Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 6 juin 2008

Vieux

Avant, enfin, il n'y a pas encore si longtemps, on mourait chez soi, auprès des siens, dans sa maison, dans son lit, au milieu de ce qui a fait sa vie..... On naissait, on vivait et on mourait parfois dans la même maison, dans le même lit.
Avant de mourir on vieillissait, plus ou moins tranquillement, mais chez soi, auprès des siens, dans sa maison, dans son lit, au milieu de ce qui a fait sa vie.. On naissait, on vivait, et on vieillissait parfois dans la même maison, dans le même lit.

Avant, être vieux signifiait savoir, avoir une expérience, une compétence, avoir vécu...
Avoir et Etre, Etre vieux et avoir un savoir !
Etre et avoir à transmettre, à donner, à léguer, pas seulement ses terres, sa maison, son lit....
Transmettre l'histoire d'une vie, de sa vie, de sa longue vie.
Témoigner de son passage, ici, sur cette terre, dans cette maison... Auprès des siens
On était le Père, la Mère, ou le Vieux, ou la Vieille... Sans qu'il n'y ait rien de péjoratif dans ses appellations
Parfois on disait "les Anciens" . On le dit encore, dans certaines régions.
Ils étaient respectés, reconnus, interrogés...
Ils étaient l'âme et la mémoire de la Terre, du Village, de la Maison
Il savait, ce qui s'était passé avant, avant lui, et avant son père, qui le lui avait dit. Et il disait, racontait.... le soir, à la maison..
Il transmettait ce savoir là, ces histoires là qui faisaient notre savoir, notre histoire, celle que nous transmettrions nous aussi, enrichie de notre savoir, de notre histoire à nos enfants...
Avant c'était comme ça...Il y avait une mémoire, une histoire et des vieux
Les vieux cotoyaient les jeunes, les plus jeunes, les moins jeunes, les moins vieux, et les plus vieux...
Avant il y avait des vieux dans les maisons, et les plus jeunes ou les moins vieux s'occupaient d'eux. C'était comme ça !
Le vieux n'était pas si encombrants que ça, on finissait bien par lui trouver une place, des petites choses à faire, pour être utiles encore un peu..

Une place !

Je crois que c'est autour de ce simple petit mot, que tout s'articule, une place !
Il avait en effet une place, du moins il gardait une place, celle qui était la sienne, dans sa terre, dans sa maison, dans son lit

Bien sûr tout n'était pas idyllique, l'homme est un homme pour l'homme ne l'oublions pas... Il suffit de lire ou de relire Balzac, Maupassant pour s'en convaincre si on ne l'est pas encore... Mais enfin le vieux vieillissait et mourait chez lui, même si on l'aidait un peu..

Aujourd'hui : Quelle place pour le vieux ? les vieux ?

Une place ? Mais où ?

Bien évidemment on rétorque, analyses et statistiques à l'appui, que la société à changé.. C'est sûr, elle n'est plus ce qu'elle était. Tout a changé, tout s'est modifié, la société mais aussi les notions qu'elle recouvre... les notions les plus fondamentales et élèmentaires, telles que l'éducation, la famille, le couple, le travail....

La famille n'est plus la même, son concept a tellement été malmené qu'on ne sait plus très bien ce qu'il recouvre et recoupe aujourd'hui...De famille élargie à famille monoparentale, le fossé est grand, faille énorme.. Mais en tout état de cause, le vieux ne peut pas s'y engouffrer
Pas de place pour lui dans cette faille là..
Cette faille, ce trou ce vide n'en veut pas.
Il le jette, le rejette, le vomit.

Ainsi, ce nouveau visage d'une société qui ne cesse d'être en mutation serait une explication à la notion même de vieux
Mais vieux n'est pas correct, c'est indécent parfois d'être vieux, c'est faillir. Vieux c'est la faille, où nous nous engouffrerons tous un jour, même au bout de multiples liftings et d'injections de botox... On n'injecte pas les neurones... On ne diminue pas le poids des ans. La sorcellerie n'a qu'un temps et la fontaine de jouvence n'est qu'un mirage ! Dénis terribles que tout ça !

