Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 6 juillet 2016

Enfant du survivant

Survivant ; je suis un survivant, j'ai en moi au plus profond de moi la trace, la cicatrice, la mémoire du survivant.
C'est
inscrit, gravé, pour toujours...
R
ien à faire !
ll faut v
ivre avec ça, 

Tenter de vivre avec ça.
Car je su
is l'enfant du survivant.


Survivance de l'autre, celui d'avant moi, qui était lui même survivant ; le survivant ; celui dont la vie était, a été en suspend, suspendue à : un fil, à la volonté de l'autre, à la haine de l'autre, à la cruauté de l'autre, à la folie de l'autre. A son bon vouloir, à sa toute puissance, celle de la vie, celle de la mort.

Le surv
ivant.

Celui qui n'en n'a rien dit.
Qu
i n'a rien pu en dire car il n'avait pas les mots qu'il faut, les mots pour le dire, parce que ça ne se raconte pas, mais pourtant ça le hante, tel un fantôme. Ca lui colle à la peau, pire c'est inscrit en lui, c'est gravé dans sa chair, son coeur, son âme. Celui qui malgré lui a transmis. A donné...

A transmis sa peur, ses angoisses, sa colère, son chagrin, sa peine, son désespoir, son non espoir, ses cris, son peu de foi, ses cauchemars, ses craintes, sa peur, sa très grande peur, sa terreur.
Celui qui a aussi transmis l'acharnement, la volonté, la rigueur, la discipline, le dépassement de soi, le désir de vivre, la force, sa foi en la non foi, ses incertitudes nécessaires à la vie. L'essentiel pour vivre.
 

L'Amour...

Cur
ieux héritage, qu'on ne demande pas mais qu'on ne refuse pas non plus. Comment le pourrait-on ? Car cet héritage là est infligé, perfusé tout au long de l'enfance, avant la naissance. Ce traumatisme là précède la vie du nouveau survivant, ce celui qui va porter ça. Curieuses transmission, singulier bagage, mais qui fait ce que je suis ! Qui fait qui on est.
 
Surv
ivant je suis, car je viens des survivants de l'impensé et de l'impensable, survivant car je ne devais pas naitre, car je ne devais pas vivre à ce qu'il parait. Mais !
 
Pourtant je su
is là, et j'ai survécu ! je survivrai, encore ! et toujours !
 
Pourtant je me demande comment transmettre à mon tour et autrement peut-être cet hér
itage, inscrit dans la mémoire et dans chaque gène du survivant enfant, petit enfant du survivant qui ne lui a rien dit, mais qui lui a légué;
Comment lu
i apprendre à vivre ? Mais apprend-on à vivre à l'autre ? Ou l'apprend-il seul, face à lui même ? Face à face à son histoire, face à lui même ? Face à sa solitude ?

Apprendre à vivre et à survivre à cet héritage.

Vivre n'est pas simple, ce qui nous est transmis l'est sans notre accord, au préalable, mais il nous reste quand même une part de volonté, de liberté, celle de choisir, si on veut ou non de cet héritage... Puis que va t-on en faire, qu'on l'accepte ou non. Renoncer n'est pas annuler. N'est pas gommer, n'est pas faire disparaitre... Au contraire. Prendre conscience et admettre, reconnaitre, que C'EST bien là, en soi, avec soi est déjà une première étape... longue, délicate et difficile. Mais elle permet d'aller plus loin et d'avancer sur le chemin de la vie que le survivant doit vivre. C'est comme un devoir, une fidélité familiale, ne pas flancher, une sorte de poids, de fardeau parfois bien lourd à porter. On aimerait le déposer, pour se sentir un peu plus léger.
Mais ?
Qui serait-on alors ?
Abandonner cet héritage et/ou le refuser ne sert à rien ; ne servirait à rien. Ce serait trahir, la mémoire du survivant mais aussi la sienne. Cette histoire qui n'est pas nôtre mais qui le devient malgré nous est un fardeau certes, mais aussi peut-être une chance, c'est selon, selon, son choix, cette part de soi qui reste et qu'on ose prendre ou pas. C'est une partie de son histoire, sans être la sienne toute. Mais nous ne sommes jamais "Toute" nous sommes des parties, des petits "tout" fragments et morceaux, instants et paroles qui nous servent à construire l'édifice fragile de notre vie et de notre être.
A
insi il faut vivre avec, en faire un atout et un allié, ne pas laisser, ne pas permettre aux fantômes de roder, mais les affronter, pour que chacun puisse être à sa place, reprendre la place qui est la sienne. Nous n'avons pas à endosser des vêtements trop grands ou trop ajustés, mal taillés car ils ne sont pas à notre mesure, en revanche on peut en garder l'idée, la forme et la mémoire.
Ne pas oubl
ier, garder en mémoire, n'est pas faire nôtre de ce qui est à l'autre... ll ne l'aurait pas voulu, c'est aussi peut-être pour cette raison, qu"il fut un survivant
Soyons alors d
igne de son héritage.

Br
igitte Dusch, psychanalyste, historienne

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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