercher plus loin encore, plus loin, très loin !
Faire son arbre....
Se suspendre, se pendre à cet arbre ?
Ainsi, si un aieul s'est pendu il se peut que nous souffrions des cervicales, à moins qu'un de nos ancètres n'ait été guillotiné avec Louis XVI, on ne sait jamais.... (je n'invente malheureusement rien, c'est ce que m'a confié une patiente, persuadée qu'elle devait payer encore aujourd'hui les "fautes" de ses aïeux)
Casser la branche de cet arbre ?
Mais quel arbre ? Le sien ou celui de "ses autres", de ceux qu'on fait siens, sans les avoir choisi...


Si les secrets de familles, tus, chuchotés, encryptés peuvent en effet être cause de souffrance, de douleurs et de symptomes il convient quand même de faire preuve aussi d'un peu de sérieux, et de discernement.
Une analysante m'expliquait qu'elle ne pouvait s'empêcher de penser à un événement qui s'était passé dans son enfance
Un fait, qui est arrivé, non à son insu, mais en réponse à un désir, à une pulsion... Mais là, elle s'est retrouvée comme prise au piége....
Persuadée que tout repose sur ce passé là, elle ne peut avancer, emprisonnée dans ce passé, dans cette cage qu'elle s'est elle même façonnée. Elle s'interdit toute forme de plaisir et de vie... Comme si elle n'était pas digne, comme si elle ne méritait pas.
Comme si elle ne valait pas !
Comme si ce passé lui empêchait toute jouissance... Que celle ci ne lui était pas possible.
Elle s'est posé cet interdit, et souffre terriblement !
Elle sait de quoi elle a mal, elle a identifié et désigné son symptôme, ce qui pour elle fait symptôme.. Mais quid ? Quid de l'avenir...Que faire avec ce passé là...
Le travail mené ne pourra jamais le modifier, faire qu'il soit différent, qu'il en soit autrement, que cette vérité, que ce qui fait pour elle vérité, soit autre.

Accompagner alors pour digérer, assimiler, faire avec...Vivre avec, vivre ainsi, vivre.

Une longue route encore, si difficile peut-être aussi !
Mais elle est en route.... Elle veut aller au bout du chemin.
Il en faut du courage pour s'engager sur cette route là, route vers sa Terre Promise, pour se délivrer enfin de ses démons.
Courageux pélerinage ! Eternelle quête !

Vivre avec ce passé, cette ombre gigantesque qui plane, qui empêche, qui emprisonne... N'est plus ni possible ni tolèrable, il fait souffance, une souffrance si grande, qu'il faut l'extirper, la sortir au dehors, la vider du dedans, pour pouvoir aller de l'avant. Ici, et maintenant, pour construire ailleurs et maintenant
Nous ne pouvons faire table rase du passé, du nôtre, de celui que nous avons élaboré, échafaudé avec nos souvenirs, nos croyances, celui qui a forgé nos schèmas, nos processus cognitifs...
Ce passé qui nous a fait, qui fait que nous soyons ce que nous sommes
Un héritage, mais nous avons le droit de choisir ce que nous gardons ou pas !
Et surtout, nous pouvons en faire quelque chose, nous sommes acteurs de notre scénario de vie...

Et non des figurants à la petite semaine, des intermittents de l'inconscient... Des interimaires du quotidien !

Ce scénario est le nôtre, le passé, les faits, évènements sont aussi les nôtres. Les identifier est interressant, essentiel, important, vital pour certains, ils expliquent, éclairent, mais ne doivent pas diriger notre vie...Ils ne doivent pas maitriser notre scénario. Nous sommes notre vie, nous sommes un tout, un tout de tout cela...

Un tout : Une gigantesque addition, d'où on se donne le droit de retrancher ce dont ont ne veut pas, on ne veut plus...
L'ablation, cela ne signifie pas gommer, mais oter, en toute connaissance de cause, en toute conscience ce qui fait que ça coince, que ça ne passe pas....
Toute ablation laisse une cicatrice !
Ainsi.... Vivre avec.... Vivre et non survivre avec !

Ce passé là, est là, présent, mais doit être soldé une bonne fois pour toute. La thérapie peut-être une étape, un composant à ce travail. Restent la possibilité, la résilience, la motivation, le désir..

C'est ! C'était ainsi...Il a été une fois, ou plusieurs fois.... Peut-être que ceci explique cela, mais....Je n'y peux rien maintenant, je ne peux réparer ce qui a été cassé il y a si longtemps, je ne suis pas responsable de ces squelettes anonymes au fond des placards familiaux... Ni des secrets, ni de ses histoires, tues, ou pas tues...Vraiment, complétement
Il me faut vivre ma vie, avec ce passé là, le mien et celui des autres, des proches, de la famille qui est la mienne...
Vivre avec ce passé là, le mal que j'ai reçu et que j'ai fait, intentionnellement ou pas, se par donner, pour se donner ensuite, se donner l'amour, l'estime et le respect. Se rendre aimable, à soi et aux autres....Vivre comme on est, vraiment, en sachant que nous avons tous nos côtés sombres...Rien n'est jamais vraiment gris... Toujours !


Vivre enfin, avancer et construire, faire de ma vie, ce que je veux qu'elle soit !
Vivre pour voir la lumière, ou un peu de cette lumière que ce passé a si longtemps caché, écarté ce rideau qui voile la vérité, la vérité qui est mienne, peu importe qu'elle ne soit pas la même pour les autres...Chaque vérité est singulière
Voir sans voile, sans prisme déformant, ne pas nier, ne pas dénier, mais dire, c'était ainsi, maintenant c'est ainsi, et demain sera ainsi.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

On ne peux pas vivre sans passé, on souffre de vivre avec, quelle est la solution ? Comment faire pour l'accepter, simplement s'accepter soi-même ?