Le vieux, en tous cas n'a plus sa place, n'a plus de place dans sa maison, dans une maison... Une maison, un village où il n'y a plus personne, ou alors plus que des vieux, donc personne !

Pourtant, on se préoccupe des vieux, on s'en inquiété car c'est inquiétant. Voilà qu'ils meurent s'il fait trop chaud ! et nous n'avons rien vu... Inconséquents que nous sommes ! Inconscients et irresponsables... Ils sont morts de soif, de chaud, de froid. Bref, ils sont morts tout seuls, pas si loin de nous.. Car ils meurent près de nous, ils s'éteignent sans bruit, doucement, silencieusement, de peur de déranger, encore, on dérange quand on est vieux !

S'ils ne sont plus dans nos maisons, ils sont pourtant près de nous. un prés qui se veut loin pourtant.. Loin, étrangement loin.
A une place ! Une place spécifique, spécifiquement pour eux. Une place pour les vieux, à l'abri du regard des moins vieux, car on vit de plus en plus vieux, et il faut bien faire quelque chose, il faut bien en faire quelque chose, les mettre quelque part... à l'abri des regards et des consciences. Pour avoir sa propre conscience au repos, tranquille ou presque. Car vieux, on le deviendra, un jour ! Un jour qu'on perçoit plus ou moins loin, loin sûrement, le plus loin possible, on recule, on retarde cette pensée qui intruse notre présent, on la chasse, mais elle revient parfois au galop, quand il s'agit d'un de nos proches qui devient vieux et que finalement on n'avait jamais vu vraiment vieux, et qu'on pensait qu'il ne deviendrait pas aussi vieux, ou aussi vieux comme ça.
Ca n'arrive qu'aux autres : mais parfois les autres c'est nous, nous aussi et il faut bien faire quelque chose
"Pourvu que je ne devienne jamais comme ca ! " litanie que j'entends tant de la part des soignants que des enfants ! Que je partage parfois quand je suis face à cette violence, cette violence faite aux vieux !


"On ne peut pas le prendre à la maison, pas de place ! "
Tiens encore la place... Et cette fois, il n'y en a pas. Mais y en a t-il eu une un jour ?
Qui va s'en occuper ? on travaile
Subtile question qui est en fait une réponse...
No place !
Alors on parle de "placement" en maison, de retraite, de vieux quoi ! Avant on parlait d'hospice, d'asiles de vieillards, pour les indigents des villes, ceux qui n'avaient personnes, à la campagne il semblait plus aisé de vieillir, car on avait soit disant la place pour le garder.
Placement ! Mot terrible, qui signifiait dans leurs jeunes années, pour les plus vieux de ces vieux, le placement dans une maison, comme "bonne à tout faire" me dit une patiente agée de 95ans !

Placement ! Mot terrible qui raisonne et résonne comme une sentence ! Maison de correction, placement en maison, mais pas sa propre maison, qu'on abandonne car trop vieux pour s'en occuper, trop vieux pour s'occuper de soi, pour prendre soin de sa maison, de son chat, de soi !
Terrible aveu ! Impuissance devant une finitude certaine, mais qu'il reste à atteindre, lentement inéxorablement.
Un billet simple pour l'enfer ! Il est pavé de bonnes intentions, comme les plus luxueuses de ces maisons de retraites, asiles pour séniors friqués, car les pauvres, restent pauvres, même vieux, encore plus pauvres, surtout vieux !
L'issue de cet enfer ne peut être que le paradis ! Pas celui promis mais celui ici tant espèré, tant attendu, paradis de la délivrance, délivrance de ce purgatoire, derniere ligne droite. Le paradis est au bout du tunnel !

A tous les vieux, que je rencontre, qui se racontent, qui m'offrent une part de leur vie, de leur souffrance, de leur histoires d'amour souvent, de leur bonheur, et qui partent doucement, que je ne revois plus le lundi suivant, parce qu'ils ont "glissés" lentement vers un monde qu'ils pensent sûrement meilleur, mais surtout parce qu'ils savent qu'ici "ils ne servent plus à rien"

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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