Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 19 décembre 2018

Les Fils de Décembre



Les Fils de Décembre
S'apprêtent à rentrer
A retourner chez eux, dans leur maison, leur foyer
Retrouver les terres qu'ils ont brutalement quittées
Au son glaçant du tocsin.

Les Fils de Décembre
Sont partis en été,
Ils reviennent en hiver,
Froids, transis, gelés, cassés, torturés, écartelés, décharnés.

Les Fils de Décembre
N'en reviennent jamais,
N'en reviennent jamais tout à fait
Revient-on de l'Enfer ?

Les Fils de Décembre
A tout jamais sont meurtris, blessés, exsangues,
L'âme, le cœur, le corps et la gueule cassés
Mais il faut à présent rentrer.
La guerre est terminée.


C'est ce qu'on leur a dit, mais la guerre ne se termine jamais, elle reste gravée pour l'éternité dans la chair et le cœur de ceux qui y étaient, y sont restés, en sont rentrés. La guerre est une trace, indélébile qui empêche de trouver le repos, qui réveille la nuit, qui crie le jour, qui pleure et qui casse tout au long du reste de la vie. De leur vie. Des vies. De toutes les vies


Les Fils de Décembre
N'ont plus de passé, de présent ni de futur
Ils reviennent du champ de l'horreur,
de la boue, du sang, du fond des ténèbres
du gouffre des Enfers
Les Fils de Décembre
restent sans voix, sans cri, dans le silence
d'une tragédie dont ils ne peuvent parler, dire ou se plaindre
les maux ont dépassés les mots qui n'existent pas pour dire une telle horreur
Il n'y a plus  de rêves, d'illusions ou de foi
en dieu, en l'homme et en soi,
il n'y a plus Rien,  rien que le Néant, le vide, l'abîme
quand on a vécu ça, on est mort là bas,
Pas tout à fait, mais presque, pas tout à fait vivant.
C'est une ombre, un fantôme
qui se profile lentement, fébrilement et qui reste sur le pas de la porte
si on ne leur a pas pris la vie, on leur en a pris le souffle, il n'en reste qu'un semblant de lueur dans les yeux et dans le cœur, où est l'envie d'être encore en vie, quand on est survivant et qu'il ne reste dans la tête que l'horreur ?
Les Fils de Décembre sacrifiés au nom de rien, semblent n'être plus rien, ils reviennent sans trop savoir où aller et que trouver, y a t-il encore une place ? Et quelle place ?
Les Fils de Décembre resteront jusqu'au bout, les Enfants de l'Hiver.
Un Hiver commencé en été et qui ne finira jamais.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste. In Les "Nouvelles d'Arsel"
Crédit photo @brigittedusch.

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