L'oiseau

castor a dit…

C'est bien là, toute la difficulté, vivre avec son passé, l'accepter, afin qu'il permette de vivre au moins convenablement. La thérapie, l'analyse peuvent y contribuer. C'est un chemin qui n'est pas simple, s'y engager est une décision complexe, qui demande beaucoup de courage, de la volonté, un profond désir de changement. On ne peut pas vivre sans, cette sorte d'amnésie n'est pas volontaire. Certains souvenirs que le conscient ne peut traiter sont justement refoulés, ou stockées dans une partie de notre mémoire à long terme sans que nous puissions y avoir accés, ce qui nous permet de vivre, un peu moins mal. La thérapie fait remonter, remet à flot, mais ce que nous sommes en mesure d'accepter, de traiter, de faire, d'y mettre du sens ! Ce n'est pas simple
Le passé, on peut aussi décider d'en faire ce qu'on veut, d'y mettre le sens qu'on souhaite, de faire d'un drame, une force, pour vivre plus fort, plus confiant. Je rencontre souvent des "accidentés de l'âme, de la vie," qui ont un passé et passif lourd, terrible et qui ont pu surmonté, qui ont su, qui ont trouvé les tuteurs auxquels s'accrocher...
Accepter : quel autre choix avons nous ? Comme vous le dites, s'accepter soi même, comme on est, avec nos plus et nos moins, nos qualités et nos défauts...Se voir vrai et authentique...?
bien à vous

poetextes a dit…

Pendant des années, je me suis battue contre, contre ma mère qui voulait que je sois un garçon, contre les injustices de tous ordres, contre la société ou je ne me sentais pas à ma place...bref toujours contre et un jour j'en ai eu assez; c'est après la naissance de mon fils où j'ai compris que je devais me battre pour, entre autre pour mon fils, pour que ma vie devienne ce que je voulais qu'elle soit, et à partir de ce moment là, les rencontres, mes réflexions, mon analyse , tout s'est mis en mouvement; j'ai utilisé mon passé comme tremplin pour avancer, pour comprendre lorsque je ne suis pas satisfaite de mes réactions, de mon rapport à l'Autre, pourquoi je reproduis telle ou telle situation...et au fur et à mesure que j'avance je m'enrichis un peu plus, j'ai trouvé la sérénité; bien sûr certaines fois je me perd un peu mais très vite je me retrouve; ma relation aux autres continue à évoluer et même si je ne connaitrai jamais la complicité avec ma mère, par exemple, elle est ma mère et je la remercie de m'avoir donné la vie...je ne lutte plus, je vis...
Le passé, notre passé, c'est notre histoire, uniquement la notre(ma mère n'a pas du tout la même vision de notre vécu ensemble))parce que chaque personne est unique et ressent et vit l'instant avec ce qu'il est...
Je dois accepter qui je suis, ce que je suis, ce que je peux offrir à l'Autre, ce que l'Autre peut m'offrir...chacun a les moyens de décider de sa vie et d'avoir une attitude positive quelque soit la situation, toujours regarder le côté positif; rien n'est figé tout évolue; il suffit de regarder, d'écouter, de se mettre à l'écoute de notre environnement et l'on constate très vite que l'on rencontre toujours "la solution"; ce peut être une personne, un lieu, une situation...Notre passé est aussi notre avenir.
Voilà ce que votre texte m'a inspiré...
Bien à vous

castor a dit…

Je vous remercie Claudine pour ce témoignage si émouvant. Prendre son passé à bras le corps est courageux, c'est un choix difficile car il engage le sujet tout entier vers une quête souvent longue et complexe, mais le bout du chemin est une magnifique récompense, voir, prendre la vie autrement que comme "subie et infligée"
Merci et bien à vous

poetextes a dit…

Ce n'est pas du courage,nous le devons à nos enfants;la famille est une chaine; trop souvent nous retrouvons des mal-êtres qui se perpétuent de générations en générations(l'alcoolisme...et des situations moins criantes et tout aussi complexes)ce qui au bout du compte devient un fardeau qui s'alourdit de génération en géné ration.Souvent il suffit qu'une personne de la famille commence ce travail et toutes les relations s'en trouvent changées et améliorées; bien sûr il y a des tempêtes à traverser mais ensuite le soleil est encore plus lumineux.
Le début de la démarche est douloureux mais la suite n'est que bonheur et épanouissement pour soi et pour les autres ...

castor a dit…

Oui, décider un jour, une bonne fois pour toute que c'en est assez qu'il faut couper cette chaine, interrompre ce cercle vicieux.
C'est un acte courageux dans le sens où il s'agit d'en finir, de ne pas accepter un héritage, de renoncer à la facilité et/ou la fatalité.
Comme vous le dites, c'est un bonheur et un épanouissement, car le sujet, qui prend cette décision, recouvre une certaine part de liberté, la sienne, sa vie, il devient acteur de sa vie, et peut regarder, non comme spectateur, mais comme acteur encore le passé qu'il laisse derrière lui.
Merci infiniment pour ces remarques fort constructives
Bien à vous

Anonyme a dit…

OUI ! Dire oui à son passé pour pouvoir le dépasser. Tant que j'étais dans le refus, j'étais impuissante. l'acceptation est une ouverture. J'ai connu une longue période de dépression : quand on en sort on est plus sensible à la vie, plus curieuse des autres et aussi plus tolérante (je crois). Merci à Castor et Claudine pour leurs mots et témoignage.

castor a dit…

C'est peut-être le "lacher prise" ?

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